Cet ouvrage est le fruit des réflexions menées lors de la journée d'études « De l'entretien quotidien des édifices à la conservation du patrimoine bâti aux époques antique et médiévale », organisée le 10 octobre 2014 au Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis. Il n'a pas fallu attendre l'apparition d'une politique consciente et formalisée de conservation des monuments historiques en Europe au XIXe siècle pour que des bâtiments traversent le temps. L'enjeu de cet ouvrage est d'examiner les processus de préservation des édifices, privés comme publics, avant l'époque contemporaine, depuis l'entretien régulier jusqu'aux campagnes plus ou moins exceptionnelles de restauration. Les huit contributions réunies proposent un éclairage interdisciplinaire et diachronique de ce phénomène, à travers des analyses de corpus textuels, des études d'ensembles architecturaux et des synthèses sur des matériaux ou des parties d'édifices, pour dresser un tableau de la diversité des pratiques liées à la conservation des édifices dans la Méditerranée antique et l'Europe médiévale et moderne. Ces études révèlent que la dégradation des constructions était fréquemment anticipée par les bâtisseurs et mettent en lumière une série de distinctions financières, juridiques, mais aussi idéologiques permettant d'établir une dichotomie entre entretien et restauration, de prime abord absente dans le vocabulaire technique. Ce faisant, cet ouvrage offre un éclairage nouveau sur la notion de patrimoine aux époques anciennes.
Qui étaient les évangélistes du XVIe siècle ? Prélats, poètes, courtisans, prédicateurs, ambassadeurs, condottieri ou théologiens, multiples furent les acteurs de la circulation croisée d'idées religieuses. À l'époque des Guerres d'Italie, de la Réforme protestante et de la diffusion européenne de l'Humanisme, ils propagèrent à travers les Alpes des modèles de réforme de l'Église. Le résultat fut le développement dans l'Europe méditerranéenne, dans le Royaume de France puis dans la péninsule italienne, d'une sensibilité spirituelle à mi-chemin entre Rome et Wittenberg, et d'un langage religieux raffiné ayant pour ambition de renouveler profondément les pratiques et les croyances, tout en sauvegardant l'unité de la Chrétienté occidentale. Le présent ouvrage a pour ambition de faire résonner la voix des différents catholicismes alors en présence et de mieux cerner les réponses réformatrices formulées par chacun d'entre eux face à la crise de l'institution ecclésiastique. Ce sera l'occasion de revenir sur un concept - celui de l'évangélisme - contesté par une partie de l'historiographie mais toujours utile, et au fond incontournable pour les chercheurs, toutes disciplines confondues, de la littérature à l'histoire politique. On pourra ainsi mesurer le bouillonnement majeur que connaît le camp catholique face à la fracture confessionnelle.
Dans la filiation d'une historiographie féconde depuis trente ans, éclairant la collection par la médiation des pratiques - pratiques savantes, sociales, économiques -, notre ouvrage se propose d'explorer une autre voie : la manière dont les expériences de l'objet d'art ou de connaissance, choisi, rassemblé, agencé, classé, étudié, participent à l'affirmation de soi et à l'émergence d'identités partagées, familiales, urbaines ou régionales. On cherchera ainsi à comprendre ce que l'expérience des objets dit de l'adhésion de l'individu à un certain nombre d'exigences sociales, et ce qu'elle dit d'aspirations exprimées ou refoulées, pas forcément congruentes aux rôles assignés. Au fil de quatorze études de cas, nous avons voulu mettre l'accent sur les tensions et les ambivalences, plus que sur les réussites. Le choix d'un temps long, du XVIe au XIXe siècle, privilégiant le XVIIIe siècle, donne à voir les différents types sociaux associés à l'étude et à la collection des objets. Le choix d'un ancrage méditerranéen, nous conduisant de la France méridionale - entre Toulouse et Monaco - à l'Italie n'a pas vocation à affirmer une spécificité méridionale de la collection. Il permet de construire, dans la cohérence d'un espace, une galerie de portraits, permettant de suivre in situ les processus de la collection à l'oeuvre.
