Au cours d'une vie, nous faisons l'amour des milliers de fois. Et si nous prenions le temps de réfléchir à nos gestes et à nos habitudes, pour donner à l'acte sexuel une intensité nouvelle ?Voilà la proposition d'Alexandre Lacroix, qui explore la sexualité d'aujourd'hui, telle qu'elle se pratique à notre époque où la pornographie est massivement diffusée et où le plaisir se consomme comme le reste.L'auteur procède par courts chapitres, portant chacun sur une facette ou un moment de la relation sexuelle : préliminaires, rythme, changements de position, conversations, domination, orgasme... Alexandre Lacroix n'élude aucun sujet, mais les traite tous en philosophe, prenant soin d'éclairer ce qui nous détermine et nous entrave pour nous mettre sur la voie d'un acte amoureux authentiquement accompli.
Peut-on jouir, dans un monde injuste, sans être complice de l'injustice ? Pourquoi la politique, et en particulier la gauche, a-t-elle cessé de prendre au sérieux les questions du corps et du plaisir ?Dans un monde où nos plaisirs, qu'ils soient érotiques, alimentaires ou festifs, semblent formatés par le capitalisme et restreints par des impératifs politiques, Michaël Foessel tente de comprendre comment la dévalorisation de ce sentiment a fait, trop souvent, confondre modération et ascèse.Il nous invite à redécouvrir la dimension politiquement subversive du plaisir et à nuancer les injonctions du moralisme progressiste ambiant. Parce qu'il est temps, «devant l'imminence du désastre, de lui préférer les éclats de rire, le jeu ou toute autre forme d'allégresse susceptible de convaincre, malgré tout, que la fête n'est pas finie».
Les technologies numériques ont envahi nos existences à travers des dispositifs que leurs créateurs ne semblent plus maîtriser. Et si le mythe d'une intelligence artificielle réalisée par la révolution numérique ne servait qu'à dissimuler ses conséquences désastreuses ? Comment sortir de cette schizophrénie numérique ? Ce ne pourra être en opposant une fois de plus humain et machine.
Au contraire : il nous faut prendre soin de nos milieux numériques et ne pas laisser une poignée d'acteurs privatisés s'en emparer. Cet essai nous invite à transformer les technologies qui contrôlent nos cerveaux connectés en technologies réflexives et contributives. Pour, enfin, transformer le poison en remède.
Publié en 1925, ce texte confirme le génie de Zweig pour saisir la vérité intime des grands esprits - Freud, par exemple, et ici : Nietzsche, dont il souligne la soif absolue de vérité et de liberté, d'indépendance, de poésie, mais aussi la défaite, celle du corps malade du philosophe, celle de la raison, devenue l'esclave de la folie et d'une forme de suractivité créatrice : "L'effondrement de Nietzsche, écrit-il, est une sorte de mort par la lumière, une calcination de l'esprit par sa propre flamme." Un burn-out ?
Ce livre comprend également un texte de 1917, "Nietzsche et l'ami", qui met l'accent sur la solitude du philosophe à la fin de sa vie.
Célèbre surtout pour son oeuvre romanesque, Robert Musil (1880-1942) est aussi l'auteur de nombreux essais, conférences et aphorismes, qui le montrent attentif aux mutations de la conscience moderne. De la bêtise, qu'il considérait comme l'un de ses textes majeurs, aborde un sujet tabou dans la pensée classique : confrontée à son contraire, la réflexion ne court-elle pas le risque de vaciller sur ses bases ? «Si la bêtise ne ressemblait pas à s'y méprendre au progrès, au talent, à l'espoir ou au perfectionnement, personne ne voudrait être bête."
Une réflexion passionnée et passionnante qui ravira les break dancers, les valseurs du dimanche, les amateurs de tango musette, de cucaracha, de bourrée bretonne, de boogie woogie, les noctambules de la zumba, mais aussi ceux qui n'aiment pas danser, les indécollables de la tapisserie comme les amateurs de philosophie.
Adoptant un rythme qui n'est pas celui de l'utile, la danse est une action poétique.
