Peut-on continuer à faire de la politique comme si de rien n'était, comme si tout n'était pas en train de s'effondrer autour de nous ? Dans ce court texte politique, Bruno Latour propose de nouveaux repères, matérialistes, enfin vraiment matérialistes, à tous ceux qui veulent échapper aux ruines de nos anciens modes de pensée.
Cet essai voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés mais dont ils ne voient pas toujours le lien -; et par conséquent dont ils ne voient pas l'immense énergie politique qu'on pourrait tirer de leur rapprochement.
D'abord la " dérégulation " qui va donner au mot de " globalisation " un sens de plus en plus péjoratif ; ensuite, l'explosion de plus en plus vertigineuse des inégalités ; enfin, l'entreprise systématique pour nier l'existence de la mutation climatique.
L'hypothèse est qu'on ne comprend rien aux positions politiques depuis cinquante ans, si l'on ne donne pas une place centrale à la question du climat et à sa dénégation. Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu'il n'y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. C'est ce qui expliquerait l'explosion des inégalités, l'étendue des dérégulations, la critique de la mondialisation, et, surtout, le désir panique de revenir aux anciennes protections de l'État national.
Pour contrer une telle politique, il va falloir
atterrir quelque part. D'où l'importance de savoir
comment s'orienter. Et donc dessiner quelque chose comme une
carte des positions imposées par ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seulement les
affects de la vie publique mais aussi ses
enjeux.
Sous la forme d'une magistrale enquête philosophique et historique, ce livre propose une histoire inédite : une histoire
environnementale des idées politiques modernes. Il n'ambitionne donc pas de chercher dans ces dernières les germes de la pensée écologique (comme d'autres l'ont fait), mais bien de montrer comment toutes, qu'elles se revendiquent ou non de l'idéal écologiste, sont informées par une certaine conception du rapport à la terre et à l'environnement.
Il se trouve que les principales catégories politiques de la modernité se sont fondées sur l'idée d'une amélioration de la nature, d'une victoire décisive sur ses avarices et d'une illimitation de l'accès aux ressources terrestres. Ainsi la société politique d'individus libres, égaux et prospères voulue par les Modernes s'est-elle pensée, notamment avec l'essor de l'industrie assimilé au progrès, comme affranchie vis-à-vis des pesanteurs du monde.
Or ce pacte entre démocratie et croissance est aujourd'hui remis en question par le changement climatique et le bouleversement des équilibres écologiques. Il nous revient donc de donner un nouvel horizon à l'idéal d'émancipation politique, étant entendu que celui-ci ne peut plus reposer sur les promesses d'extension infinie du capitalisme industriel.
Pour y parvenir, l'écologie doit hériter du socialisme du XIXe siècle la capacité qu'il a eue de réagir au grand choc géo-écologique de l'industrialisation. Mais elle doit redéployer l'impératif de protection de la société dans une nouvelle direction, qui prenne acte de la solidarité des groupes sociaux avec leurs milieux dans un monde transformé par le changement climatique.
Le mythe grec d'Érysichthon nous parle d'un roi qui s'autodévora parce que rien ne pouvait assouvir sa faim - punition divine pour un outrage fait à la nature. Cette anticipation d'une société vouée à une dynamique autodestructrice constitue le point de départ de
La Société autophage. Anselm Jappe y poursuit l'enquête commencée dans ses livres précédents, où il montrait - en relisant les théories de Karl Marx au prisme de la " critique de la valeur " - que la société moderne est entièrement fondée sur le travail abstrait et l'argent, la marchandise et la valeur.
Mais comment les individus vivent-ils la société marchande ? Quel type de subjectivité le capitalisme produit-il ? Pour le comprendre, il faut rouvrir le dialogue avec la tradition psychanalytique, de Freud à Erich Fromm ou Christopher Lasch. Et renoncer à l'idée, forgée par la Raison moderne, que le " sujet " est un individu libre et autonome. En réalité, ce dernier est le fruit de l'intériorisation des contraintes créées par le capitalisme, et aujourd'hui le réceptacle d'une combinaison létale entre narcissisme et fétichisme de la marchandise.
