«La scène est au Pirée. Attablés dans la maison du vieux Céphale, Socrate et quelques amis entreprennent de discuter des récompenses promises au juste dans l'au-delà. Qui peut le mieux cerner l'essence de la justice? La sagesse traditionnelle, les mythes anciens semblent impuissants et Socrate a vite raison des prétentions du sophiste Thrasymaque.
Le dialogue sur l'amour, engagé entre Socrate et Alcibiade, proposé dans une lecture renouvelée.
Le ton du Gorgias est particulièrement violent, et pas seulement à l'égard de la rhétorique. Le dialogue formule une des critiques les plus radicales qui aient été adressées à la démocratie athénienne, à ses valeurs dominantes et à sa politique de prestige. En effet, Socrate s'en prend à tous les aspects de cette politique, du plus concret au plus idéologique. Mais l'essentiel de la critique vise la condition qui donne à la démocratie athénienne ses principaux caractères.
Or cette condition est la même que celle qui assurait l'influence de la rhétorique. Il s'agit de la foule comme sujet dominant de la scène politique. Le gouvernement de la liberté est un gouvernement de la foule, c'est-à-dire de l'illusion, du faux-semblant et de la séduction. La critique de la rhétorique débouche donc directement sur la critique de la démocratie.
Athènes, 399 avant notre ère. Socrate, citoyen sans fortune ni pouvoir politique, comparaît devant le Tribunal de la cité. Quels sont les faits reprochés ? On l'accuse de ne pas reconnaître l'existence des dieux traditionnels, d'introduire de nouvelles divinités et de corrompre la jeunesse. Face à ses juges, Socrate assure seul sa défense et met en garde les Athéniens : le philosophe est un bienfait pour la cité et celle-ci se condamne elle-même en mettant à mort son héros. Mais le verdict est sans appel : la condamnation à mort. Élevée au rang de mythe fondateur de la philosophie,...
Compte rendu du procès intenté au philosophe grec, «L'Apologie de Socrate» est un document historique, ainsi qu'un témoignage de ce que peut signifier une existence philosophique. Quant au «Criton», qui nous montre Socrate déterminé à rester en prison malgré sa mort prochaine, il pose le problème de la soumission aux lois, dans ce qu'elle a de nécessaire et d'équivoque.
Abrégé de la pensée d'Épictète légué par son disciple Arrien, le Manuel - c'est-à-dire l'enkheiridion, le poignard que l'on a sous la main pour affronter toute éventualité - est voué à l'efficacité éthique. Il est bref et incisif par nécessité. Il ne s'adresse pas au sage, qui n'en a pas besoin, mais à ceux qui, parmi les non-sages, sont en progrès et s'exercent à la sagesse. Cahier d'exercices pour l'éducation philosophique, il donne non seulement les signes du progrès, mais aussi les ultimes conseils, et les marques qui pourront montrer que le pas décisif vers la philosophie aura été franchi. Ces signes, ces conseils et ces marques, le destinataire du Manuel doit les emporter avec lui, pour construire une oeuvre qui, s'appuyant sur les livres, est hors des livres, et ne peut être aidée par personne, sinon par le dieu qui est en lui.
La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la perdons. Voilà le message que nous adresse Sénèque, dont la sagesse résonne profondément dans nos existences.Par l'évaluation de ce qu'est une vie vraiment vécue, le penseur antique débusque toutes sortes de futilités qui nous accaparent sans bénéfice. Il dessine ainsi un chemin pour vivre raisonnablement heureux.Traduit du latin par Xavier Bordes
La sagesse épicurienne est devenue tellement célèbre que le mot épicurisme est, de nos jours un nom commun plus que celui d'une doctrine. Et cela - on le sait - au prix de nombreux contre-sens qui défigurent cette philosophie, autant en y cherchant une provocation à la débauche ou au libertinage qu'en en faisant une école d'ascétisme. En proposant une nouvelle traduction de quelques uns des écrits les plus fondamentaux d'Épicure, il s'agit de revenir au coeur de cette doctrine, à la fois oubliée, recouverte, mais vivante, à travers un dialogue avec les illustrations. Il s'agit de lui donner, ou de lui redonner, la présentation qui convient à une sagesse : accessible à tous, proche et utile, tenant en un format resserré et permettant de garder toujours auprès de soi ce précieux ouvrage, comme une sorte de bréviaire.