L'homme a découvert le plaisir pris dans le rythme, dans l'enivrement des sens jusqu'à épuisement. Observez le ballet des doigts du pianiste, le mouvement de la toupie, tout est danse. La sensibilité particulière du conférencier nous fait sentir cette poésie de l'arbitraire. On assiste en acte autant à une philosophie de la danse qu'à une danse de la philosophie.
«La question du style, c'est toujours l'examen, le pesant d'un objet pointu. Parfois seulement d'une plume. Mais aussi bien d'un stylet, voire d'un poignard.»Dans cet ouvrage issu d'une conférence prononcée en juillet 1972 lors d'un colloque à Cerisy sur le thème «Nietzsche aujourd'hui ?», Derrida cherche à saisir le style du philosophe, qu'il rapproche d'un éperon. En décryptant ce style, tranchant et menaçant, que Nietzsche le premier qualifie d'«éperonnant», Derrida analyse les provocations nietzschéennes et relance l'interprétation philosophique autour de cet auteur et de sa langue, dans un essai illustré tout en finesse par François Loubrieu.
En révoquant l'arrêt Roe v. Wade le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis permettait à treize États conservateurs de voter immédiatement des lois interdisant l'interruption volontaire de grossesse, privant ainsi des millions d'Américaines d'un droit institué quelques cinquante ans plus tôt. Cet événement historique témoigne, s'il était besoin, du caractère toujours controversé de l'avortement. Faut-il en conclure que ce sujet ne peut engendrer que des débats frustrants et infructueux, sans espoir de progrès ?
Un tel constat est, selon Kristina Grob et Nathan Nobis, largement contestable. En recourant à la pensée critique, laquelle consiste à définir minutieusement les termes du débat et à mettre à l'épreuve les définitions existantes, à rejeter les nombreuses « pétitions de principes », à énoncer la structure complète des arguments et à comparer les forces et faiblesses des différentes explications, les deux auteurs soutiennent, sur la base de considérations à la fois rationnelles et éthiques, que l'avortement n'est généralement pas immoral, et qu'il doit demeurer un droit légal.
«Nous devons prendre une décision. Elle doit avoir deux effets?: nous mettre en mesure de combattre les maux actuels et prochains, non plus dans le désordre et la confusion, mais de façon cohérente, et introduire le moment positif de ce que nous voulons. Car nous ne serons cohérents que si notre action découle d'une décision, et cette décision ne sera opérante que si nous luttons en premier lieu, non plus contre tout ce que nous ne voulons pas, mais pour ce que nous voulons. En quoi cette décision positive consistera-t-elle?? Elle sera un acte, non de la volonté, mais de l'intellection. Elle sera la reconnaissance de notre besoin et désir le plus fondamental, qui est de devenir sujets.» L'auteur a mis à profit le confinement pour revenir à des questions de fond. «Nous n'avons plus de repères, écrit-il, ou nous en avons trop, ce qui revient au même. Comment trouver quelque part un point sûr, ne serait-ce que pour moi?? Le trouverai-je dans l'histoire?? Non, car plus le temps passe, plus il y a d'histoire. Il y en a trop désormais. Ce point sûr ne peut résulter que de l'observation de ce que nous sommes, non dans ce qui nous différencie les uns des autres, mais dans ce que nous avons en commun?: le fait d'être chacun un sujet qui dit je».
Il faut pour cela une observation d'un genre nouveau, à laquelle les philosophes n'ont pas songé jusqu'ici. Menée avec rigueur, elle conduit à une idée juste du sujet dont nous avons le plus grand besoin aujourd'hui. C'est de cette idée nouvelle que traite principalement ce bref essai, dense mais écrit dans un langage simple.
Notre époque est celle du scandale généralisé. Du matin au soir, du bureau au bistrot et des vacances aux dîners de famille, il n'est de circonstance qui ne nous fournisse pas l'occasion de nous indigner. Tantôt le scandale est politique, tantôt il est économique ; tantôt il est moral, tantôt il est religieux ; tantôt écologique, tantôt esthétique. Tous les domaines de la vie semblent désormais être affectés par des imperfections, des bêtises, des horreurs suscitant notre rage plus ou moins vertueuse.
