L'Ange à la fenêtre d'Occident, l'ultime roman de Gustav
Meyrink, est de ces livres qui, sitôt ouverts, n'en
finissent plus de vous hanter. Rédigé peu avant la mort
de l'auteur, il est à son oeuvre ce que Faust est à celle de
Goethe : une «somme», summa scientia. L'histoire
fascinante de John Dee, célèbre alchimiste du XVIe siècle,
y est relatée à travers les fragments de son journal,
que le baron Müller, un lointain descendant, a reçu en
héritage. De l'Autriche du XXe siècle à l'Angleterre
de la reine Élisabeth, en passant par la Prague du
Rabbi Löw, droit venu du Golem, les repères peu à peu
vacillent, et l'on voyage, de la table de travail de Müller
au cachot où l'alchimiste, accusé de sorcellerie,
est retenu prisonnier... Placé sous l'auspice du culte de
la «putain du diable» Isaïs la Noire, figure de la
tentatrice, ce roman est sans doute l'un des plus
sensuels de Meyrink. Sombre et charnel, L'Ange à la
fenêtre d'Occident, où les ressorts du fantastique
meyrinkien sont exploités jusqu'au vertige, est un «livre
extraordinaire, foisonnant de symboles, pullulant de
mystères, rempli d'un désordre grandiose où la vision
profonde confine souvent à la folie» (Marcel Béalu).