« Il n'est jamais ni trop tôt ni trop tard pour prendre soin de son âme. » Lettre à Ménécée
Magistralement illustrée, cette traduction nouvelle, tranchante, étrangère à toute tentation de compromis, rassemble les écrits les plus fondamentaux d'Épicure, mais dans la présentation qui convient à une sagesse : accessibles à tous, proches et utiles, permettant d'avoir toujours auprès de soi le précieux ouvrage comme un nécessaire de philosophie.
Au lecteur de vérifier, en lisant et relisant, que la sagesse épicurienne - toujours intelligente - consiste à ne jamais séparer, à aucun prix, plaisir et liberté.
Je juge qu'il peut être vrai que la fortune soit l'arbitre de la moitié de nos actions, mais aussi qu'elle nous en laisse, à nous, gouverner l'autre moitié ou à peu près.
Le bonheur tient à peu de choses. Il se cueille au jour le jour dans les parterres fleuris du beau jardin, millénaire, de la sagesse épicurienne. Le philosophe grec Épicure (340-270 avant J.-C.), mais aussi les grands poètes qu'il a influencés, Horace, Lucrèce, Virgile, bien d'autres encore, jusqu'à la Renaissance et au-delà, promettent le bonheur pourvu que nous sachions nous contenter de sobres plaisirs.
Charles Senard, au fil des chapitres, les égrène : conversations amicales, amour et poésie, campagne charmante, bons vins, trésors des souvenirs. La philosophie épicurienne est l'un d'eux, d'autant plus précieux qu'il est fragile : beaucoup de ses grands textes ont disparu, plusieurs ont été sauvés in extremis, déchiffrés dans les rouleaux carbonisés, patiemment dépliés, d'une bibliothèque d'Herculanum.
Dans ces pages légères et profondes, l'auteur propose une initiation poétique à une philosophie source d'inspiration quotidienne.
« Une excellente manière de te défendre d'eux, c'est d'éviter de leur ressembler. » VI, 6
Le « théologico-politique », c'est l'idée selon laquelle au « fond » des choses politiques, il y a toujours quelque chose de religieux : quelque chose ayant à voir avec notre rapport au sacré. Même à l'heure où la politique moderne s'est « sécularisée » (séparée des pouvoirs religieux) et où les références religieuses, parfois présentes en elle, ont infiniment moins de poids que par le passé, la pensée théologico-politique est formelle : le fond de l'affaire serait encore et toujours « religieux ».
Depuis une trentaine d'années, le théologico-politique est en plein triomphe dans la philosophie contemporaine. Très au-delà de la mode « Carl Schmitt », c'est une vague qui passe par Giorgio Agamben, Charles Taylor, le dernier Jürgen Habermas, le dernier Richard Rorty... et qui fait revivre, aussi, certaines oeuvres du passé : celles de Jacob Taubes et d'Eric Voegelin, ou certains écrits de Karl Jaspers. Toute une myriade d'auteurs contemporains la nourrit (Gianni Vattimo, Marcel Gauchet, Luc Ferry...), non sans échos à un air du temps général (dont témoigne, par exemple, le succès des thèses de René Girard).
Alors que l'histoire politique moderne avait fini par accomplir le désir de Spinoza d'une rupture avec le théologique - désir formulé dans son Traité théologico-politique de 1670 -, voilà que le théologique est à nouveau présenté comme le secret caché du politique. Et c'est d'autant plus troublant que les années 1960 et 1970 avaient énergiquement combattu la tentation d'affirmer, dans les choses politiques, une détermination « en dernier ressort », de quelque nature que ce soit.
Le théologico-politique, aussi « renouvelé » soit-il aujourd'hui, est une imposture. Une démesure de la pensée, qui force les réalités politiques pour imposer sa « thèse ». Et ce triomphe parle non des choses politiques, mais de la philosophie. De ses désirs à elle, rarement tout à fait éteints, d'atteindre une toute-puissance théorique, c'est-à-dire un savoir total sur l'histoire : sur sa direction, sur sa véritable « ressource », sur son prétendu « fond ».