Le sujet fétichiste-narcissique ne tolère plus aucune frustration et conçoit le monde comme un moyen sans fin voué à l'illimitation et la démesure. Cette perte de sens et cette négation des limites débouchent sur ce qu'Anselm Jappe appelle la " pulsion de mort du capitalisme " : un déchaînement de violences extrêmes, de tueries de masse et de meurtres " gratuits " qui précipite le monde des hommes vers sa chute.
Dans ce contexte, les tenants de l'émancipation sociale doivent urgemment dépasser la simple indignation contre les tares du présent - qui est souvent le masque d'une nostalgie pour des stades antérieurs du capitalisme - et prendre acte d'une véritable " mutation anthropologique " ayant tous les atours d'une dynamique régressive.
Aux États-Unis, la recherche militaire s'intéresse de près à un oiseau migrateur, le bruant à gorge blanche. Sa particularité : pouvoir voler plusieurs jours d'affilée sans dormir. Les scientifiques qui l'étudient rêvent de façonner, demain, des soldats insomniaques, mais aussi, après-demain, des travailleurs et des consommateurs sans sommeil.
" Open 24/7 " - 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 -, tel est le mot d'ordre du capitalisme contemporain. C'est l'idéal d'une vie sans pause, active à toute heure du jour et de la nuit, dans une sorte d'état d'insomnie globale.
Si personne ne peut réellement travailler, consommer, jouer, bloguer ou chater en continu 24 heures sur 24, aucun moment de la vie n'est plus désormais exempt de telles sollicitations. Cet état continuel de frénésie connectée érode la trame de la vie quotidienne et, avec elle, les conditions de l'action politique.
Dans cet essai brillant et accessible, Jonathan Crary combine références philosophiques, analyses de films ou d'oeuvres d'art, pour faire un éloge paradoxal du sommeil et du rêve, subversifs dans leurs capacités d'arrachement à un présent englué dans des routines accélérées.
Reprenant l'analyse de Marx sur le fétichisme de la valeur marchande, Anselm Jappe montre à quel point elle reste saillante pour appréhender notre époque, assez proche, en ce qui regarde son rapport à la valeur, des débuts du capitalisme.
Initialement publié en 2003, ce livre présente de manière à la fois précise et tranchante le courant de critique sociale connu sous le nom de " critique de la valeur " et initié en Allemagne par Robert Kurz dans les années 1980. Procédant à une relecture de l'oeuvre de Marx bien différente de celle donnée par la quasi-totalité des marxismes historiques, ce courant propose des conceptions radicalement critiques de la société capitaliste, tout entière régie par la marchandise, l'argent et le travail.
Anselm Jappe insiste notamment sur un aspect aussi central que contesté de la " critique de la valeur " : l'affirmation selon laquelle, depuis plusieurs décennies, le capitalisme est entré dans une crise qui n'est plus cyclique, mais terminale. Si la société fondée sur la marchandise et son fétichisme, sur la valeur créée par le côté abstrait du travail et représentée dans l'argent, touche maintenant à sa limite historique, cela est dû au fait que sa contradiction centrale - qu'elle porte en elle depuis ses origines - est arrivée à un point de non-retour : le remplacement du travail vivant, seule source de la " valeur ", par des outils technologiques de plus en plus sophistiqués.
Troisième volume des
Écrits d'Étienne Balibar, cet ouvrage rassemble des textes rédigés sur plus de trente ans, et pour certains inédits, consacrés à la " cosmopolitique " et à l'alternative aux formes présentes de la mondialisation capitaliste, dans une perspective résolument internationaliste.
La cosmopolitique n'est ni une discipline comme la géopolitique ni une tradition philosophique (comme le cosmopolitisme des Lumières et du romantisme) : elle est un
problème pratique collectif ouvert. Et celui-ci est devenu d'une urgence extrême depuis que la catastrophe climatique, à laquelle s'ajoute maintenant la pandémie, ont fait virtuellement de l'humanité un sujet politique unifié. Mais qui doit devenir aussi un sujet
actif.
