Succédant à la « tyrannie » du Moyen Âge et précédant un XVIIe siècle de régression, le XVIe siècle fait figure de véritable balise pour l'historiographie française, faisant naître de nouvelles façons de penser et d'écrire l'histoire.
Pour l'expliquer, Denis Crouzet montre que la Renaissance fut, dans la gestation de l'écriture de l'historien Jules Michelet qui, le premier, lui donna ses lettres de noblesse, un vecteur d'une « modernité » promouvant des idées de liberté et de fraternité face aux atrocités et aux violences confessionnelles. C'est-à-dire que le XVIe siècle, cette époque où les hommes, n'acceptant plus leur monde, ont entrepris de le refonder, et où est apparu un héros constitutif d'une mythologie républicaine, le peuple, eut pour Michelet un sens moral et politique qui le dépassait.
Face à l'échec de la Révolution et des révolutions du XIXe siècle dont il est le contemporain, la Renaissance devient un bouclier opposé au pessimisme d'une humanité en perte d'héroïsme, qui permet non seulement à Michelet de conjurer par son écriture une part d'obscurité qui l'habiterait - la mort de son frère qui aurait ferait de lui un enfant de remplacement -, mais aussi d'affirmer que, malgré les peurs qui hantent le passé des hommes, les forces de vie et de liberté demeurent latentes et prêtes à être réactivées. Dès lors, l'historien peut écrire qu'un avenir positif attend les hommes et l'histoire devient une pédagogie éthique de l'espérance.
Ce livre présente les processus de racialisation qui ont ponctué la transformation de l'Europe et de ses colonies de la fin du Moyen Âge à l'âge des révolutions. Cette histoire éclaire l'évolution des sociétés, des institutions, des cultures et des théories. Elle décrit la volonté de catégoriser les individus et les groupes, de les enclore dans des identités présentées comme intangibles, de discriminer les collectifs dominés, voire d'organiser l'oppression à grand échelle contre des populations définies par leur race. La racialisation procède par naturalisation des rapports sociaux et des caractères physiques et moraux qui se transmettent de génération en génération, à travers la procréation. Elle repose sur une contradiction : le racisme affirme que les gens sont prisonniers de leur race et s'emploie néanmoins à gérer la transformation des races. Quatre coups de projecteur permettent de rendre compte de cette histoire : la noblesse de naissance face à l'anoblissement, la nature juive ou musulmane qui persiste dans le sang des convertis, l'origine ineffaçable des métis dans l'Amérique coloniale, la déshumanisation des Africains par la traite esclavagiste. Ces phénomènes sont les expériences séculaires sur lesquelles les auteurs des Lumières se sont fondés pour classer l'humanité en races. Ils hiérarchisent les groupes humains mais proclament aussi l'universalité des droits de l'homme. Le siècle des philosophes peut alors se lire comme le fruit d'une histoire passée, autant que comme le fondement d'une histoire inachevée, la nôtre.
Entre 1391 et 1425, trois femmes sont décapitées sur ordre de leurs maris. Épouses de trois des plus grands seigneurs de l'Italie de la Renaissance - Mantoue, Milan, Ferrare -, Agnese Visconti, Beatrice de Tende et Parisina Malatesta sont exécutées pour cause d'adultère. Pourtant, aucune femme infidèle ne subissait alors un tel châtiment et, autre étrangeté, loin de dissimuler ces mises à mort, les trois seigneurs les rendent au contraire publiques. Il y a là une énigme historique qu'Élisabeth Crouzet-Pavan et Jean-Claude Maire Vigueur entendent bien élucider. Ces trois femmes ont certes trahi les liens du mariage, mais elles sont surtout coupables d'avoir tenté de prendre une part active aux grandes innovations politiques et culturelles de leur temps. Elles sont châtiées pour avoir voulu transgresser le statut traditionnellement effacé de « l'épouse du seigneur. En les faisant périr, leurs maris réaffirment symboliquement leur pouvoir de princes.Cette enquête passionnante sur les moeurs, les pratiques culturelles et l'autorité des seigneuries florissantes de la Renaissance italienne est aussi une contribution importante à l'histoire des femmes. C'est l'Italie de la première Renaissance, l'Italie des violences des hommes, mais aussi de l'humanisme naissant et de la passion pour les arts, qui est au coeur de ces trois tragédies féminines.
