La route des thés oscille entre nomadisme et sédentarité, elle est faite d'étapes, comme autant de points d'attache dans un mouvement perpétuel. Elle symbolise le voyage. Les buveurs de thé sont une confrérie dont fait partie la grande voyageuse Lucie Azema.
L'autrice parcourt l'histoire de ce breuvage millénaire, des premières caravanes aux colonisations, de ses usages à ses significations. Elle explore cette tension entre arrêt et mouvement, qui nous incite à embrasser nos propres errances et nos ancrages, à approcher une philosophie du voyage par étapes, à naviguer en suivant les aléas des chemins et des rencontres, à emprunter des routes aussi bien physiques qu'imaginaires.
Au temps de la voile, le métier de marin est le plus complexe de tous, celui pour lequel l'erreur pardonne le moins. Aussi le jour où l'on franchit pour la première fois l'échelle de coupée est-il déterminant. C'est bien plus qu'un milieu naturel qu'il s'agit de dominer désormais : une langue qui est celle de la navigation, une manière de voir et de réfléchir, un rythme de travail et de veille, l'étroitesse encombrée du bord sous l'immensité du ciel et des flots, la violence des hommes en plus de celle des éléments. Tout le monde n'y résiste pas, mais l'attraction de la mer demeure.
L'historien Olivier Chaline nous raconte comment, dans la France des XVII et XVIII siècles qui se lance plus que jamais sur les océans, tant d'enfants et de très jeunes hommes ont appris la mer.
Les femmes font aujourd'hui du bruit ? C'est en regard du silence dans lequel les a tenues la société pendant des siècles. Silence des exploits guerriers ou techniques, silence des livres et des images, silence surtout du récit historique qu'interroge justement l'historienne. Car derrière les murs des couvents ou des maisons bourgeoises, dans l'intimité de leurs journaux ou dans leurs confidences distraites, dans les murmures de l'atelier ou du marché, dans les interstices d'un espace public peu à peu investi, les femmes ont agi, vécu, souffert et travaillé à changer leurs destinées.
Qui mieux que Michelle Perrot pouvait nous le montrer ? Historienne des grèves ouvrières, du monde du travail et des prisons, Michelle Perrot s'est attachée très tôt à l'histoire des femmes. Elle les a suivies au long du XIXe et du XXe siècles, traquant les silences de l'histoire et les moments où ils se dissipaient. Ce sont quelques-unes de ces étapes que nous restitue ce livre.
Oublions les westerns. Entre le XVI et le XIX siècle, l'Amérique du Nord a été sillonnée par des aventuriers de langue française. Coureurs de bois, trappeurs, interprètes, ces hommes, en quête de fourrures, se sont constamment mêlés aux Amérindiens.
En partant sur la piste de dix voyageurs, originaires de la France ou du Canada, Gilles Havard fait surgir des scènes saisissantes : adoption d'un jeune Français par des Iroquois, pirogues chargées de peaux de castor descendant la rivière Missouri, retrouvailles lors des grandes haltes de caravanes dans les Rocheuses... À travers ces destins hors du commun se dessine une autre histoire de la colonisation européenne, occultée par le récit américain de la conquête de l'Ouest : une histoire d'échanges et de métissages, dont les têtes d'affiche sont des Français et des Amérindiens.
S'appuyant sur des récits de voyage, des archives et des témoignages de descendants, enrichi de cartes et d'images inédites, cet ouvrage donne vie à un monde jusqu'ici invisible.
À partir de 1750, on a peu à peu cessé, en Occident, de tolérer la proximité de l'excrément ou de l'ordure, et d'apprécier les lourdes senteurs du musc.Une sensibilité nouvelle est apparue, qui a poussé les élites, affolées par les miasmes urbains, à chercher une atmosphère plus pure dans les parcs et sur les flancs des montagnes. C'est le début d'une fascinante entreprise de désodorisation : le bourgeois du XIXe siècle fuit le contact du pauvre, puant comme la mort, comme le péché, et entreprend de purifier l'haleine de sa demeure ; imposant leur délicatesse, les odeurs végétales donnent naissance à un nouvel érotisme. Le terme de cette entreprise, c'est le silence olfactif de notre environnement actuel.Chef-d'oeuvre de l'histoire des sensibilités, Le Miasme et la Jonquille a été traduit dans une dizaine de langues.
L'univers est gouverné par une loi générale de la putréfaction. Dieu, les anges et toutes les créatures naissent du chaos, comme les vers apparaissent à la surface du fromage. Nous sommes des dieux, et tout est Dieu : le ciel, la terre, l'air, la mer, les abîmes et l'enfer...
Tel est le credo qu'un certain Menocchio, meunier du Frioul dans l'Italie du XVIe siècle, eut à défendre devant le Saint-Office avant de périr sur le bûcher. Lecteur infatigable, exégète à ses heures, hérétique malgré lui, il s'était constitué une bibliothèque au hasard des rencontres, hors de toute discipline culturelle, prélevant librement dans les textes, élaborant sa propre vision du monde.
Avec cette étude magistrale, devenue un classique de l'historiographie, Carlo Ginzburg inventait la micro-histoire et renouvelait la connaissance d'un monde resté longtemps mystérieux, celui de la culture populaire.
