Le jour était venu : je devais rejoindre S... au Ritz. Deux mois plus tôt j'avais croisé cette provinciale érudite et espiègle, spirituelle comme une parisienne - telle du moins qu'il s'en trouve dans les songes naïfs des collégiens de la grande banlieue, et les salons d'avant 1940. Je l'invitai. Paris battait matin après matin, midi après midi, de ce battement de l'attente, luisait des cent reflets du diamant des possibles. Dans un soleil tout différent déjà, la ville se décrassait des mélancolies des siècles, et des mornes silences du nôtre. Je me demandais en quittant la rue Marbeuf dans l'aurore de ce jeudi-là, si c'était la magnificence à la fois bombée et aiguë de la capitale des capitales qui contribuait à rendre S... encore un peu plus obsédante, à achever de diviniser un peu plus l'ensorcelante présence de celle qui allait reparaître, si l'écrin faisait plus resplendissant encore le sourire qui m'attendait place «des Joyaux» (que le vulgaire appelle place Vendôme...). Après le petit déjeuner au Ritz, nous serions ensemble jusqu'à l'aube du lendemain - jusqu'au Crillon où j'avais retenu une chambre. Pour nos deux matins, ces joyaux jumeaux. J'aimais que les limites du très long périple un peu fou, accepté si gaiement, brillent, flamboient ; commencer et finir par l'éclat, parmi les lueurs à peu près intemporelles du superflu, à Paris et pour elle cela s'imposait.