Voilà ce que montre ce livre. Mais il propose aussi une enquête : pourquoi cette quête de toute-puissance théorique a-t-elle resurgi, à ce moment-là de notre histoire philosophique et de notre histoire tout court ?
Le 8 juin 1978 Alexandre Soljénitsyne disait aux étudiants de l'université de Harvard :
« Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (...) Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu'on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l'Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n'est même pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux en soient atteints d'une maladie analogue. »
Alexandre Issaïevitch Soljénitsyne est né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk (Russie). Mobilisé en 1941 dans les rangs de l'Armée rouge, il est arrêté à la veille de la victoire pour avoir prétendument insulté Staline dans une lettre à un ami, et purgera huit ans de détention et trois de relégation. En 1962, la parution d'Une journée d'Ivan Denissovitch, peinture véridique de l'univers du Goulag jusque-là tabou, révèle un écrivain au monde entier. Le Premier Cercle puis Le Pavillon des cancéreux assureront sa gloire. Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 1970. En décembre 1973, paraît à Paris (en version russe) L'Archipel du Goulag, tableau de la terrible répression exercée en Union soviétique sur des millions de citoyens. Le scandale est énorme : en février 1974, Soljénitsyne est déchu de sa citoyenneté et expulsé de son pays : il se fixera d'abord en Suisse puis aux États-Unis. À la chute de l'URSS, sa nationalité lui est restituée et il rentre en Russie, près de Moscou, où il vivra jusqu'à sa mort, survenue le 3 août 2008.
« Le respect de la vérité présente un déclin associé de près à la régression en charité. Il n'est point de période de l'histoire du monde où le mensonge organisé ait été pratiqué d'une façon aussi éhontée, ou, grâce à la technologie moderne, aussi efficacement et sur une aussi vaste échelle, que par les dictateurs politiques et économiques du siècle présent. La majeure partie de ce mensonge organisé prend la forme de propagande, inculquant la haine et la vanité, et préparant l'esprit des hommes à la guerre. Le but principal des menteurs est la suppression des sentiments et de la conduite charitables dans le domaine de la politique internationale. [...]
Tel est le monde dans lequel nous nous trouvons, - monde qui, jugé d'après le seul critère acceptable du progrès, est manifestement en régression. L'avance technologique est rapide. Mais sans progrès en charité, l'avance technologique est inutile. Elle est même pire qu'inutile. Le progrès technologique nous a simplement fourni des moyens plus efficaces pour reculer.
Comment cette régression en charité que nous vivons actuellement, et dont chacun de nous est responsable dans une certaine mesure, peut-elle être enrayée et inversée ? Comment la société existante peut-elle se transformer en la société idéale décrite par les prophètes ? Comment l'homme sensuel moyen et l'exceptionnel (et plus dangereux) homme ambitieux peuvent-ils se transformer en ces êtres sans attache, qui seuls sont capables de créer une société sensiblement meilleure que la leur ? Ce sont là les questions auxquelles j'essaierai de répondre dans le présent volume. »
« Mais quelle est la source de cette force qui nous laisse sans peur devant la source de la peur, sans désarroi devant la source du désarroi ? À quelle puissance la joie trouve-t-elle soudain cette force qui lui permet de résister à l'effet corrosif d'une tragédie à laquelle elle s'expose ? Telle est la question essentielle à laquelle nous devons enfin proposer une réponse. »
Voici ce dont un Clément Rosset d'à peine 21 ans rapporte l'expérience et l'analyse dans cet essai inédit qui préfigure de manière originale bon nombre de ses réflexions ultérieures, et notamment celle-ci : l'impossibilité de rendre raison de la joie tragique, lucide d'exister.
Zarathoustra a-t-il existé, quand et où a-t-il vécu ? Quels sont les textes sur lesquels reposent sa religion et que disent-ils ? Quelles sont les principales notions et figures qui composent le panthéon zoroastrien ? Quels sont les rituels importants - cérémonies funéraires ou rites d'initiation - et les fêtes qui rythment le calendrier zoroastrien ? Enfin qui sont les zoroastriens, aujourd'hui et dans l'histoire ? Telles sont les questions auxquelles Michael Stausberg, professeur de sciences religieuses à l'université de Bergen (Norvège) et spécialiste du zoroastrisme, répond dans cet ouvrage clair et concis, en faisant appel aux plus récents travaux d'édition de textes avestiques et moyen-perses, ainsi qu'aux études ethnographiques menées auprès des communautés zoroastriennes de par le monde.