En 1497, l'Angleterre découvre l'Amérique : l'explorateur John Cabot, à la solde du roi Henry VII, aperçoit les rives de Terre-Neuve. C'est le début d'une aventure de près de trois siècles, au terme de laquelle naîtront les États-Unis d'Amérique. Comment s'est déroulée la conquête de ce territoire, arraché aux populations amérindiennes et aux concurrents espagnols, hollandais et français ? Comment aventuriers en quête de fortune, laissés pour compte de la vieille Europe, esclaves africains, marchands audacieux, se sont-ils mêlés pour bâtir de nouvelles sociétés ? Et par quelles voies ces colonies extrêmement diverses se sont-elles retrouvées ensemble sur le chemin de l'indépendance ? Dans cette grande fresque, qui fait pour la première fois la somme de toutes les connaissances sur l'Amérique anglaise, Bertrand Van Ruymbeke souligne les ruses de l'histoire : fondées sans politique prédéfinie, les colonies anglaises sont une construction du hasard. Rien ne laissait présager qu'elles deviendraient un ensemble impérial - encore moins une nation...
La Révolution a mauvaise réputation. On reconnaît la belle universalité de ses principes, mais on honnit les violences qui en ont ponctué le cours, conspuées sous le nom de Terreur. Ces représentations occultent tout à la fois les difficultés de l'entreprise et les énormes espérances que suscita l'événement. L'historienne Annie Jourdan nous invite à reconsidérer ce moment fondateur de notre modernité. Au fil des pages, elle en fait revivre les temps forts dans une approche sensible aux aléas qu'ont dû affronter les protagonistes. Elle déroule les faits grâce à un important corpus d'archives, constitué d'actes, de lettres, de courriers, de mémoires, où la Révolution se joue au gré des passions françaises. On mesure alors la force du ressentiment qui plonge le pays dans une longue guerre civile, que seule l'armée parviendra à apaiser. C'est que deux légitimités sont aux prises : celle de la monarchie, ancrée dans l'Histoire ; et celle de la nation, fondée sur le suffrage populaire.
L'événement eut une portée internationale, on le sait. Nombre de soulèvements s'ensuivent, qui rebattent les cartes : en Amérique, en Irlande, aux Pays-Bas, en Suisse. Mais l'on a souvent tu les discordes civiles qui accompagnèrent ces changements, là-bas comme ici. En restituant l'histoire dans sa globalité, avec ses aspérités et ses mémoires troubles, Annie Jourdan réalise une grande fresque de la Révolution, entre vérité et légendes.
Ancienneté, baiser, incognito, petit couvert, grand coucher, lit de la reine... L'Étiquette à la cour de Versailles servait un double objectif : organiser les relations entre les personnes et récompenser ou distinguer les courtisans par des faveurs particulières. Mais dans les faits, ce fut une autre aventure et l'Étiquette divisait plus qu'elle ne fédérait... Non sans humour, Daria Galateria relate dans un inventaire à la Prévert les situations rocambolesques que les mémorialistes, à l'instar d'un Saint-Simon, nous ont rapportées avec force détails. Les déconvenues, les querelles de préséance, passe-droits et autres jalousies témoignent d'une maîtrise grandiose (et souvent savoureuse) de l'art de gouverner au temps du Roi-Soleil.
Trop souvent, l'histoire de France fait fi de la mer. Elle est ici au coeur du nouveau livre d'Olivier Chaline. Les éléments, nous rappelle-t-il, ignorent les luttes entre nations et, dans leur sauvage impartialité, se prêtent aux calculs des hommes ou s'acharnent à les ruiner. C'est en fonction des vents et des courants, comme de la météo marine et des marées, qu'il faut considérer cette France des Bourbons : depuis le large, ses rives européennes et ses nombreux prolongements outre-mer. Que permet la mer ? Que refuse-t-elle ? Quelles routes la parcourent devant les rives françaises ou à partir d'elles ? Quels navires et quels équipages s'y aventurent ? Comment pénètre-t-elle le royaume terrien ? Dans ce livre inédit, constitué de toute la richesse de notre histoire maritime, revivent les obscurs et les sans-grade qui ont fait les équipages de la pêche, du commerce et de la guerre ; leurs conditions de vie, leurs voyages, leurs formations nous sont mieux connus en même temps que l'impressionnante complexité de leurs navires. C'est le quotidien passionnant des « petites mains » indispensables à la manoeuvre des vaisseaux - ces premiers géants de la mer - ou de la moindre gabare. Ainsi au fil des pages surgit une réalité, celle de Français vassaux de Neptune qui, dans des conditions souvent difficiles, n'ont jamais tourné le dos à la mer mais en ont accompagné les caprices, pressenti les désirs. Une tyrannie, certes, mais si douce pour ses inconditionnels...
Plusieurs France l'une contre l'autre, un pays en pleine implosion, un pouvoir sans légitimité... Dans le registre des grandes passions françaises, la Fronde (1648-1652) occupe une place clé. Alors que Louis XIV n'est encore qu'un enfant, sa mère Anne d'Autriche règne avec le cardinal Mazarin, un Premier ministre trop puissant aux yeux de l'opinion outrée par la pression fiscale et les dépenses continuelles pour financer les guerres. Une situation explosive qui met le feu aux poudres dans la France entière. La colère soulève les Parisiens mais aussi les princes de sang et les parlements en région... Qui sont ces frondeurs qui voulaient changer la France ? Jean-Marie Constant reprend le fil des événements à la recherche des esprits pensants de ce moment de l'histoire française. La Rochefoucauld, le prince de Condé, les grandes princesses, les juges, tous entendent agir pour le bien public. Les idées fusent. Inspirés par une intense volonté d'action, les Frondeurs prennent les armes contre le pouvoir. Quel fut le sens de cet engagement ?, interroge l'historien. Son enquête le mène sur des chemins de traverse où la littérature vient guider le pas des insurgés. Nourris d'aventures livresques, ils vivent la Fronde comme un roman ou une tragédie de Corneille, tout en jouant avec la mort sous les regards terrifiés de l'enfant roi. À la fin, la France ne sera pas réformée mais plus rien ne sera comme avant.