Secrétaire, secrétariat : une figure aujourd'hui omniprésente, une présence qui va de soi. Il fut un temps où le secrétaire était un domestique, un intime, gardien des secrets et des affaires privées de son maître.L'enquête de Nicolas Schapira met en lumière l'apparition de ce couple, où l'un décide tandis que l'autre conseille, écrit, et tient mémoire. C'est entre Renaissance et âge des Lumières, au moment où le papier devient le support de toute décision, que paraît ce personnage nouveau, pouvant être simple scribe comme conseiller des princes, reconnu pour son expertise. Quelle que soit sa condition, le secrétaire est une silhouette de l'ombre : des traités sont écrits pour louer son action et ses compétences, mais les contemporains dénoncent son influence excessive et son ubiquité.Associant les méthodes de l'histoire et des sciences sociales, ce livre raconte l'ascension d'un groupe qui ne s'identifiait ni à un métier ni à un statut, mais dont le pouvoir s'accrut à mesure que l'État se construisait sous l'Ancien Régime et qu'il pénétrait progressivement toutes les strates de l'administration, jusqu'à nos jours.
Agrégé et docteur en histoire, Nicolas Schapira est professeur d'histoire moderne à l'Université Paris Ouest Nanterre. Il est l'auteur, notamment, de Un professionnel des lettres au XVIIe siècle. Valentin Conrart : une histoire sociale, Champ Vallon, 2003 ; et (en collaboration) de Histoire Littérature Témoignage. Écrire les malheurs du temps, Gallimard, 2009.
Le Moyen âge chrétien, ennemi de l'argent, n'a pas connu de pensée économique, car celle-ci ne pouvait émerger que dans le monde sécularisé que permit la Réforme. Et si cette conviction si largement diffusée était fausse ? Et si les processus économiques avaient été au coeur de la pensée médiévale ? Parcourant, à l'écoute des moines, évêques, frères mendiants et universitaires, les voies de la pensée européenne entre Antiquité et époque moderne, Giacomo Todeschini fait émerger un monde intellectuel passionné par les problèmes spirituels, moraux et politiques que posent la circulation de la richesse, sa création, sa distribution, son usage, son contrôle. L'économie chrétienne qu'il fait apparaître, avec ses controverses et ses voies de consensus, engage la vie tout entière de la communauté des fidèles, et participe des dynamiques d'exclusion (des juifs, des hérétiques, des pauvres) qui donneront à la société européenne sa force propre, sa capacité à la solidarité et sa brutalité. Cet ouvrage révèle les liens étroits qui unirent, dans les sociétés médiévales, religion et économie, richesse matérielle et spiritualité. Ce faisant, il s'adresse à tous ceux qui veulent comprendre aujourd'hui pourquoi et comment est née une « science » économique.
Au XVe siècle, au temps du roi René, le comté de Provence, plus tolérant que les terres de France ou du Languedoc, abrite une communauté juive essentiellement urbaine qui participe activement à la vie économique, dans l'artisanat, le négoce, le prêt et la médecine. Mais déjà des menaces planent sur cette communauté séculaire : aux quelques conversions forcées succède bientôt un mouvement de conversions lent et régulier qui s'accélère lors des mesures de bannissement prononcées contre les juifs en 1500-1501.
« Il y a peu d'années, je cherchais partout des âmes républicaines ; je me désespérais de n'être pas né Grec ou Romain », écrivait Camille Desmoulins.
C'est en effet vers les Anciens que se tournent avidement les révolutionnaires quand ils veulent fonder la Liberté et l'Égalité pour devenir des citoyens fraternels et non plus des sujets du roi.
Le modèle de la cité antique, qui était au coeur de la réflexion des Lumières, surgit de toutes parts. Les exemples fleurissent pour justifier ou dénoncer les événements contemporains. Le vote censitaire ? Rome l'a connu. Un système éducatif ? Sparte l'a appliqué. La France assiégée par ses ennemis ? Ce sont les Grecs face aux Barbares : c'est Rome face à Carthage.
Lecteurs de Plutarque et de Cicéron sur les bancs du collège, les orateurs s'identifient spontanément aux figures de l'histoire ancienne. Après la chute de la royauté, Brutus, héros républicain, inspire plus que tout autre.