Quand on lit Aristote dans son texte, on est frappé par la fréquence du retour d'expressions comme « la science de la chose », « à partir de la chose elle-même », « dans la nature de la chose » ; les physiciens présocratiques n'ont pu deviner l'essence, dit Aristote, que parce qu'ils ont été « poussés par la chose elle-même ». Si ce retour insistant ne se manifeste pas toujours dans la version française du texte, c'est parce que le terme grec de pragma/ recueille en lui tout un faisceau de sens que la traduction fait éclater en termes distincts : se traduit par chose, mais aussi par cause, au sens juridique du terme, et par affaire. recouvre donc le champ des choses naturelles, mais aussi celui de la politique ; qui est l'affaire de tous et la cause d'un chacun, et que les Anciens nommaient « affaires communes » et « chose publique ». Ce sens anthropologique s'est oblitéré de nos jours, si bien que la signification de est beaucoup plus large que celle du vocable moderne de chose.
La largeur du champ de invite à faire porter l'analyse sur l'ensemble de l'oeuvre d'Aristote. Sous son aspect négatif d'abord, avec la critique de là sophistique et du platonisme ; sous son aspect positif ensuite, tel qu'il se déploie en trois perspectives essentielles : la relation de l'homme aux choses par la connaissance ; la nature propre de la chose concrète telle qu'elle subsiste par soi dans la nature ; la réalité politique, qui certes est l'oeuvre de l'homme, mais qui aussi subsiste à l'extérieur de lui dans la Cité d'une manière autonome comme ré-publique.
On sait que les textes publiés par le Stagirite ont été perdus, et que le Corpus est constitué de notes de cours rédigées à des époques différentes. C'est dire que le philosophe méditant les écrits d'Aristote ne peut faire l'économie de considérations philologiques, lesquelles ne sont pas ici surcharge érudite mais font corps avec l'interprétation. Ainsi, l'étude précise de l'évolution d'Aristote dans sa théorie du sentir éclaire la genèse du traité De l'âme et invite à reconsidérer le problème de la date de sa rédaction.
On résume souvent par le mot de « réalisme » l'inspiration de la pensée d'Aristote, réalisme « naïf » ajoutent certains naïfs pour désigner une pensée parfaitement au fait de ses présupposés. Mais si le réalisme se définit comme visée du réel, il se trouve affecté d'une énorme ambiguïté puisque la réalité est ce que tente d'exprimer toute philosophie. Une inspiration philosophique va donc se caractériser par le lieu particulier où elle invente de situer ce réel énigmatique ; si Aristote ramène la philosophie du ciel sur la terre c'est parce que, refusant de voir ce réel dans un monde idéal séparé, il veut lire l'essence dans les choses de ce monde, les . Le recours ici fait, à travers la pensée d'Aristote, au sens ancien de vise à revaloriser la notion de chose, à lui redonner l'ampleur qu'elle a perdue en se bornant à désigner de nos jours l'objet simplement inerte.
Il existe des lieux devant lesquels les hommes ont éprouvé depuis des millénaires peur et effroi : montagnes, océans, forêts, volcans, déserts. Inhospitaliers, hostiles, désolés, ils font songer à la mort, ils nous humilient de leur grandeur et nous menacent de leur puissance. Cependant, dès le début du XVIIIe siècle, ils commencent à être perçus comme « sublimes », dotés d'une intense et bouleversante beauté.
Cette inversion radicale du goût n'a pas seulement une importance esthétique : elle implique une nouvelle façon de forger l'individu grâce au défi lancé à la grandeur et à la domination de la nature. De cette confrontation naît un plaisir inattendu mêlé de terreur, qui, d'un côté renforce l'idée de la domination de l'homme, de l'autre, contribue à lui faire découvrir la volupté de se perdre dans le grand tout.
