Ce livre est né de la comparaison de la pandémie avec une « guerre ». Loin d'être une comparaison point par point, il se propose de faire entendre deux voix : deux individus face à l'Histoire - et qui la font aussi, dans et à partir de leur minuscule histoire et celle de ceux qui les entourent. La réalisation que l'Histoire, loin d'être la prérogative d'un récit officiel, est constituée par toutes ces interrogations muettes, ces incompréhensions et ces intermittences de la voix humaine - à peine audible mais inépuisable, comme le suggérait William Faulkner dans son discours de réception du Prix Nobel. Quels points communs ? Quelles différences ? Certains d'entre nous ont connu les deux époques, et opèrent des ponts entre le maintenant et l'avant, l'ici et l'ailleurs. Comme clans les années quarante, les masques cristallisent l'angoisse, ils deviennent le signe de l'anormalité, de l'invasion possible, de la mort. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la hantise des gaz asphyxiants rendait la peur de l'ennemi tangible et affectait l'existence quotidienne. Pour nous, l'air que nous respirons est aussi devenu dangereux ; respirer risque de devenir un acte mortel et cesser de dispenser la vie. Et nous devons porter des masques. La vie est en guerre contre elle-même. La peur omniprésente, les rues qui se vident, le silence qui envahit la ville, les files d'attente dans les magasins. Et les séparations. L'impossibilité de rejoindre ceux que l'on aime. Les proches, parents ou amis. Les cartes avec l'avancée de l'ennemi, les compteurs journaliers avec le nombre de nouvelles infections, et les nouveaux décès. Une inexorable progression qui crée peur et panique, et impuissance. Du déjà connu et vu.