« Vieillir est une chance. Vieillir est un avantage. Vieillir est un destin dépendant aussi de son attitude de vie devant l'existant.» Ainsi s'ouvre la préface que Laure Adler donne à l'Éloge de la vieillesse, un court texte philosophique de Cicéron, d'un ton résolument optimiste. De ce guide universel découle une leçon de vie d'une puissance sereine, pour affronter la peur de vieillir et enseigner « la joie de mourir », une « allégresse à tenir la mort en respect et à savoir l'apprivoiser ».
Qu'est-ce que la philosophie antique ?
À cette question, la tradition universitaire répond par une histoire des doctrines et des systèmes - réponse d'ailleurs très tôt induite par la volonté du christianisme de s'arroger la sagesse comme l'ascèse.
À cette question, Pierre Hadot apporte une réponse tout à fait nouvelle : depuis Socrate et Platon, peut-être même depuis les présocratiques, jusqu'au début du christianisme, la philosophie procède toujours d'un choix initial pour un mode de vie, d'une vision globale de l'univers, d'une décision volontaire de vivre le monde avec d'autres, en communauté ou en école. De cette conversion de l'individu découle le discours philosophique qui dira l'option d'existence comme la représentation du monde.
La philosophie antique n'est donc pas un système, elle est un exercice préparatoire à la sagesse, elle est un exercice spirituel.
Platon inaugure, par l'intermédiaire de Socrate, ce geste intellectuel primordial : s'interroger, sans préjugés, sur ce qui fait que la vie de l'homme et de la cité vaut d'être vécue. C'est pourquoi nous n'avons pas cessé d'être les contemporains de Socrate qui, dans les rues d'Athènes et sur la place publique, discutait avec ceux qui l'entouraient de ce qui fait la valeur d'une vie humaine, de ce qui motive telle ou telle action individuelle ou civique, des buts que poursuivent l'individu et la cité.Cette édition comprend la totalité des dialogues de Platon, ainsi que la traduction inédite des oeuvres douteuses et apocryphes. Elle comporte en outre une introduction générale, des notices de présentation pour chaque dialogue, des annexes, un index des noms propres et des notions, et un répertoire des citations, qui permettent à tous, néophytes ou familiers, de redécouvrir Platon.Nouvelle édition revue et corrigée.
Vivre en accord avec le destin, se défaire du superflu, adopter une attitude digne face à la mort et garder, en toutes circonstances, la tranquillité de l'âme : telles sont les leçons que Sénèque enseigne à son disciple Lucilius au fil de cette correspondance pédagogique. Manuel pratique à l'usage de l'apprenti stoïcien, les Lettres à Lucilius (1er siècle apr. J.-C.) nous exhortent de changer nos habitudes afin de nous changer nous-mêmes, et d'apprendre à mourir - pour essayer de vivre.
Comment parler, pourquoi écrire ? En cette fin du Ve siècle avant notre ère, voilà de quoi discutent deux Athéniens étendus près d'un gattilier en fleur, à l'ombre d'un platane sous lequel coule une source, tout près de l'Acropole. Mais comment évoquer la puissance du langage sans parler de l 'âme humaine ? Résidu de ce principe qui meut les corps célestes et même l'univers en son entier, elle produit le discours et en subit les effets.
Extraordinairement riche par sa forme - on y trouve descriptions, discours, mythes et prières -, le Phèdre aborde des thèmes très variés : la rhétorique, l'écriture, la mort et l'amour. Il déploie tout l'art littéraire de Platon et constitue l'un de ses plus grands dialogues.
Dossier :
1. Rhétorique et philosophie 2. Parole et énonciation 3. Parole et dialectique 4. Oralité et écriture.
La tradition nous a légué treize lettres de Platon. La Lettre VII, l'une des seule à être jugée authentique, occupe l'essentiel de sa correspondance. C'est l'un des rares textes où le philosophe s'exprime à la première personne, et évoque sa doctrine philosophique, largement transmise à l'oral. Cette lettre, adressée aux proches de son disciple et ami Dion de Syracuse, mort assassiné, est le texte d'un homme âgé, qui laisse place à la colère et à la confusion. Entre récit, justification et blâme, le philosophe revient sur ses ambitions et ses échecs, en particulier dans sa mission de conseiller du roi. Tour à tour penseur, coach et gourou, Platon délivre ici une philosophie du quotidien, loin de la pensée rationnelle à laquelle on associe le platonisme.
Le Phédon raconte une mort, celle de Socrate. Mais le récit de ces adieux singuliers est occasion de tenir un discours différent sur la mort. Car Socrate meurt après avoir parlé, après avoir arraché à la mort son «masque» effrayant de sorcière, et en pariant sur l'immortalité de nos âmes.