Après avoir atteint leur zénith, les théories et le sentiment du sublime connaissent une éclipse au moment où le rapport de force paraît s'inverser : quand l'humanité occidentale croit avoir commencé à défaire la nature, à dévoiler ses secrets et à asservir ses énergies.
Le sublime se déplace alors toujours plus de la nature à l'Histoire et de l'Histoire à la politique. Même si le développement des technologies a rendu désormais scélérate la lutte contre une nature offensée et blessée, les immenses espaces intersidéraux semblent ouvrir de nouvelles perspectives au sublime.
Quel rapport entretenons-nous avec une nature dont des pans entiers sont aujourd'hui domestiqués ? Comment le sublime peut-il continuer à développer ce rôle qui consiste à nous sauver de la platitude intellectuelle et de la torpeur émotive nous tirant de la banalité du quotidien ? Quel est le destin de l'humanisme ?
Cet essai répond à ces questions - fascinant par ses qualités de lucidité, de rigueur et de lisibilité - à travers une cartographie documentée des territoires du sublime et une interprétation aiguë de ses métamorphoses historiques et théoriques.
Nous vivons un temps troublé. Que faire pour sortir de l'impasse ? Peut-être un pas de côté, non pour fuir la réalité mais pour considérer nos problèmes sous des angles nouveaux, inattendus, échapper au flot des lieux communs en tâchant de mettre de l'ordre dans le désordre qui nous entoure. Tel est l'objectif que poursuivent ces courts essais. Sans prétendre apporter des réponses définitives, ils éclairent nos problèmes, les plus personnels - qu'est-ce que le bonheur ? qu'est-ce qu'être soi-même ? - comme les plus partagés de notre époque - la mondialisation, les fake news. Tantôt parcourant des sentiers battus, tantôt frayant des voies nouvelles, ils font entendre des voix devenues souvent inaudibles dans le tintamarre de l'actualité, peut-être aussi contradictoires - pourquoi pas ? En vertu de quoi devrions-nous toujours aller sans délai vers une conclusion ?
Il existe peu d'histoires de la philosophie en français, et celles que l'on peut lire s'adressent à des spécialistes ou à des étudiants. L'oeuvre de Bertrand Russell, en revanche, est accessible à tous, sans que pour cela l'exposé des différents systèmes perde en quoi que ce soit de son exactitude et de sa rigueur. C'est donc un tableau cohérent et complet de la philosophie occidentale, de l'Antiquité à nos jours que « l'honnête homme » trouvera ici. Complet, cela va de soi, car l'érudition de l'auteur ne saurait être mise en défaut. Cohérent, car une pensée sous-entend et anime cet ouvrage, cette pensée que les philosophes sont à la fois des effets et des causes: ils sont les effets des circonstances sociales, de la politique et des institutions de leur temps ils sont la cause (s'ils sont heureux) des nouvelles croyances qui façonneront la politique et les institutions des âges futurs.
« Pour ma part, dit l'auteur, je me suis efforcé de faire ressortir chaque philosophe comme un produit de son milieu, un homme en qui se cristallise et se concentrent les pensées et les sentiments qui, d'une manière vague et imprécise, sont ceux de la communauté dont il faisait partie. »
Par la suite cet ouvrage capital de Bertrand Russell, grand penseur anglais, Prix Nobel 1950, a un double caractère: non seulement il est nourri de pensée comme un livre de philosophie, mais il se lit avec tout l'intérêt qu'on apporte à un livre d'histoire.
Redisons-le, c'est une oeuvre qui pourra, et devra, figurer dans la bibliothèque de tout « honnête homme ».
On a pu dire de l'oeuvre considérable de George Steiner qu'elle tourne tout entière autour du langage, de son sens et de ses conséquences morales et religieuses. On s'en convaincra aisément en lisant cet ouvrage écrit voici quarante ans, par l'auteur de Après Babel et Réelles présences, et qui, dans un style clair et rigoureux, analyse les menaces qui pèsent sur le langage, sur la position du poète face à la barbarie et la survie d'un sens lié à la culture occidentale. Les humanités survivront-elles ? Chacun sait que la réponse est un combat qui ne cessera jamais.
