Depuis quelques années, les entreprises semblent enfin s'attaquer aux discriminations envers les femmes. Les inégalités femmes/hommes seraient en effet responsables d'un manque à gagner abyssal pour l'économie, et les entreprises dont les conseils d'administration ou les comités de direction s'ouvrent davantage aux femmes seraient plus performantes. Il faut donc agir, et vite !
De grandes dirigeantes du monde des affaires ou de la politique expriment ainsi publiquement un engagement féministe, tandis que les multinationales comme les start-up s'affichent en pionnières de cette lutte en proposant formations à l'empowerment destinées aux femmes, marketing reprenant slogans et symboles féministes, communication axée sur la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, ou encore politiques dites de diversité...
Ce nouveau féminisme qui emprunte au marché sa logique et son vocabulaire est celui offert par le capitalisme néolibéral aux femmes aspirant à " briser le plafond de verre ". Mais cette égalité qui vise avant tout à nous rendre plus compétitives et à nous mettre en concurrence est-elle désirable ? En abordant le féminisme sous l'angle du développement personnel ou de la logique entrepreneuriale, ne risquons-nous pas d'en affaiblir sa capacité à révolutionner la société ? Face à la tentative de récupération de nos souhaits d'égalité et d'émancipation, cet essai tente de hacker l'algorithme du féminisme néolibéral.
Sommaire
Introduction. Le féminisme du XXIe siècle : révolution ou start-up nation ?
1. L'enracinement d'une pensée.
La rationalité néolibérale en nous.
Aux origines d'un féminisme capitalismo-compatible.
2. L'égalité, nouvelle source de profit ?
Un manque à gagner inacceptable.
Une égalité très encadrée.
3. Des t-shirts au développement personnel : le féminisme est-il devenu une marchandise comme les autres ?
Travail sur soi et recherche du bonheur.
Leadership bootcamps.
Le féminisme comme marchandise émotionnelle.
4. À la recherche d'un équilibre heureux entre travail et vie de famille.
Le problème du travail de reproduction.
Can we have it all ?
D'une contradiction à l'autre : une vision essentialiste.
Restons de bons petits soldats.
Sauver un équilibre vie professionnelle/vie personnelle fragilisé pour sauver le capitalisme.
Le couple, cette joint-venture qui peut tout à la fois servir ou desservir la carrière des femmes.
5. Les stéréotypes ou l'absence d'analyse structurelle des inégalités.
Origines d'un concept : de l'imprimerie à la fabrique de l'opinion.
Une approche " scientifique " des inégalités femmes/hommes ?
Une question de darwinisme social.
Les stéréotypes, freins à la concurrence.
6. L'égalité est-elle la libre concurrence ?
L'entrepreneuriat libère la femme.
Une nouvelle normativité.
Transformer le concept d'égalité.
L'esprit de concurrence est un esprit brutal.
7. Je t'exploite où tu m'exploites ?
Un féminisme individuel et dépolitisé.
Un féminisme pour les plus aisées.
Prendre en compte l'individu sans tomber dans l'individualisme.
8. Hacker la pensée dominante 1 : cesser de collaborer.
Convergences et dialogue des multitudes.
Le précédent de l'écologie.
Affirmer et entretenir la culture d'opposition.
Acceptons le nécessaire " inconfort " de la remise en cause.
9. Hacker la pensée dominante 2 : redevenir menaçantes, ensemble.
Un effort de déconstruction.
Think out of the box.
Pour une éthique de l'interdépendance.
Des catégories in(dé)finies.
Conclusion. Chères féministes.
Remerciements.