Présente dans l'art, fleuron de l'allégorie, cette « antico-manie » gagne les classes populaires. On baptise ses enfants Cornélie, César ou Gracchus. La fête révolutionnaire mime la fête antique, jusque dans ses manifestations villageoises.
En redécouvrant la controverse, les révolutionnaires ont renoué avec l'essence même de la politique inventée par les Anciens. Qui mieux que Claude Mossé, spécialiste d'histoire grecque pouvait décrire les multiples sentiers par lesquels l'imaginaire antique a sillonné la Révolution française ?
Agrégée d'histoire, docteur ès lettres, Claude Mossé est professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-VIII. Elle a publié de nombreux ouvrages dont La Femme dans la Grèce antique aux éditions Albin Michel.
Quel roman, la vie des Knigsmark ! Durant un grand sicle, de la guerre de Trente Ans, en 1618, la bataille de Fontenoy, en 1745, ces soldats venus du Nord font le coup de feu sur toutes les scnes de la tragdie europenne. De Riga Athnes, ces tincelants guerriers avancent la torche la main, au service du roi de France ou de l'empereur germanique, du roi de Pologne ou de celui de Sude. Ils pillent Prague, incendient la Flandre, coulent des galres barbaresques et font sauter le Parthnon. Ils courent les femmes dans les boudoirs de la Rgence, les bals de Venise, les chteaux de Hanovre ou les chambres ombreuses du Kremlin. leur tonitruante panoplie de soldat, les Knigsmark ajoutent tous les ingrdients des amours folles, dagues et poisons, masques et travestis.
Le dernier guerrier de la ligne, le marchal de Saxe, fils btard d'Aurore de Knigsmark et du roi de Pologne, Auguste le Fort, nat en Allemagne, se bat contre Louis XIV avant de sauver Louis XV, manque de devenir tsar, roi de Madagascar, prince de Courlande ou de Corse, aime des princesses et des chimres, des comdiennes et des paysannes. Ce marchal romantique meurt dans le chteau de Chambord. On ne sait rien de sa mort. Le roman commence...
Journaliste et critique littraire, Gilles Lapouge a dj publi plusieurs ouvrages dont La Bataille de Wagram qui reut en 1986 un accueil enthousiaste de la critique et du grand public.
De nos jours, le vieux mot « bâtard » reste une insulte cuisante, comme pour rappeler ce qu'il y a d'essentiel dans l'appartenance familiale et la filiation. Sujet anthropologique ou sociologique, la bâtardise est aussi objet d'histoire. Confrontant études de cas, réflexions juridiques et représentations littéraires, Sylvie Steinberg montre de façon saisissante qu'elle fut paradoxalement un pivot de l'ordre absolutiste. Mais comment une société fondée sur le mariage chrétien, monogame et indissoluble, fit-elle une place, au sein de l'institution familiale, à des individus dont l'identité témoignait de l'inconduite de leurs géniteurs ?
Les bâtards, qu'ils soient issus de la paysannerie ou de l'aristocratie, furent au centre de débats juridiques et moraux, portant sur les comportements des individus et des groupes, et se trouvèrent à partir de la fin du XVIe siècle au coeur du dispositif de mise en discipline de la société. La loi de 1600, qui exigeait une naissance légitime ou légitimée de tout membre de la noblesse, faisait entrer en conflit règles de filiations et conditions sociales. Elle donna à l'état un droit de regard sur des questions qui relevaient auparavant de l'ordre privé.
Par-delà droit et théologie, cette histoire de la filiation aborde enfin la dimension vécue des liens entre enfants et parents, qui ne se réduisaient pas aux problèmes de nom et de patrimoine. Entre les « sans-familles » et leurs parents, l'amour, l'attachement, les sentiments de possession ou d'exclusion composaient un tableau changeant des normes et des comportements. Sommes-nous étrangers à cette histoire ?