George Steiner est né à Paris de parents juifs viennois, le 23 avril 1929. Il quitte la France en 1940 pour New York où il poursuivra ses études au lycée Français. Diplômé en sciences physiques et mathématiques, critique littéraire et professeur de littérature anglaise et comparée à Genève, il connaît un succès notoire avec son cours sur Shakespeare ; son enseignement genevois se double d'une activité de conférencier auprès des instituts universitaires les plus prestigieux du monde. George Steiner ne se définit lui-même ni en tant que critique, ni en tant qu'écrivain ou universitaire, mais bien plutôt comme « maître à lire ». Ses lectures infinies se sont cristallisées aussi bien dans ses articles publiés dans le New Yorker que dans d'innombrables publications.
Qu'est-ce que la politique peut apprendre des sciences des systèmes complexes comme la biologie, la théorie des jeux, la physique statistique ou la thermodynamique loin de l'équilibre ? En quoi les concepts d'évolution, de membrane, d'entropie, de structures dissipatives, de lois d'échelle ou de transition de phase permettent-ils d'éclairer des questions politiques aussi essentielles que celles du progrès, des frontières, de la coopération et de la compétition, du développement durable, de la pluralité ou de la subsidiarité ? Un dialogue renouvelé entre les Deux cultures, les sciences et les humanités, permet-il d'aborder de grandes questions de philosophie politique sous un jour nouveau et fécond ? Vincent Le Biez en fait le pari, avec, sous l'égide de Snow et Prigogine, Platon et Darwin, Hobbes et Bichat, Rousseau et Dawkins, Bergson et Clausius, Arendt et Carnot, Tocqueville et Ising...
Sir Charles Snow parle pour la première fois du fossé qui sépare Les Deux Cultures (la culture traditionnelle, littéraire, et la culture scientifique) lors d'une conférence en 1959. Ce fossé, lié au problème de la spécialisation abusive, devrait être comblé d'urgence pour obtenir de notre civilisation technologique le maximum d'avantages, et pour les faire partager aux classes et aux pays sous-développés. Devant les remous que cette conférence a déclenchés, il pense « avoir touché un nerf » ; en 1963, il publie de nouvelles réflexions sur le même sujet. Sa lucidité l'amène à prévoir la naissance d'une « troisième culture ». Issue de la révolution scientifique, cette troisième culture pourrait avoir plus d'importance au cours des années à venir. Car le rythme rapide des transformations techniques « détermine la façon dont certaines propositions relatives à l'éducation, qui cherchaient à être simples et pratiques, sont devenues le point de départ d'un débat qui remet tout en cause ». Les Deux Cultures et le Supplément eurent dans les librairies anglo-saxonnes un succès immédiat et immense. En 1968, Snow précise le point central de sa pensée : le problème urgent que les hommes de la « troisième culture » auront à affronter est celui de la faim dans un monde surpeuplé aux ressources limitées. C'est le sujet brûlant d'État de siège, inédit en français.
La lutte pour la liberté spirituelle donne sa signification à l'humanité, affirmait en 1944 le grand sociologue de la culture Alfred Weber. Approfondissant un tel postulat, cette recherche consacrée à la liberté d'esprit emprunte ses exemples à certains intellectuels humanistes anciens et modernes, de Marsile Ficin à Erwin Panofsky et au-delà, tout en s'interrogeant sur les conditions d'une pensée libre aujourd'hui.
«Trois passions simples mais irrésistibles, a écrit Bertrand Russell, ont commandé ma vie: le besoin d'aimer, la soif de connaître, le sentiment presque intolérable des souffrances du genre humain ces passions comme de grands vents m'ont poussé à la dérive, de-ci, de-là, sur un océan d'inquiétude, où je me suis parfois trouvé aux bords mêmes du désespoir.»
