Avec le Roman de Thèbes s'opère la naissance d'un genre littéraire dont le succès ne s'est pas démenti.
Premier volet de la " triade classique " avec les romans d'Eneas et de Troie, le Roman de Thèbes constitue bel et bien notre premier roman, avant ceux de Chrétien de Troyes. C'est en même temps une oeuvre plurielle, traduction, adaptation, recréation, qui tantôt suit de très près son modèle, tantôt s'en affranchit avec la plus grande liberté. Comme la Thébaïde de Stace, sa source, l'auteur médiéval relate la guerre fratricide des deux fils d'Oedipe, Etéocle et Polynice, à la manière des chansons de geste contemporaines.
Mais le péché de Jocaste semble bien loin, et des figures féminines comme Antigone et Ismène prennent un relief particulier, dans la fraîche innocence de leurs amours. En même temps, le monde antique semble habillé aux couleurs du Moyen Age. Mais la pratique de l'anachronisme (ou plutôt de l'anachronisation) semble ici concertée. La coexistence de l'antique et du médiéval aboutit à des synthèses de caractère baroque, répondant à un goût certain pour l'insolite.
C'est dire que dès son apparition, le Roman de Thèbes frappe par sa nouveauté, son originalité, sa liberté de ton. Le souhait d'immortalité formulé il y a plus de huit siècles par son auteur semble désormais exaucé.