13 mai 1588, un roi traqué par l'émeute s'enfuit de Paris pour n'y plus revenir. 22 mars 1594, un autre roi se glisse furtivement dans la capitale qui le repousse depuis six ans. Que cache ce vide historique entre le dernier des Valois et le premier des Bourbons ? Pourquoi tant de haine contre Henri III ? Pourquoi cette résistance désespérée à Henri IV ? Une réponse : la révolution.Révolution insolite, prêchée par des chefs religieux fanatiques et démocrates qui, une main sur l'Évangile, l'autre sur le mousquet, mettront le pays à feu et à sang pour défendre une double cause : la foi catholique, la souveraineté du peuple. Révolution née de l'exaspération de la passion religieuse, mais aussi du refus d'un pouvoir politique sans contrôle et de la prise de conscience des injustices sociales. Révolution populaire, certes, mais voulue et menée par des intellectuels, hommes d'Église et hommes de loi, transfuges de la haute bourgeoisie et étudiants contestataires.On est très loin des clichés si souvent plaqués sur ce « temps des troubles » - Henri III le dégénéré, Henri de Guise le héros, Henri IV le libérateur. Le vrai visage du drame est à chercher ailleurs, dans les rues et les églises, à la Sorbonne et à l'Hôtel de Ville, chez tous ceux qui en furent les témoins et parfois les victimes. Six ans de violence, de complots et d'assassinats, des foules en délire, des dizaines de milliers de morts : avec deux cents ans d'avance, Paris s'offre sa première grande fête révolutionnaire.Arlette Lebigre, née en 1929, docteur en droit, licenciée ès lettres, agrégée des Facultés de Droit, est professeur à l'Université de Paris XI. Spécialisée en histoire du Droit et des Institutions pour la période moderne (XVIe-XVIIIe s.), elle a notamment publié un Manuel d'Histoire du Droit Pénal (en collaboration avec André Laingui, 1979) et « Les Grands Jours d'Auvergne, désordres et répression au XVIIe siècle », 1976.
L'Angleterre a longtemps nourri bien des mythes : pays d'élection de la Révolution industrielle, terre de la libre entreprise, elle était le creuset de la modernité, la clef d'un discours historique tendu vers la marche du progrès, du machinisme, de la liberté économique et le modèle cité en référence.
Pour mettre ce discours à l'épreuve des faits, Liliane Hilaire-Pérez analyse les monopoles d'invention, les récompenses et les encouragements accordés aux inventeurs en France et en Angleterre au XVIIIe siècle. Elle s'intéresse à la figure de l'inventeur au siècle des Lumières et propose une relecture de la rencontre des sciences et des techniques, dans le monde des savoirs traditionnels comme dans celui de l'économie. Comment, dans l'univers de la stabilité, de la défense des normes acquises, l'invention technique est-elle fondamentalement possible ? Comment les artisans concilient-ils leur appartenance à un corps de métier et leur soif de distinction ? Pourquoi se construit, en France, un discours revendicatif fondé sur le droit naturel, alors qu'il ne se manifeste pas en Angleterre ?
L'histoire des techniques ne peut se limiter à une succession glorieuse d'inventions et de pionniers ; ce sont aussi les essais répétés, les perfectionnements, les erreurs et les oublis qui donnent leur sens aux inventions. En analysant les stratégies des entrepreneurs et les politiques de l'invention, Liliane Hilaire-Pérez décrit les cheminements à partir desquels s'élabore l'invention alors que s'affirme la sacralisation des inventeurs.
Lorsque les paysans vendéens saisissent fourches, haches et faux à l'annonce de la levée des 300 000 hommes, lorsqu'ils s'emparent de Machecoul, Saint-Florent et Cholet, Barère s'écrie : « La Vendée est mille fois plus à craindre que toutes les puissances européennes ». La République, menacée par la coalition des forces étrangères, secouée par les révoltes dans toutes les provinces, a trouvé son bouc émissaire. La Convention institue la Terreur comme instrument de régénération publique.
Vendéens et républicains se livrent alors une lutte à mort au nom de deux conceptions fanatiques de la liberté : l'une abstraite, héritée des philosophes - « Il n'y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté » déclare Saint-Just -, l'autre populaire, préromantique, communale et religieuse.
Le 17 octobre 1793, lendemain de l'exécution de la reine, Kléber et Marceau écrasent l'armée vendéenne à Cholet. La population en fuite ne pourra échapper aux massacres sans limites de la répression.
