Douanes (traduction conjointe François Heusbourg)

Traduit de l'ANGLAIS (ETATS-UNIS) par RALUCA MARIA HANEA

À propos

Les douanes sont ces lieux qui n'en sont pas, dans les ports et les aéroports, où l'on contrôle la légalité de ce que l'on emporte avec soi au moment de passer la frontière. Ce sont des lieux où l'on vous demande d'où vous venez, qui vous êtes, ce que vous faites. Ou ce que vous venez faire ici. Solmaz Sharif semble écrire à partir de l'impossibilité de répondre à ces questions. Elle semble écrire à partir de la difficulté de ce passage des frontières, d'un territoire à un autre, de la mémoire au présent, d'une identité à l'exil. Dans « Mire », son extraordinaire premier livre, Sharif se servait des termes du dictionnaire militaire américain pour évoquer la violence de l'état, la violation de l'intimité et les guerres impérialistes. Plus de dictionnaire ici, mais la difficulté d'un apprentissage solitaire, un « gribouillis » d'alphabet, des rayures sur des ardoises d'école, ou le décryptage phonétique du persan. Plus de « mire » précise, létale, face aux agents de sécurité, face au pays hostile, mais un « regard oblique », louche, déformé qui guette l'arrivée d'une mère dans le miroir convexe des couloirs de l'aéroport. Seule face à ses origines perdues, irrattrapables, passagère en sursis dans la grande caravane de l'occident, Sharif interroge ses racines iraniennes, qui ne sont que des racines inconnues, des souvenirs inventés, un passé recomposé. Elle est « d'ailleurs », que ce soit à Shiraz, la ville de ses parents, ou en Californie, où elle vit. Un ailleurs qu'elle a malgré elle « appris à être ». Solmaz Sharif revendique une poésie politique - ne dit-elle pas dans un poème que « toute nation déteste ses enfants » ? - et une position de femme considérée comme une barbare dans un pays de colons. Passer une frontière, est acquis pour les uns, impossible ou douloureux pour les autres, confinés derrière les barrières. « Visa » vient de « voir » nous dit-elle, et c'est ce regard qu'elle démultiplie tout au long de ces « douanes » : l'oeil noir des caméras de surveillance, le regard d'un amant sur son corps nu ou celui des policiers quand elle se déshabille, les souvenirs dans le rétroviseur, les prisonniers politiques à la télévision, tout ce que notre origine sociale ou ethnique nous autorise à voir, ou nous oblige à imaginer. À rebours de cette Amérique de synthèse droguée aux produits dévitalisés, à la richesse monétaire et au voyeurisme, Sharif retrace les rites anciens de ses ancêtres, et opère, à l'image des anciens tanneurs chassés en périphérie des villes à cause de la puanteur et qui décharnaient les peaux des bêtes pour produire du cuir, une forme de desquamation du poème, qui détache la chair émotionnelle de l'os de son identité. Comme ses ancêtres elle fabrique avec des mots des seaux de cuir qu'elle plonge dans le puits du passé pour en faire remonter un « reflet » de soi-même. Elle retourne chercher tout ce qu'elle avait soustrait d'elle faute de pouvoir « supporter de le regarder. » L'exil peut-il prendre fin, lui qui vous touche jusque dans votre intimité, dans votre refus d'être touché, tant il vous habitue à « perdre même la perte », tant tout retour est impossible quand on vient de « nulle part » ?


Rayons : Littérature > Poésie > Contemporaine


  • Auteur(s)

    Solmaz Sharif

  • Traducteur

    RALUCA MARIA HANEA

  • Éditeur

    Unes

  • Distributeur

    Belles Lettres

  • Date de parution

    20/10/2023

  • EAN

    9782877042673

  • Disponibilité

    Disponible

  • Nombre de pages

    104 Pages

  • Longueur

    21 cm

  • Largeur

    15.2 cm

  • Épaisseur

    1.3 cm

  • Poids

    222 g

  • Support principal

    Grand format

Infos supplémentaires : Broché  

Solmaz Sharif

  • Naissance : 1-1-1983
  • Age : 41 ans
  • Pays : Turquie

Née à Istanbul en 1983 de parents iraniens, Solmaz Sharif est diplômée de l'université de Berkeley et de la New York
University. Elle enseigne actuellement l'anglais à l'université de Berkeley. Ses poèmes ont d'abord été publiés dans les
revues The New Republic, Poetry, The Kenyon Review ou Granta. Elle a été directrice générale de l'Asian American Writers'
Workshop, et son travail a été récompensé par le « Discovery » Boston Review Poetry Prize et le Rona Jaffe
Foundation Writers' Award. Mire, son premier recueil de poésie, est paru en 2016. Sur fond d'interventions
américaines au Moyen-Orient, il évoque les destinées personnelles d'êtres à l'intimité violentée par l'histoire et des
puissances qui les dépassent. Contraints au déracinement et éparpillés sur le globe, ils voient leur identité se
décomposer dans le langage militaire d'une Amérique hostile qui les regarde comme une menace. Largement salué par
la critique, finaliste du National Book Award, Mire a remporté le American Book Award et le Pen Center USA
Literary Award in Poetry. Douanes, son deuxième livre, a paru en 2022, a été tout autant distingué par la presse,
considéré comme A New Yorker Essential Read of 2022, A Publishers Weekly Best Book of 2022, An NPR Best
Book of 2022 et A Literary Hub Best Reviewed Poetry Collection of 2022 et, qui est, selon le Library Journal : « Un
livre audacieux et sans compromis, d'une portée émotionnelle virtuose. »

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