Les objets d'une telle réflexion ont surgi pour l'auteur au détour d'événements très différents : les tensions entre l'idée cosmopolitique et la pratique internationaliste ; l'articulation entre les formes de la guerre et le devenir de la forme-nation ; le statut " local " et " mondial " des frontières à la lumière de l'alternative entre guerre et traduction ; enfin, la question du droit d'hospitalité que porte l'errance des réfugiés et des migrants, cette part mobile de l'humanité que la communauté des États traite aujourd'hui non en étrangers, mais en ennemis.
Dans l'épilogue sont tirées quelques leçons du Covid-19 qui élaborent l'idée d'une
politique de l'espèce humaine, en ciblant particulièrement le problème de la santé commune et de l'égalité d'accès aux ressources de protection et de soin.
On assiste depuis la seconde moitié des années 1990 au retour de la critique sociale et politique. Dans la rue, mais pas seulement. La bataille des idées fait rage elle aussi. Développée par des auteurs comme Toni Negri, Slavoj Zizek, Alain Badiou, Judith Butler, Giorgio Agamben, Fredric Jameson, Wang Hui, Moishe Postone, Gayatri Spivak ou Axel Honneth, la pensée radicale est de retour. Quelles sont ces théories qui accompagnent l'émergence des nouvelles luttes sociales ? En quoi se distinguent-elles de celles qui caractérisaient le mouvement ouvrier dans ses formes traditionnelles ? Ce livre rend compte de la diversité de ces nouvelles pensées : théorie queer, marxisme et postmarxisme, théorie postcoloniale, théorie de la reconnaissance, poststructuralisme, néospinozisme, etc. Il montre également l'unité qui sous-tend ces courants, tous produits des défaites subies par les mouvements de contestation des années 1960 et 1970. Cet ouvrage se veut une cartographie intellectuelle, un instrument d'orientation dans le nouveau paysage des pensées critiques, dans une perspective internationale.
Une approche synthétique de l'oeuvre foisonnante, entièrement axée autour de la notion de liberté, de ce penseur de la technique et de l'aliénation, figure profondément originale, atypique et inclassable du XX e siècle.
" Penser globalement, agir localement. " À tort ou à raison, on a fait de Jacques Ellul (1912-1994) l'inventeur de cette formule rassembleuse qui, associée à son combat pour la protection de la nature et à sa critique du technocapitalisme, a contribué à son statut d'icône écologiste. Ce livre expose l'itinéraire singulier de celui qui se définissait comme un " intellectuel actif ". Il résume et met en perspective ses analyses dans six domaines principaux : la technique, l'information-propagande, la politique, la révolution, l'écologie et la théologie, avec la liberté pour toile de fond. Il a pour ambition de donner un panorama complet des principales thèses d'un auteur à l'oeuvre prolifique et dont l'actualité confirme le caractère prophétique.
De
Star Wars à Lady Gaga, de Superman à
Matrix, tubes, blockbusters et best-sellers forment aujourd'hui les facettes d'une culture de masse omniprésente. Un philosophe analyse le phénomène : qu'est-ce que la " pop culture " ? Et que change-t-elle pour nous, son public ? Avant d'être la sensibilité de la jeunesse des années 1960 ou un genre musical, la pop est d'abord une stratégie, un calcul industriel alimenté par une seule obsession : savoir ce que veulent les masses.
La pop culture est un ogre qui ingère tout ce qu'il trouve. Mais cette logique de réappropriation l'ouvre paradoxalement aux déclassés, aux
freaks et aux minorités en tout genre. Ce qui s'y joue est d'abord l'invention de nouvelles identités, de nouvelles communautés. Richard Mèmeteau analyse chansons, films, comics, romans et séries pour répondre à des questions essentielles comme : pourquoi les bluesmen demandent-ils au diable de savoir mieux jouer de la guitare ? Que doivent les blockbusters hollywoodiens aux travaux d'un universitaire spécialiste de mythologie comparée ? Et si Yoda est si malin, pourquoi laisse-t-il Luke Skywalker faire tout le boulot ?