Toujours présentes dans les cales des navires qui sillonnent la Méditerranée à l'époque moderne, les ressources de la mer constituent l'un des piliers du commerce maritime, mais aussi l'une des bases essentielles de l'alimentation des sociétés littorales anciennes. Les conditions d'exploitation de ces richesses naturelles, poissons et coquillages, soie de mer, nacre, éponges ou peaux de chagrin, ont été profondément modifiées entre le XVe et le XVIIIe siècle. Les innovations radicales qui se produisent au sein les techniques de pêche dès la fin du Moyen Âge permettent une augmentation importante des tonnages réalisés. Les surplus de production induisent l'apparition d'une activité de conditionnement soutenue par un groupe actif d'investisseurs extérieurs au monde de la barque. Dès le XVIe siècle, des clivages sociaux divisent les communautés de pêche tandis que se marginalisent les pratiques collectives les plus anciennes. Essentielles pour les économies littorales, les ressources de la mer pénètrent loin à l'intérieur des terres. Marchandise de première nécessité, le poisson, à l'instar du blé, participe donc de politiques édilitaires. Cet ouvrage propose une lecture multi scalaire, conduite sur une longue durée, de la nature et de la fonction des richesses extraites de la mer, mais aussi des sociétés maritimes qui mettent en oeuvre cette exploitation, du plongeur à nu du golfe de Gabès jusqu'au petit consommateur d'une cité roussillonnaise du XVIIIe siècle.
Ordre militaire-religieux issu des Croisades, chassé du Levant en 1522, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, mieux connus sous le nom de chevaliers de Malte, établissent en 1530 leur couvent en Méditerranée occidentale, devenant des acteurs essentiels de l'histoire de l'Europe dans la première modernité. Cet ordre, constitué par la fine fleur de la noblesse européenne, compte aux XVIe-XVIIe siècles un nombre très élevé de nobles français et particulièrement provençaux ; ces derniers représentent le quart des grands-maîtres élus en un siècle et demi. Les chevaliers se spécialisent dans la définition nobiliaire, par l'établissement d'un système d'admissions fondé sur la constitution d'écritures et de généalogies et sur la fourniture de preuves de la pureté du sang et de la race. Cet ordre, symbole d'une perpétuation de la guerre sainte en Méditerranée, est aussi confronté à la diffusion du protestantisme au sein des noblesses européennes, qui l'oblige à conforter son identité religieuse par l'application stricte dans le couvent de la Réforme catholique, oeuvrant à une grande discipline des corps et des moeurs des chevaliers. Dans un couvent dirigé à Malte par des grands-maîtres qui mettent en place une véritable vie de cour, les chevaliers sont également sensibilisés aux théories et aux évolutions politiques qui s'observent en Europe : des conjurations nobiliaires éclatent, qui tentent en vain de résister aux ambitions princières des grands-maîtres.
Jean-Baptiste Girard, jésuite, séduit une de ses pénitentes, Catherine Cadière. Il a 48 ans, elle en a 19. Nous sommes à Toulon en 1731. Un fait divers parmi tant d'autres au XVIIIe siècle ? L'opinion publique en décide autrement. Un procès retentissant s'ouvre à Aix-en-Provence. Sur fond de querelle religieuse entre jésuites et jansénistes, les discours des satiristes et des épistoliers commentent les frasques du couple scandaleux et construisent une affaire singulière. Le verdict du procès ne satisfait personne, ce qui explique que l'histoire semble échapper à toute conclusion. C'est pourquoi le livre interroge aussi les mémoires de l'affaire, en examinant les variations de ses réécritures qui, du XVIIIe à nos jours, oscillent entre fascination et défiance. Aujourd'hui encore, les éléments savoureux de cet objet historique singulier permettent à chacun de s'y retrouver.