C'était bien donner le ton de cette Autobiographie exceptionnelle en tous points. Elle nous permet de retrouver un personnage hors normes à la vie riche en événements de toutes sortes, dont les deux guerres mondiales qui ont ensanglanté et endeuillé le XXe siècle ne furent évidemment par les moindres. Tant il est vrai que sa vie durant, cumulant conquêtes intellectuelles et combats politiques, Bertrand Russell sut conjuguer comme personne la réflexion du logicien, ami de Wittgenstein et de Whitehead ou Moore, avec une action dans le siècle qui lui fit notamment connaître la prison en 1918 et une révocation de l'université à New York pour immoralité!
Plus d'un personnage célèbre a croisé notre héros tels Bernard Shaw, Joseph Conrad, D.H. Lawrence, Katherine Mansfield ou J.M. Keynes que l'on retrouvera au fil de ces pages. Traversée du XXe siècle à hautes altitudes, cet autoportrait d'un géant de l'époque est une lecture nécessaire pour les citoyens du XXIe siècle.
Bertrand Russell (1872-1970) est le plus éminent philosophe britannique du XXe siècle. Il apporta des contributions décisives dans les domaines de la logique et de l'épistémologie. Ses principes éthiques, qu'il incarna à travers ses engagements politiques et ses prises de position tranchées, lui valurent deux fois la prison mais aussi le prix Nobel de littérature en 1950.
Le football passionne autant qu'il exaspère.
La majorité le vit comme la parenthèse chronique d'une passion festive et s'interroge : pourquoi le football ? Dans ces pages superbes, Stéphane Floccari renvoie dos à dos les bavardages quotidiens et les commentaires autorisés, les diatribes moralisatrices comme les discours savants. Le temps d'un match improbable, il fait jouer Platini et Jankélévitch, Juninho et Newton, Pelé et Pasolini, Van Basten et Merleau-Ponty, Cantona et Cioran. Pour le plus grand plaisir de son lecteur, qui s'y verra conter une histoire philosophique et populaire de cette communion sans équivalent entre les hommes qu'est le foot.
Walter Benjamin. Un itinéraire théorique concentre et condense, dans un style clair et rigoureux, les clés thématiques indispensables pour aborder tout en nuances la pensée complexe d'un intellectuel juif allemand pris entre deux apocalypses. Grâce à une mise en lumière qui croise systématiquement les éléments biographiques, historiques, philosophiques, littéraires ou encore politiques, Walter Benjamin, auteur difficile, s'offre ici sous un jour accessible qui par ailleurs ne cède en rien quant à « l'acuité des tensions qu'il a choisi de laisser vivre dans son oeuvre ».
Si de l'adversité sans cesse combattue Walter Benjamin fit des armes, c'est donc à en comprendre le maniement comme la portée, à en transmettre l'acuité théorique et critique que nous invite Jean-Michel Palmier.
Le grand savant allemand Wilamowitz-Moellendorff qualifiait Paul Tannery « d'autodidacte de génie ». Venant d'un des plus grands hellénistes du XIXe siècle, le compliment était de taille. Paul Tannery, ancien polytechnicien, passionné par les textes grecs et latins, fut considéré comme un important historien des sciences et des mathématiques.
Son travail majeur, Pour l'histoire de la science hellène, connu le succès dès sa parution en 1887 et fut réédité en 1930 tant son autorité demeurait forte. Texte important pour qui veut appréhender l'histoire de la science grecque au temps des présocratiques, Pour l'histoire de la science hellène reste encore aujourd'hui une mine de renseignements tant pour les philosophes et les épistémologues que pour un public en quête de redécouvertes des origines philosophiques de notre civilisation. Sans jamais vulgariser ou simplifier, Paul Tannery a cette capacité de permettre au lecteur de circuler dans le monde de l'époque. Mettant en correspondance les penseurs qu'il évoque, Tannery montre comment chacun, à la fois innove mais également se nourrit de la pensée de l'autre, reconstruit, se distingue, à une période où débute la science grecque - arithmétique, géométrique, astronomique - et où prend naissance, ce que plus tard on appellera, la philosophie.