Le monde moderne commence en 1793 par un bain de sang et un flot de paroles vaines. Certains de détenir la vérité, les révolutionnaires ont imposé une perversion qui aura une postérité désastreuse : la dictature de la liberté. Michel Ragon, depuis plus de quinze ans, rassemble pièces d'archives, notes et réflexions sur l'insurrection vendéenne. Il a écrit, dans ce grand livre vendéen, le récit poignant de ce cruel moment de notre histoire.
Au matin du 24 août 1665, dans le Paris du début du règne de Louis XIV, le lieutenant criminel Tardieu, un des premiers magistrats de la capitale, et sa femme sont assassinés dans leur hôtel de la Cité par deux jeunes à la dérive qui ont vainement essayé de leur extorquer un peu d'argent. L'argent, les époux Tardieu n'en manquent pourtant pas... Riches à millions (en francs-or), ils vivent comme des gueux, avares à rendre jaloux Harpagon en personne. De quoi tenter le diable dans une ville où la violence et l'insécurité sévissent en permanence. Pas de police organisée - elle le sera quelques mois plus tard -, une justice dont la rigueur ne parvient pas à masquer l'impuissance, l'argent-roi pour les uns, la misère noire pour les autres, il n'en fallait pas plus pour ajouter une page particulièrement spectaculaire à l'histoire criminelle du XVIIe siècle.
Des documents d'archives, Ariette Lebigre a fait surgir tout le Paris de l'époque. Centré sur la Cité et le Palais de justice, il déborde de vie et de saleté, danse à la fête et applaudit aux exécutions capitales, craint Dieu et adore l'argent. Un Paris haut en couleur et tout en contrastes, qu'Ariette Lebigre nous convie à revisiter en alliant l'érudition au talent.
Ariette Lebigre est docteur en droit, licenciée ès lettres et agrégée des Facultés de droit. Professeur aux universités de Paris-XI et de Clermont-Ferrand-I, elle s'est spécialisée dans l'histoire du droit pénal et des institutions judiciaires du XVIe au XVIIIe siècle. Elle a notamment publié un Manuel d'Histoire du Droit pénal en collaboration avec André Laingui, Les Grands Jours d'Auvergne, désordres et répression au XVIIe siècle, La Révolution des Curés, La Princesse Palatine, La Justice du Roi et L'Affaire des Poisons.
Le professeur Ptursson revient en Islande aprs vingt ans d'absence. Le roi Frdrick IV, qui rgne sur le Danemark en cette anne 1702, lui a donn la mission de rtablir la justice dans la grande le neigeuse, mais cette mission est un leurre. En vrit, le docteur Ptursson a reu de son souverain d'autres instructions, plus obscures.
la tte d'une petite troupe de gendarmes et de scribes, l'rudit connat le froid, les nuits lumineuses du bel t, les tnbres de l'hiver, les chevauches dans les pluies, la maladie, l'enthousiasme et le dcouragement. Des tueurs le suivent la trace, comme des loups.
Entre deux randonnes, il fait halte dans le Palais du gouverneur, Bessastadir. L, dans une cour de pacotille et de poudre aux yeux, luxueuse et crpusculaire, il affronte d'autres ennemis. Des dames belles et cruelles, des vieillards lunatiques lui tendent pige sur pige.
Dans cette Islande de rve et d'illusion, sauvage et lunaire, il poursuit sa qute insense, oubli et oublieux de tous.
Si L'Incendie de Copenhague a le charme subtil, l'rudition et l'imagination factieuses de La Bataille de Wagram et des Folies Knigsmark, s'y mlent ici les sductions d'une terre envotante et mythique, baroque et trange, o s'enlisent les vrits comme les secrets.
De tous les praticiens de l'écrit, l'écrivain public est sans doute l'une des figures les plus méconnues. En mettant son savoir au service du peuple majoritairement illettré, il jouait un rôle clé dans la vie sociale de l'époque. Au coeur des relations privées, professionnelles, commerciales ou criminelles, il était à la fois témoin et acteur de sont temps et tenait tour à tour les rôles de confident, conseiller, avocat, faussaire ou maître-chanteur...
