Que la fin de l'art et celle de la philosophie s'entrelacent, la civilisation récente semble en donner l'image. Et pourtant, à creuser le 20e siècle dans sa singularité passionnante autant qu'effrayante, on apprend à reconfigurer les questions de l'oeuvre artistique et de la vérité discursive sous l'égide du problème clef qu'est le langage. Les présocratiques et la musique depuis Nietzsche ; la triade des nouveaux-venus au 18e siècle : esthétique, criticisme transcendantal et philosophie du langage ; les sciences humaines modernes face à l'art et le mythe ; enfin, les rapports entre l'espace poético-musical et l'architecture autour de l'oeuvre d'art dite totale, étrangement ressuscitée parmi nous : le projet de réunir ces thèmes permet d'accéder aux racines d'une Europe plus importante que celle des technocrates.
Quand il s'agit de rendre compte, par-delà les calculs intéressés de l'homo oeconomicus, de la manière dont tiennent les sociétés humaines, donner et reconnaître apparaissent comme deux dimensions constitutives de l'agir social. Mais du don et de la reconnaissance, il convient aussi, avant d'en appeler à leur syncrétisme, d'en interroger les proximités et les distances, ainsi que leurs consistances respectives. Par exemple, dira-ton d'un don sans retour ou d'une reconnaissance sans réciprocité qu'ils sont encore dignes de ces noms ? Les activités de don et de reconnaissance se confrontent alors à une tierce dimension qui les taraude de l'intérieur : la domination. Cet ouvrage propose d'examiner plus précisément la façon dont se répondent et s'entremêlent les trois modèles du don, de la reconnaissance et de la domination, sur des enjeux contemporains situés au croisement de plusieurs horizons théoriques (la théorie critique, l'anthropologie, la phénoménologie sociale, la psychanalyse).
La morale s'est presque toujours référée à l'idée d'obligation, de sanction et de modèle. Penseur critique de l'évolution, Guyau propose de repenser la morale à l'aune de l'exigence vitale, et estime que, bien comprise, la puissance anomique de la vie engendre une diversité des formes de l'obligation. Croisant et éprouvant les traditions morales plusieurs fois millénaires, l'auteur de l'Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction tente de montrer qu'une morale est encore possible à l'heure de la « mort de Dieu » et de la sélection naturelle. Mais il faut pour cela reconsidérer l'évolutionnisme et l'élargir pour inclure ce qu'il semblait d'abord nier : la fécondité. Récusant tout réductionnisme, Guyau est le précurseur d'une complexité éthique que notre époque redécouvre, et ambitionne une éducation destinée à cultiver harmonieusement toutes les formes de la fécondité. L'éthique de l'avenir, s'il en est, sera résolument plurielle et sans modèle.
Corps-esprit ou corps-machine, corps biologique ou corps social, autant d'objets aux contours flous. Le corps est de fait sujet de réflexions philosophique, scientifique ou religieuse depuis l'Antiquité, dont la question centrale reste : quelles sont les limites du corps ? Cet ouvrage collectif a pour objectif d'apporter une contribution multidisciplinaire sur le savoir du corps : ses facultés et son étendue, ses modèles et représentations. À travers des textes rédigés par des chercheurs, praticiens, philosophes, sont abordées de manière critique les questions relatives aux relations émergentes entre corps et esprit, à la possibilité de l'intelligence artificielle, à la portée des fabrication, augmentation ou réparation du corps, et aux constructions sociales des images du corps et leurs utilisations. Il apparaît que le corps est, peut-être, sans limites. Les avancées technologiques, scientifiques et médicales permettent et promettent de multiples et toujours plus nombreuses modifications et extensions du corps, tandis que robots et cerveaux artificiels sont de plus en plus sophistiqués et capables. Malgré l'avancée de nos connaissances, il n'apparaît pas de délimitation nette entre corps et esprit, conscience et pensée. Une frontière semble alors infranchissable : celle de notre capacité à élaborer de toutes pièces un corps pensant par soi, à soi.
En quoi l'horizon est-il un concept central de la phénoménologie husserlienne ? Si elle n'est pas neuve, cette thèse n'a, chez les commentateurs successifs, cependant pas encore reçu de véritable justification. Ce livre veut montrer qu'elle ne la recevra qu'en embrassant simultanément le problème de l'horizon et celui de la phénoménologie husserlienne comme telle. Car comment justifiera-t-on la centralité d'une notion dans une philosophie, sans déterminer le centre d'une telle philosophie - centre à partir duquel seulement on peut fixer de façon motivée l'importance de cette notion ? Et comment apprécier le sens et la fonction de l'horizon dans la phénoménologie de Husserl sans avoir défini le principe de cette dernière ? L'horizon comme problème ne peut donc être déterminé que dans le cadre d'une entreprise phénoménologique dûment définie. En retour, on verra comment l'histoire de ce concept contribue à porter un regard neuf sur l'histoire de la phénoménologie husserlienne elle-même.
En 1844, Charles Darwin avait rédigé un « résumé provisoire » de ses thèses sur l'évolution des espèces, qui n'était pas destiné à la publication. Retrouvé après sa mort ce manuscrit fut édité pour la première fois en Angleterre en 1909 sous le titre The Foundations of the Origin of Species (Cambridge University Press). L'intérêt majeur de cette oeuvre est de nous offrir la première version rédigée des théories de Darwin, fort proche dans son plan et dans son argumentation de L'Origine des Espèces de 1859, mais qui diffère néanmoins de cet ouvrage par de nombreux points. L'Ébauche permet de saisir la théorie de la sélection naturelle en son état primitif, où sont déjà présents tous les éléments de la théorie, mais où l'analogie entre sélection des êtres soumis à la domestication et sélection naturelle, bien plus étroite, présente la théorie comme encore enserrée dans les vues dominantes de son époque sur la perfection des adaptations, le finalisme et la référence constante à un Auteur de la Nature.