Que signifie un tel réflexe d'indignation ? Que dit-il de nous - et, surtout, de la manière dont nous pensons ? Pour le philosophe Laurent de Sutter, ce que l'indignation incarne n'est peut-être rien d'autre que l'impasse de ce qui pourtant la nourrit : notre obsession pour la raison. L'âge du scandale est l'âge du triomphe de la raison. Si l'on veut en finir avec le premier, il faut donc se demander comment on peut parvenir à se débarrasser de la seconde !
Nous n'aimons pas les obstacles. Au mieux, ils nous font perdre du temps?; au pire, la vie. Pourtant, les obstacles qui se trouvent devant nous ne sont pas que des défauts à éliminer - des erreurs ou des malédictions. Ils sont aussi l'une des composantes essentielles de nos mouvements et de notre existence. Dès qu'il est question de rester ou de passer quelque part, de trajet et de migration, de frontière ou de mur, mais aussi de corps à corps, de contact entre les chairs, il y a toujours quelque chose, ou quelqu'un, ou une foule, qui se tient là et qu'on ne peut effacer.
Et si le monde était avant tout la somme de ces obstacles?? Et si, plutôt que de tenter de les contourner, de les surmonter ou de les ignorer, il s'agissait d'apprendre de ces obstacles pour en devenir un soi-même - une résistance opposée à un mouvement d'appropriation ou de destruction?? Et si, en somme, il n'y avait rien de plus politique qu'un obstacle?? Car penser l'obstacle, c'est aussi penser une manière nouvelle de repartir - malgré tout.
La mer est notre ressource pour respirer, pour nous nourrir, mais aussi pour rêver. Elle fait partie de notre environnement tout en constituant un autre monde, aussi effrayant qu'évocateur, un ailleurs radical. Cette altérité permet à Roberto Casati de la repenser dans une perspective inédite, de comprendre à quel point elle a fait de nous ce que nous sommes et ce que nous sommes appelés à devenir. Traversant l'océan à bord d'un voilier en marin-philosophe, il embarque le lecteur pour un véritable voyage initiatique. Naviguer dans un espace de liberté qui semble sans limite change radicalement le rapport à l'environnement, aux personnes et même aux objets. Le bateau devient alors une école de vie qui oblige à tout repenser pour agir autrement. La navigation donne vie à une forme de savoir actif, construit par l'action : une philosophie de l'océan.
Penser le temps peut aider à mieux vivre, à condition de se défaire des métaphores qui assimilent la durée à un flux ininterrompu ou à une continuité mélodique. Contre Bergson, Bachelard soutient que la durée, loin d'être un tissu indéchirable, une enveloppe qui nous berce ou qui nous porte, a un caractère essentiellement composite. Elle se forme sur la base discontinue des actes de l'esprit. Pour vérifier cette thèse, Bachelard aborde tour à tour la psychologie de la mémoire et de l'action volontaire, les formes de la causalité en physique, l'observation des phénomènes quantiques, l'esthétique musicale et poétique, les compositions temporelles du sentiment, de la pensée abstraite et de la vie morale. Il en dégage cette leçon générale : durer, c'est ordonner de loin en loin des instants actifs ; c'est composer des rythmes. L'approfondissement métaphysique de cette idée conduit Bachelard à dégager ce qu'il tient pour le noyau « dialectique » de l'expérience temporelle, et plus généralement de la vie de l'esprit : l'oscillation entre activité et repos, être et néant. Le projet de « rythmanalyse » sur lequel débouche cette étonnante enquête suggère que le secret philosophique du repos est dans une existence bien rythmée. De nombreuses applications permettent d'en vérifier l'idée : de l'homéopathie à la chronobiologie, en passant par le travail poétique des ambivalences sentimentales ou l'analyse de « l'état lyrique ». Accompagnée d'une présentation, de notes explicatives, d'une table analytique, d'un index et d'une bibliographie, cette édition permettra à chacun de prendre la mesure de l'originalité et de l'audace d'un essai de philosophie expérimentale qui n'a rien perdu de son actualité depuis sa première publication en 1936.