Cet ouvrage essentiel, tant par sa clarté que par sa pédagogie, rend l'histoire de la science grecque compréhensible sans pédanterie. S'appuyant sur la recherche la plus récente concernant la doxographie, cette nouvelle édition, revue et amendée, reprend, en complément, des notices de revues parues à la suite de la première puis de la seconde édition. D'autres notices précisent sa bibliographie et son parcours personnel. Des dossiers complémentaires permettent à la fois d'offrir des vues synthétiques sur certains chapitres et d'ouvrir sur des horizons plus contemporains.
Paru en 1937 dans sa traduction française, soit sept ans après sa publication en Espagne (1930) sous le titre La rebellion de las masas, La révolte des masses demeure un opus majeur de la littérature intellectuelle mondiale. Et son auteur, le philosophe José Ortega y Gasset (1883-1955), professeur de métaphysique à l'université de Madrid de 1910 à 1936 et fondateur de l'influente Revista de Occidente, est considéré comme l'un des plus éminents représentants de l'humanisme libéral européen du xxe siècle.
Bien qu'il ait publié beaucoup d'autres ouvrages notables (dont L'Espagne invertébrée et Le thème de notre temps), c'est dans cette Révolte des masses à l'immense retentissement que la pensée d'Ortega s'expose avec le plus de saillance. Son rude diagnostic sur la nature de la maladie qui ronge l'Europe n'a rien perdu de sa pertinence: l'irruption de l'« homme-masse », un « enfant gâté » conformiste et égalitariste qui rejette le passé, la raison et l'exigence morale - corrélée à une inquiétante « étatisation de la vie » et à l'« idolâtrie du social ». Mais il y esquisse aussi ce qui peut l'en guérir: l'avènement d'« un libéralisme de style radicalement nouveau, moins naïf et de plus adroite belligérance », et l'édification culturelle d'une Europe réellement unie.
En 1938, Ortega publie un Épilogue pour les Anglais prolongeant et actualisant la réflexion de La révolte des masses: la présente réédition inclut ce texte capital à la diffusion jusqu'alors demeurée confidentielle.
Relirais-je tout Platon, pour me permettre d'en parler ? Je n'ai plus guère les yeux, ni la patience, ni peut-être le temps. J'ajoute que je n'en éprouve pas la nécessité. Je n'ai jamais prétendu tout savoir de Platon, je n'ai pas tout lu, les Lois, le Parménide aussi, me sont tombés des mains. Mais ce que j'ai lu je l'ai bien lu, comme on fait forcément quand on doit expliquer à d'autres, dont l'attention critique est impitoyable, et qu'on ne saurait payer d'à peu près. Simples angles, pour entrer dans la citadelle par des accès qui parlent. Je n'ai jamais pratiqué un enseignement savant, j'ai essayé de pratiquer un enseignement stimulant. À chacun ensuite de se trouver en lui-même, des raisons, des façons d'aller plus loin. Dans sa propre voie. Sinon, n'est-ce pas, l'acte d'écrire n'irait pas plus loin que ce qu'on a mis sur le papier. D'autres le font beaucoup, et sont définitifs ou rien. Je ne peux pas. J'ai trop longtemps été oral, et seulement oral. Trop longtemps j'ai eu en face de moi cette chose incomparable : des jeunes gens qui écoutent avec leurs yeux, des yeux qui écoutent.
« Lorsqu'il est dit que le thème particulier de notre temps et la mission des générations actuelles consiste en une tentative énergétique pour ordonner le monde à partir du point de vue de la vie, il y a un sérieux risque d'être mal compris. [...] On a vécu pour la religion, pour la science, pour la morale, pour l'économie ; on a même vécu pour servir le fantôme de l'art et du plaisir ; on n'a juste jamais essayé de vivre délibérément pour la vie. Heureusement qu'on l'a toujours plus ou moins fait, mais non délibérément ; chaque fois que l'homme s'en est aperçu, il en a eu honte et a ressenti un étrange remords. Ce phénomène de l'histoire humaine est par trop surprenant pour ne pas mériter une méditation. » Paru en 1923, soit bien avant sa célèbre Révolte des masses (1930), Le Thème de notre temps est l'un des textes les plus prophétiques d'Ortega y Gasset (1883-1955).