Avec lui, la mort fait une entrée remarquée dans la philosophie : la mort et la philosophie se livrent au même travail de Pénélope, défaisant ce que la vie a tissé et délivrant l'âme de son oubli d'elle-même.
Il est impossible de lire ce dialogue-là tout à fait comme on en lirait un autre. Platon, qui n'assistait ni à ce dernier entretien ni à ces derniers instants, les élève à une vérité plus haute que toute exactitude historique. Et Socrate qui, «demain», ne sera plus là, est présent comme il ne l'a jamais été.
Socrate est, à l'égal du Christ ou de Gandhi, l'une des figures majeures du panthéon de l'humanité. Et comme elles, il incarne une rupture par rapport à son époque, ce qui, comme elles aussi, lui coûtera la vie. Socrate est subversif. C'est cette dimension du personnage que l'auteur entend souligner. Le livre relate la dernière journée de Socrate et montre comment cette issue tragique est liée au fait que Socrate est sans cesse en décalage par rapport aux institutions, dans des domaines comme la pédérastie, la justice, le jeu démocratique, l'articulation du beau et du bon, les banquets et les convenances, la religion civique. Socrate refuse la procédure de défense en usage, Socrate s'occupe des affaires de tout le monde, Socrate est systématiquement en retard, Socrate est particulièrement laid et ne fait rien pour se faire beau... En un mot : Socrate est étrange, bizarre. C'est ce caractère atopos en grec, atypique, que le livre explore, à travers le récit de cette journée fatale et de toutes celles qui précèdent, où Socrate dit et fait des choses... inconvenantes.
"Le stoïcisme, dans sa version romaine, était une expérimentation qui durait toute une vie. Pour Marc Aurèle, la philosophie était plus qu'une activité collatérale ; elle était une consolation, comme l'écrira plus tard Boèce, ou bien une thérapie, comme on l'appellerait aujourd'hui. Marc Aurèle était un bon empereur et un homme solitaire. Il a été le premier à faire cadrer le bien commun avec le malheur individuel et c'est peut-être ce que sont vraiment les "Pensées" : un post-scriptum à la "République" de Platon." (Joseph Brodsky, 1994)
Depuis l'époque de la philosophie grecque classique, Héraclite a été considéré comme un philosophe de la nature, mais on ne comprend sa pensée que lorsqu'on s'aperçoit qu'elle porte sur le sujet. Ce bref ouvrage démontre que les rares propos qu'on a de lui permettent de la reconstituer et qu'elle est d'un grand intérêt, ce d'autant plus que l'incompréhension dont elle a été l'objet est à l'origine d'une tradition intellectuelle qui a été dominante tout au long de l'histoire occidentale et l'est encore. Héraclite prouve qu'une véritable connaissance du sujet humain était possible de son temps et qu'elle l'est donc aujourd'hui. Héraclite, le sujet comporte une retraduction de tous les propos essentiels d'Héraclite.
Porphyre de Tyr, philosophe né au III? siècle de notre ère, éditeur et commentateur de Plotin, écrit la Lettre à Marcella alors qu'il quitte sa femme pour un long voyage après seulement quelques mois de vie commune. Son texte est autant une consolation qu'une suite de conseils philosophiques et moraux, destinés à tous ceux qui, comme Marcella, veulent défendre la philosophie comme source de bonheur et d'élévation. La Vie de Pythagore, une biographie qui relève de la rhétorique de l'éloge, se veut quant à elle un manuel de vie dont les leçons portent sur le rapport à la cité humaine, aux autres êtres vivants, au monde et au divin en général. Chacun à leur manière, ces deux textes dessinent un idéal de vie heureuse tel que pouvait l'entendre la philosophie néoplatonicienne. Devenir vertueux, c'est se détacher du monde et cheminer vers sa véritable demeure, l'intellect divin.
Le Lachès et l'Euthyphron sont l'un et l'autre des dialogues dits «de jeunesse» que Platon écrivit entre 399 (date de la mort de Socrate) et 388 (date du premier voyage de Platon en Sicile). Ils partagent aussi une même exigence de méthode : si le Lachès s'intéresse à l'éducation et à la nature du courage et si l'Euthyphron cherche à déterminer l'essence de la piété, ils témoignent ensemble du souci socratique de parvenir à une définition universelle dans les matières éthiques ; illustrations remarquables de la dialectique réfutative de Socrate, ils ne parviennent ni l'un ni l'autre à définir la vertu qui leur est échue. Mais cet échec apparent est pour le lecteur une invitation à la vigilance.