On révère le talent des experts qui, de radios en journaux, de plateaux télévision en chaînes YouTube, de conférences en séminaires de formation, nous offrent au pied levé des perles de sagesse et des joyaux de connaissances savamment ciselées. Or, on s'imagine à tort qu'une telle expertise requiert des années douloureuses d'études et suppose une lente accumulation de savoirs complexes au cours d'un laborieux travail. Rien n'est plus faux ! L'expertise, au contraire, est à la portée de n'importe qui, dès maintenant. Et si elle nécessite des talents particuliers qu'il faut savoir cultiver, elle ne requiert aucune connaissance scientifique, politique ou philosophique particulière.
Ce petit guide pratique a justement été conçu pour vous aider à devenir expert sans trop d'efforts. Vous y découvrirez toutes les clés pour briller sur ce terrain très concurrentiel. Comment, par exemple, donner votre avis sur n'importe quoi, improviser des analyses à l'emporte-pièce, glisser d'un sujet à l'autre et susciter des polémiques incontournables...
Si toutefois la carrière d'expert dépasse vos ambitions, notre guide est suivi d'un essai intitulé Paradoxes de l'expertise, susceptible d'intéresser ceux qui se demandent s'il n'est tout de même pas un peu étrange d'avoir autant d'experts disponibles à tout moment pour tout savoir sur tout...
Dans l'espace public et notre quotidien, la colère affiche de multiples visages. Systématiquement discréditée, au point d'être ridiculisée, elle ne cesse pourtant de gronder - et nous redoutons son tumulte. Que faire de nos colères?Quand on nous incite à cultiver une attitude docile et à étouffer nos colères, afin de nous rendre plus désirables, c'est au silence que l'on nous habitue, voire au renoncement. Mais pour nous défendre face aux agressions intimes et politiques, comme pour garantir notre liberté, pourquoi ne pas puiser dans ces colères créatrices, celles des artistes et des minorités en lutte pour leur liberté? Ces colères sont en nous - encore faut-il apprendre à les habiter. En disséquant cette émotion défendue, Sophie Galabru construit une philosophie émancipatrice et stimulante pour affronter l'intolérable, et propose un manifeste puissant:la colère, loin d'être destructrice ou haineuse, pourrait bien être la clé de notre vitalité.
Aux États-Unis, la recherche militaire s'intéresse de près à un oiseau migrateur, le bruant à gorge blanche. Sa particularité : pouvoir voler plusieurs jours d'affilée sans dormir. Les scientifiques qui l'étudient rêvent de façonner, demain, des soldats insomniaques, mais aussi, après-demain, des travailleurs et des consommateurs sans sommeil.
« Open 24/7 » - 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 -, tel est le mot d'ordre du capitalisme contemporain. C'est l'idéal d'une vie sans pause, active à toute heure du jour et de la nuit, dans une sorte d'état d'insomnie globale. Si personne ne peut réellement travailler, consommer, jouer, bloguer ou chater en continu 24 heures sur 24, aucun moment de la vie n'est plus désormais exempt de telles sollicitations. Cet état continuel de frénésie connectée érode la trame de la vie quotidienne et, avec elle, les conditions de l'action politique.
Dans cet essai brillant et accessible, Jonathan Crary combine références philosophiques, analyses de films ou d'oeuvres d'art, pour faire un éloge paradoxal du sommeil et du rêve, subversifs dans leurs capacités d'arrachement à un présent englué dans des routines accélérées.
Dans les épreuves et les violences du monde contemporain. l'invivable est la pointe extrême de la souffrance, de l'injustice, et du soin qui peut et doit y répondre. Mais qu'est-ce qui est invivable ? Puisqu'il exige immédiatement une action et un soin, comment s'en prémunir et le réparer? Judith Butler critique les normes qui rendent des vies « précaires » et « invivables » (depuis Trouble dans le genre ), mais sans pour autant la lier à une philosophie de « la vie » ou du « soin ». Frédéric Worms, de son côté revendique un « vitalisme critique », pour lequel tout ce qui cause la mort relève de la vie, mais d'une manière différenciée selon les vivants, de sorte que « l'invivable » qui tue quelque chose en nous, reste littéralement vital et révèle la spécificité des vivants humains.
