La Bible a maintes fois été convoquée par le discours philosophique qui, quand il ne l'ignore pas complètement, en use souvent de manière insidieuse : il y cherche une illustration ou une confortation de ses propres propos sans lui reconnaître la même dignité qu'aux textes de sa tradition, mais, dans le même temps, il en attend une légitimité dérivant de son autorité générale. Depuis deux siècles, pourtant, il semble qu'une relecture s'amorce, avec Schelling, et, plus particulièrement, avec Benjamin, puis Rosenzweig, avec Levinas et Ricoeur aussi. Mais, là encore, la lecture de l'original est commandée par une interprétation qui exploite le texte en le pliant à des intérêts différents de ceux qu'on peut redécouvrir dans sa dynamique propre. Le conflit des interprétations et des méthodes est bien une question philosophique ; de même la réflexion sur le statut du langage, sur la source du sens et son rapport au temps. En refusant de comprendre le texte mieux que ne l'ont compris ses auteurs, on peut alors montrer comment lui-même nous indique la manière dont il construit ses significations.
La Genèse, la naissance d'Ève, la « ligature » d'Isaac, « Babel », Judith, autant d'exemples dont l'analyse fait apparaître une dimension proprement philosophique à l'arrière-plan de leur composition et de leur agencement, au-delà de leur aspect narratif.