Christine Métayer dépeint la vie de cette profession dans le Paris du XVIe au XVIIIé siècle, en concentrant son étude sur le quartier du charnier des Saint-Innocents. Bien plus qu'un simple cimetière, cet endroit était alors le lieu d'une vie populaire foisonnante. Au centre des quartiers laborieux de Paris, la nécropole se définissait comme l'une des places marchandes et résidentielles les plus animées de la capitale. En s'intéressant à l'univers de l'écrivain des charniers, cet ouvrage traite aussi bien des multiples vocations de l'enceinte sacrée, du sens de la vie des charniers, des modalités d'intégration sociale que de l'appropriation de l'espace. Parallèlement, l'analyse sociologique du cimetière met en lumière le rôle des écrivains publics, leurs activités et leur position dans la société.
A l'échelle du microcosme des Saints-Innocents, sans négliger la moindre source - judiciaire, ecclésiastique -, et en s'appuyant sur des descriptions historiques et littéraires du vieux Paris, des récits de voyage, ou sur la littérature burlesque et pamphlétaire, Christine Métayer nous livre une reconstitution savante et fouillée de la société de l'Ancien Régime en même temps qu'une histoire des pratiques et des conflits liés au contrôle de l'écriture à l'époque moderne.
Historienne, Christine Métayer est vice-doyenne de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l'Université de Sherbrooke (Canada).
Avant d'être érigé par les historiens d'art comme le chef-d'oeuvre du génie classique français, puis de devenir, pour le tourisme international, une attraction incontournable, Versailles fut d'abord un instrument de gouvernement : défi jeté par Louis XIV à la face des puissances qui jusqu'alors menaient le jeu européen, en même temps que manifeste du régime qu'il achevait de mettre en place, la monarchie absolue.
C'est à cette lecture politique que procède Gérard Sabatier, professeur d'histoire moderne à l'université Pierre Mendès France de Grenoble, en analysant les ensembles signifiants de la création louis-quatorzienne (jardins, grands appartements, escalier des Ambassadeurs, galerie des Glaces...).
Situant l'entreprise dans un contexte chronologique et spatial élargi - la représentation du Prince dans l'Europe baroque -, la problématique associe l'analyse iconographique et l'utilisation des textes normatifs des contemporains. On découvre alors quel fut le véritable projet versaillais : abandonnant une mythologie apollinienne trop partagée, il consistait à représenter l'histoire de Louis le Grand pour tracer la figure du Roi parfait. Versailles ou l'imaginaire de l'absolutisme.
Les contemporains usèrent-ils de cette imagerie conformément aux attentes du pouvoir ? Les manières de montrer les programmes iconographiques comme les jardins traduisent un dysfonctionnement qui, d'emblée, s'imposa. Plus fondamentalement, l'entreprise versaillaise venait trop tard, alors que commençait, avec le déclin des images symboliques, le désenchantement du monde.
Aboutissement d'un discours figuratif triséculaire, Versailles en constitue le point d'orgue, mais aussi l'épuisement.
On la surnomme la Joyeuse : arrivée de Russie comme esclave, Roxelane fascine par sa beauté et son intelligence. À Istanbul, elle brille et se fait remarquer parmi les 300 femmes du harem de Soliman le Magnifique, fils de Selim le Cruel. Mais, dans cet impitoyable monde d'hommes et de conquérants qu'est la cour ottomane du XVIe siècle, Roxelane va devoir se battre et opposer son ingéniosité à la loi qui l'asservit. À l'image de cet empire qui fit trembler l'Occident, conquit l'Europe et l'Asie, elle va employer toute sa ruse et son charme pour séduire Soliman, accéder au pouvoir et assurer à sa descendance le trône de l'empire...
Sublime fresque de la cour ottomane et d'un empire d'une incomparable puissance, ce roman d'amour et d'aventures nous plonge au coeur de la civilisation musulmane, ses raffinements et ses cruautés. Passionnée par la culture arabe, Isaure de Saint Pierre fait revivre à merveille le destin d'une extraordinaire modernité de Roxelane, cette femme unique qui, par son génie et sa soif de puissance, finit par dominer un monde d'hommes.