Si j'ai désiré, après tant d'autres, traduire en français La République, c'est d'abord pour avoir pensé qu'il était possible de faire mieux que ce qui avait été fait avant moi : de se tenir plus près du texte grec, de l'articulation de ses phrases, de son économie dans le choix des mots, de sa souplesse, de la variété des tons qu'il prête aux participants du dialogue que rapporte Socrate ; mais c'est aussi, et peut-être surtout, par désir de m'approcher le plus possible de ce texte, l'un des plus beaux du patrimoine littéraire, en me soumettant à la nécessité de le lire et relire, puis d'écrire des mots, des expressions, des phrases dignes de le représenter, de se substituer à lui.Il s'agissait seulement de traduire, non de commenter. J'ai voulu faire lire ce dialogue, en considérant qu'il s'adressait au public le plus large, qu'il n'était pas d'abord une oeuvre de philosophie, puisque justement la philosophie, dans ce texte, doit faire valoir son utilité, se distinguer de ses contrefaçons ou de ses formes dégradées, chercher sa définition, mais que c'était un livre par lequel un esprit exceptionnel a cherché à capter l'attention, à stimuler l'imagination, à faire penser. Faire penser qui ? Un lecteur indéterminé, et non un philosophe professionnel.
Curiatus Maternus décide de se retirer pour se consacrer à la poésie. Avec trois amis, un dialogue s'engage... Tacite évoque des problèmes fondateurs de l'art des mots :
Distance entre Anciens et Modernes ; déclin des belles lettres ; tension entre une poésie retirée de la société et l'efficacité politique de l'art oratoire...
Texte-choral, théâtral et plein d'humour, ce Dialogue nous fait bondir de querelles en débats. Libre au lecteur de se faire sa propre opinion quant aux questions posées :
Qu'attend-on de la parole publique ? L'absence d'adversité l'appauvrit-elle ? Comment apprendre, non à réciter, mais à penser ? Document historique, la société qu'il décrit nous est terriblement familière. On se laisse donc emporter pour élucider une énigme toujours intacte : à quoi servent les mots ?
Petit guide de philosophie pratique, le Manuel est destiné à quiconque souhaite progresser sur la voie de la sagesse. Selon Épictète, nous devons distinguer ce qui est en notre pouvoir de ce qui ne l'est pas. Ainsi, nous ne maîtrisons pas le cours des événements, mais nous sommes entièrement responsables de la façon dont nous y réagissons. Tempérer nos désirs, vivre en accord avec la Nature, comprendre le monde et le rôle que nous y jouons : tels sont les préceptes que nous exhorte à suivre Épictète, afin de connaître bonheur et vertu.
''Outre que l'amitié apporte tant et plus de bienfaits, elle les devance tous, rien qu'en baignant l'avenir d'espoir et en prévenant la déchéance ou l'épuisement des nos âmes. Qui contemple son ami contemple donc, pour ainsi dire, son propre reflet. Et grâce à l'amitié, les absents se font présents, les pauvres deviennent riches, les faibles forts et, plus difficile à admettre, les morts reviennent à la vie, tant leurs amis vivent nimbés de leur honneur, de leur souvenir et de leur regret.» Comment reconnaître un ami?? Dans ce dialogue fictif entre Laelius et ses deux gendres Fannius et Scaevola, Cicéron dévoile sa conception de l'amitié. Laelius y célèbre les qualités de son meilleur ami défunt?: Scipion Émilien, brillant intellectuel et éminent homme public.
Nul doute pour Cicéron que la pratique de l'amitié va nécessairement de pair avec celle de la vertu. Pour le grand philosophe, l'amitié ne saurait conduire quiconque au déshonneur. Une amitié authentique ne peut donc exister conjointement à de mauvais agissements. Méfions-nous également des amitiés matérielles, avertit Cicéron. Car l'argent n'est pas moins précaire et instable à l'époque de la Rome antique qu'à celle du cac 40. Or l'amitié requiert au contraire fermeté et solidité, vertus stoïciennes par excellence. L'ami est à l'écoute mais peut lever la voix, y compris pour asséner les vérités les moins agréables?; il cultive la probité et méprise les faux-semblants.
En se fondant sur des exemples tirés de l'histoire romaine, il met en valeur ce qu'il considère comme l'âge d'or de la République, lorsque celle-ci était menée par un groupe d'hommes lié par l'amitié telle qu'il la définit. Car De l'amitié est également un texte de combat, celui que Cicéron mène contre Marc Antoine, et l'amitié un programme politique en soi, afin que la société redevienne vertueuse.