Mais tous les deux voient dans la différence entre le vivable et l'invivable le fondement critique pour une pratique contemporaine du soin. Pour l'un et pour l'autre, le soin complet rendra la vie humaine vivable, « plus que vivante ». Il faut s'appuyer pour cela sur les pratiques concrètes des humains confrontés à l'invivable, les réfugiés dans le monde contemporain, les témoins et les écrivains des violations du passé. Ce sont eux qui nous apprennent et nous transmettent ce qui dans l'invivable est insoutenable, mais aussi indubitable, et ce qui permet d'y résister.
Un dialogue transcrit et traduit d'une séance tenue à l'Ecole normale supérieure.
Comment retrouver sa capacité d'agir quand les repères s'effondrent à la suite de crises ou de traumas ? Quelle conception du sujet rend justice à la dimension narrative de l'identité ainsi qu'au rôle décisif joué par autrui et par les normes sociales dans la constitution de soi ? Quelle philosophie de l'agir peut rendre compte de la condition d'un être soumis à la passivité, mais également capable d'initiative, et dont l'effort sans cesse recommencé pour définir les valeurs en lesquelles il croit, lui permet de vivre bien avec et pour les autres ? Telles sont les questions servant de fil directeur à ce livre. Issu d'un séminaire visant à rendre accessibles les thèmes principaux de Soi-même comme un autre, il est centré sur la notion d'attestation qui donne un contenu moral à l'identité et répond aux critiques des postmodernes. Corine Pelluchon montre la pertinence de l'herméneutique ricoeurienne pour penser le soin et le rapport entre éthique et politique, mais aussi pour trouver un équilibre entre universalisme et historicité, conscience de sa faillibilité et estime de soi.
En littérature, la microfiction a une origine légendaire, magnifique : Ernest Hemingway, mis au défi d'improviser l'histoire la plus émouvante possible en six mots, aurait écrit sur une nappe de restaurant : « À vendre : chaussures bébé, jamais portées. » Avec ces microréflexions, Alexandre Lacroix explore les possibilités de la forme courte en philosophie.
En quelques pages, il aborde des thèmes aussi variés que la morale, les animaux, le deuil, l'érotisme, la fête, la douleur, le travail, le couple ou la solitude.
Pour philosopher en si peu de mots, chaque texte part d'une expérience vécue qui, sous la plume de l'auteur, se transforme en occasion de penser. Pas de considérations abstraites, pas d'aphorismes, chaque idée naît d'un rapport concret au monde et fait jaillir un processus de réflexion que le lecteur a le loisir de poursuivre par lui-même.
La question de l'éthique est au coeur de la pratique médicale et elle prend une dimension particulière en milieu hospitalier où elle engage aussi les autorités qui répondent du service public. Depuis quelques années, le vocabulaire de l'éthique s'est 'enrichi' de nouveaux termes (résilience, bientraitance, empowerment...) liés à des injonctions qui, dans les faits, traduisent des générosités ambivalentes et posent de difficiles questions d'obéissance et de responsabilité. Ce mouvement semble aller de pair avec la contrainte économique et gestionnaire croissante qui pèse sur notre système de santé, où s'ébattent des individus empowermentés ou résilients et où la bientraitance labellisée prend la forme d'une bien-maltraitance.
À la suite de ses écrits sur le langage et le cerveau, Emmanuel Fournier, professeur de médecine et d'éthique à la Pitié-Salpêtrière, dresse un portrait au scalpel de ces bouleversements, et propose une réflexion philosophique à la fois critique et constructive pour dépasser les tentations équivoques de l'éthique et aider chacun à aborder autrement les questions posées par le soin.
Le texte est suivi de Dire mourir, un recueil de paroles de patients en soins palliatifs qui figuraient déjà dans Les mots des derniers soins (Belles Lettres, 2008), coécrit avec Jean-Christophe Mino.
