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Manucius
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Dissertation du Pape Pie VI sur le meurtre
Donatien-Alphonse-François de Sade
- Manucius
- Littera
- 19 Mars 2011
- 9782845781283
Des discours contenus dans les romans de Sade, le grand public ne connaît que le fameux " Français encore un effort pour être républicains " extrait de La Philosophie dans le boudoir, du fait notamment de sa publication, en pleine période de passion sadienne (1965), dans la célèbre collection " Liberté " dirigée par Jean-François Revel, chez Jean-Jacques Pauvert, avec une préface de Maurice Blanchot, intitulée " L'inconvenance majeure ".
" La "dissertation" du pape Pie VI sur le meurtre " mérite la même attention. Elle se situe dans la quatrième partie d'Histoire de Juliette au moment où l'héroïne, arrivée à Rome et n'ayant de cesse de rencontrer le pape, obtient de lui, en échange d'une orgie, ce long discours.
Le pape s'exécute d'une manière magistrale, et donne un véritable morceau d'anthologie de la philosophie sadienne qui peut rivaliser tout aussi avec les méditations de Dostoïevski sur la question que celle de Kierkegaard, de Genet, ou de Bataille. Ce n'est pas d'ailleurs un hasard si Jacques Lacan, beaucoup plus que sur le " Français encore un effort... ", a porté toute son attention sur ce discours, tant dans son séminaire sur " l'éthique de la psychanalyse " (1959-1960) que dans son célèbre " Kant avec Sade " (1963).
Pie VI ne se contente pas en effet de déconstruire les préjugés courants de l'opinion sur la question, il renverse en effet toute notre conception du meurtre en niant son existence comme crime : c'est, selon lui, parce que l'homme se croit centre du monde qu'il accorde au meurtre un tel statut. Et c'est jusqu'à la mort elle-même qui, avec Pie VI, perd toute signification. Mais Sade, dans cette double négation, va plus loin qu'une simple remise en cause du sens commun, il propose une véritable métaphysique du néant où apparaît de manière limpide l'horizon même du désir sadien : la pulsion de mort. C'est là sans aucun doute que se tient toute la singularité de l'écriture de Sade, son audace, sa violence, son étrange génie.
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Les interventions réunies dans ce recueil n'ont pas pour ambition de proposer une nouvelle synthèse des liens entre psychanalyse et littérature mais d'ouvrir la lecture de Lacan à cette question, la question de l'autre texte, du texte non clinique, non théorique, non analytique, celui des écrivains. Questionner la place qu'il accorde à la littérature dans sa pensée, le statut qu'il lui confère dans sa doctrine, le plaisir qu'il prend à la citer, à la commenter parfois longuement dans ses écrits comme dans ses séminaires, nous ont paru être des opérations propres à éclairer le texte lacanien d'une lumière peut-être oblique mais sans aucun doute réfléchissante. É. M.
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Le titre de l'ouvrage du Dr. Noirot, L'art d'être malade (1871), annonce d'emblée la couleur. Sous son allure d'oxymore associant à la néfaste maladie la grâce revivifiante de l'art, il propose un projet concret où le sujet malade (mais le non-malade aussi bien) se voit invité à rechercher au plus profond de lui-même les ressources qui lui permettraient de tenir la maladie en échec, voire de la retourner contre elle-même, pour faire santé. L'auteur est conscient de l'exigence d'une telle demande : il en appelle à l'humour en citant dans son exergue ce propos de Feuchtersleben, célèbre auteur de L'Hygiène de l'âme, qui, évoquant tel brillant confrère, disait : " entre ses mains, on pouvait perdre la vie ; on ne perdait jamais l'espoir ".
Tout l'art, littéraire du Dr. Noirot, membre de nombreuses sociétés médicales en France et à l'étranger, consiste à montrer, en évoquant d'illustres personnages et en multipliant exemples, expériences, réflexions, citations, qu'un si grand espoir ne relève pas d'une illusion ou auto-suggestion qui ressortirait à la méthode Coué, mais qu'il est, littéralement, chevillé au corps et à l'âme, ensemble. On pense à La sagesse du corps qu'exaltait le neurologue anglais Hughlings Jackson, contemporain de Noirot, et plus encore au fameux " Nasamecu ", la nature guérit (1913) du " psychanalyste sauvage " Georg Groddeck. Ce dernier, mettant en acrostiche, tel un kabbaliste pratiquant la notarique, l'adage latin " Naturat sanat, medicus curat " (la nature soigne, le médecin guérit), reprend à sa manière le programme duel du Dr. Noirot, qu'il ne connaissait sans doute pas : d'un côté le médecin dispense des soins, exerce l'activité technique pour lequel il a été formé ; de l'autre il importe que le malade apprenne à être son propre médecin, en laissant la " nature " agir en lui, car il est dans la " nature " même du corps humain et de son désir vital de rechercher, à travers la maladie même, les équilibres de vie que l'on désigne sous le signe de santé.
Les citations appropriées et éloquentes et les auteurs aux compétences peu contestables que Noirot mobilise pour soutenir ses diagnostics et prescriptions sont impressionnants. Il voltige, en humaniste érudit, de Sénèque à Montaigne, son favori, et à Goethe, d'Hippocrate à Ambroise Paré, et de Sydenham à Boerhave, guides éprouvés pour de fines et pertinentes réflexions sur les mouvements de l'âme et du corps, les rapports avec autrui, les âpres contraintes de la société, les facteurs environnementaux - tous aspects d'une modernité flagrante, voire subversive, et d'une pugnace vitalité, qualités qui, par " sauts et gambades " d'adages latins, font de " l'art d'être malade " un précieux vade mecum pour la santé.
- Un célèbre médecin du XVIIe siècle, F. Hoffmann, réduisait à sept règles l'hygiène préventive. Un de ses préceptes était celui-ci : " fuir la médecine et les médecins ".
- Un des praticiens les plus éminents de notre époque, le Dr Trousseau, s'exprimait ainsi :
" Depuis trente ans j'ai suivi un nombre considérable de goutteux. Au début de ma pratique, j'ai tenté, comme beaucoup d'autres, de lutter contre le mal. Aujourd'hui je reste les bras croisés, je ne fais rien, absolument rien, contre les attaques de goutte aiguë. Fort de ma conviction, j'abandonne le malade à lui-même, et je vois toujours que, la crise passée, le malade en sort dans des conditions meilleures. Par quelques jours de souffrances, il a acheté une série de bons mois d'une santé parfaite ".
- Car un poète espagnol l'a dit, " on éprouve tant de plaisir à se plaindre, que pour pouvoir le faire on devrait presque chercher le malheur ".