Pays neutre depuis un siècle et demi, terre de refuge pour les capitaux, les conférences internationales et les oeuvres humanitaires, plaque tournante fortifiée du tourisme européen, telle apparaît l'image stéréotypée de la Suisse aux yeux d'une immense majorité de Français. À cela, il convient d'ajouter l'oubli, voire le mépris, dans lequel nos historiens ont depuis trop longtemps tenu nos voisins helvétiques. Pourtant, pendant près de quatre siècles, de Louis XI à Charles X, les Cantons ont fourni non loin d'un million de soldats qui contribuèrent pour une part importante à la gloire militaire du royaume de France et du Premier Empire. Les trois quarts tombèrent sur notre sol. Braves, dévoués jusqu'au sacrifice, ils ne furent jamais, contrairement à une fausse légende, des mercenaires, mais des amis, des alliés, des « compères ». Rien ni personne ne parvint à les détourner de cette « formidable fidélité » dont ils ne pouvaient se départir sans se renier eux-mêmes, en vertu de leur serment. Instructeurs de l'infanterie française au camp du Pont de l'Arche en 1480, sous la houlette de Guillaume de Diesbach, ils furent souvent lésés financièrement au cours des siècles ; leurs familles et celles de leurs chefs connurent parfois la misère après avoir engagé leurs propres biens. Ils servirent néanmoins avec le « ventre creux » pour l'honneur de la parole jurée. Les troupes suisses au service de la France, dont nous découvrons enfin l'histoire au fil de ces pages, ont créé les bases d'une solidité dont nos armées furent largement tributaires. Liant indissolublement la force de l'arme et le dévouement de celui qui la sert, la Légion étrangère en maintient l'héritage. Jérôme Bodin est né en 1947. Après des études classiques, il prépare Saint-Cyr. Parachutiste, cavalier, il doit pourtant, malgré lui, renoncer à la carrière des armes. Licencié ès lettres, professeur d'histoire en France et au Moyen-Orient, puis traducteur, il se consacre désormais à la réalisation d'ouvrages d'histoire militaire, collabore à plusieurs revues spécialisées dans les problèmes de défense, et est actuellement en fonction au Service historique de l'Armée de terre.
1775, Paris est en colère. Mme Montjean, femme d'artisan, aussi : les heures passées à coudre, à s'occuper de son foyer, des enfants... Elle veut vivre comme les aristocrates, être belle et désirable, connaître l'ivresse des sens.
Mme Montjean vient de découvrir certains plaisirs libertins : pinceries, fouet et culottes déboutonnées... d'où son effervescence. Pendant deux ans, elle va faire tourner les têtes et va conduire son mari au bord de la ruine. C'est lui qui a tenu le journal sans équivalent de cette crise de conscience, prélude à la Révolution.
Ce récit tragi-comique aurait pu inspirer une comédie de Marivaux. Mais, en nous plongeant dans l'intimité d'une héroïne singulière dont la révolte est toujours d'actualité, Arlette Farge, récompensée par le prestigieux prix international Dan David en 2016 pour l'ensemble de son oeuvre, nous donne un passionnant livre d'histoire, dans la lignée de ceux qui ont fait sa réputation (Le Gout de l'archive, Dire et mal dire ; Le Désordre des familles...).
Je me passionne depuis longtemps pour les mal aims du sicle des Lumires : Le Rgent, Fouch, Talleyrand et bien d'autres.
Peut-tre cause de leur pragmatisme ou, comme on voudra, de leur opportunisme. Car ils assurent ce lien fragile entre, libertinage et Terreur, monarchie et raison, Rvolution et Empire, qui est de nature aiguiser ma curiosit !
Ce fil, invisible repose sur une galerie d'extravagants personnages : un monstre sacr, Louis XIV ; un Roi malgr lui domin par ses favorites, Louis XV; un homme droit et bon, mais sans caractre, Louis XVI.
Comme toujours se rvleront dans l'poque ceux qui savent sous tous les rgimes servir et se servir, ceux aussi qui, trop obissants, finiront par prir comme les Girondins.
Enfin, ce sicle cra la femme pour en faire l'avenir de l'homme. Cette priode consacra, travers les salons et les ministres, le rle croissant des femmes dans la vie politique.
De Thrsa Cabarrus Josphine de Beauharnais, que de comdiennes doues pour le pouvoir ! De Marie Antoinette Mme Roland, que de tragdiennes hrones de l'Histoire ou sacrifies sur l'autel de la Raison !
Suivons les dsirs, les illusions, les prjugs, les querelles, les errements de tous ceux et celles qui ont fait la Rvolution sans le savoir, au fil de ce rcit, qui peut parfois faire cho avec l'actualit.
Jean-Pierre Jouyet