L'argument de la contingence, rebaptisé par Kant preuve cosmologique, prend comme point de départ le monde, ou la réalité en général. Ce monde, dit-on, aurait pu ne pas exister : il est contingent. Il faut donc remonter à un être nécessaire par soi, qui est la cause première, la raison ou l'explication ultime de ce monde. Mais d'abord, il faut s'assurer que la notion de contingence s'applique aux objets ou aux événements, et pas seulement à des propositions. Il faut ensuite déterminer si la conjonction, simultanée ou successive, de tous les êtres contingents est elle-même contingente. Et surtout, est-il certain que ce qui est contingent doive avoir une cause ou raison de son existence, distincte de soi ? Pourquoi pas, d'ailleurs, une régression de causes à l'infini ? Pourquoi, dans la chaîne des causes, devrait-on s'arrêter à une cause première ? Et, le cas échéant, pourquoi l'explication de la contingence du monde aboutirait-elle à un être premier, et non à une multitude de facteurs ou d'ancêtres ? La cosmologie du Big Bang éclaire-t-elle la question ? On devine que l'argument de la contingence n'est pas un long fleuve tranquille...
Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C'est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l'accommodation intégrale, l'"? élément humain ? " encombre. Tout concourt à le transformer en une matière malléable, capable de "? rebondir ? " à chaque embûche, de faire de sa destruction une source de reconstruction et de son malheur l'origine de son bonheur, l'assujettissant ainsi à sa condition de survivant.
A la fois idéologie de l'adaptation et technologie du consentement à la réalité existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l'une des nombreuses impostures solutionnistes à la critique de laquelle cet essai, fruit d'un travail théorique et d'une enquête approfondie menés durant les dix années qui ont suivi l'accident nucléaire de Fukushima, entend prendre part. La résilience est despotique car elle contribue à la falsification du monde en se nourrissant d'une ignorance organisée.
Elle prétend faire de la perte une voie vers de nouvelles formes de vies insufflées par la raison catastrophique. Elle relève d'un mode de gouvernement par la peur de la peur, exhortant à faire du malheur un mérite. Autant d'impasses et de dangers appelant à être, partout et toujours, intraitablement contre elle.
Sa vie durant, Simone Weil a tenté de se comprendre et de comprendre le monde, et repoussé l'horizon de l'intelligible pour essayer de penser Dieu. Avec fermeté mais usant d'une grande finesse psychologique, elle a fait paraître en pleine lumière les grandeurs et les misères des hommes. Figure inconfortable qui ne peut laisser indifférent, elle suscite toujours autant de réactions contradictoires et souvent violentes.
Mais tout le monde s'accorde sur un point : la force de Simone Weil est sa pureté. Cette pureté du regard, Florence de Lussy nous la restitue avec beaucoup d'honnêteté, sans jamais faire l'impasse sur les excès et les errements de l'auteur de L'Enracinement, ici dépeint en clair-obscur. Au terme de ces pages, c'est la grande philosophe - qui fut en même temps une mystique - qui s'impose. Un essai bienvenu, sans concession et éclatant de vérité.
Quel est donc, selon Pascal, le secret de la persuasion ? C'est de connaître son interlocuteur et de s'adapter à son caractère. Grâce aux maîtres de la rhétorique, découvrez les clefs d'un discours efficace. Avec Montaigne, apprenez l'art de rebondir sur la contradiction. Chez Buffon, voyez comment toucher le coeur.Induction, déduction, synthèse, analyse, exemple, syllogisme : les ressorts de l'art de persuader n'ont pas pris une ride. De la rhétorique à la publicité, découvrez les moyens techniques pour avoir raison à coup sûr !SommairePascal, L'Art de persuader- Aristote, «Il faut veiller à se présenter soi-même sous un certain jour»- Montaigne, De l'art de conférer- Arnauld & Nicole, «Concevoir nettement et distinctement ce que c'est qu'on demande»- Buffon, «Il ne suffit pas de frapper l'oreille et d'occuper les yeux, il faut agir sur l'âme»- Frédéric Beigbeder, 99 francs.