Ce recueil d'articles, publié pour la première fois en 1965 aux Éditions François Maspero, a connu un succès exceptionnel pour un ouvrage théorique : plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires vendus et de très nombreuses traductions. Comme le note Étienne Balibar dans son avant-propos de 1996 : " Dans ce livre s'est engagée l'une des tentatives les plus originales, les plus éloquentes, les plus argumentées aussi [...] pour donner corps et figure théorique au marxisme. "Depuis les années 1960, les études marxistes n'ont pu ignorer cette approche qui établissait une " coupure épistémologique " dans l'oeuvre marxienne, séparant les textes idéologiques du jeune Marx de ceux plus scientifiques du Marx de la maturité. Elle offrait aussi une autre évaluation de l'apport de Hegel à Marx et n'hésitait pas à s'inspirer des réflexions philosophiques de Mao Zedong pour nourrir sa propre philosophie. Rares sont les livres ayant suscité autant de passions théoriques et provoqué autant de débats.
Le monde est devenu complexe. Ce constat, mille fois énoncé sur le ton de l'évidence, est à ce point partagé que plus personne ne le questionne. Mais en quoi les arbres, les villes, les écosystèmes comme l'ensemble des êtres et des choses qui nous entourent, y compris nous-mêmes, se seraient transformés sous la figure de la complexité ? Pour les auteurs, cette complexité ne relève ni d'un récit ni d'une théorie, mais d'une transformation concrète de nos territoires. Plus qu'une grille de lecture, le devenir complexe du monde désigne de profonds changements matériels dans l'étoffe même de la réalité. Comment se manifeste ce caractère matériel ? Quels défis lance-t-il à l'agir ? Alors qu'émergent partout de nouvelles formes de résistance face la destruction du vivant, c'est à ces questions qu'entend répondre ce livre, pour battre en brèche le sentiment d'impuissance qui menace à tout moment de nous rattraper.
Plutôt que d'appeler au retour de la figure de l'agir cartésien qui se prétend maître et possesseur de la nature, les auteurs proposent de revisiter la phénoménologie en déplaçant le rôle central qu'elle accorde à la conscience vers les corps. Un pas de côté qui se veut également une proposition pour une nouvelle éthique de l'acte, où la question est moins de savoir comment agir que de comprendre quelles seront les nouvelles figures de l'agir.
Un essai engagé et stimulant, explorant les possibilités de renouer avec un agir puissant dans un monde où les phénomènes comme les effets de nos actes sont marqués du sceau de l'incertitude.
Penser l'avenir se constitue d'une série d'entretiens menés par François Noudelmann auprès d'André Gorz quelques années avant sa disparition. Á la faveur de ces échanges, l'auteur du Traître nous offre un regard original sur l'ensemble de son parcours intellectuel.
Penseur singulier, inspiré notamment par Jean-Paul Sartre, André Gorz (1923-2007) pose sans relâche la question fondamentale du sens de la vie et du travail, maintenant le cap sur la liberté et l'émancipation du sujet. Existentialiste, marxiste atypique, anticapitaliste, il est aussi l'un des premiers artisans de l'écologie politique.
Au fil du temps, ses réflexions ont porté sur l'aliénation de l'homme contemporain, la question du travail à l'époque de l'automatisation, la libération de la vie tandis que s'imposaient l'urgence écologique et la nécessaire décroissance, la précarité et le dépassement du salariat. Une pensée audacieuse qui refuse le conformisme et le confort de positions établies pour explorer de nouveaux champs et rendre à l'humain toute sa place.
En 2005, François Noudelmann a mené un long entretien avec le philosophe, pour partie diffusé sur France Culture.
Penser l'avenir restitue la totalité de ces échanges qui revisitent le parcours de Gorz, et offrent une introduction accessible à son oeuvre.
Une analyse philosophique ambitieuse de l'expérience de l'injustice.
Comment transformer les définitions communes de la justice sociale afin qu'elles puissent rendre compte des formes aujourd'hui les plus caractéristiques de l'injustice sociale ? Comment leur faire rendre compte des luttes effectives contre l'injustice mais aussi des souffrances de " ceux qui ont trop à dire pour pouvoir le dire " ? Telles sont les questions auxquelles ce livre se propose de répondre. Dans une démarche originale, Emmanuel Renault reprend et élargit la théorie de la reconnaissance élaborée par le philosophe allemand Axel Honneth, afin de proposer une grammaire des luttes sociales, mais aussi une grille d'analyse de ces injustices que les luttes sociales prennent rarement en charge. Dans cette perspective, l'auteur procède à un examen critique des théories contemporaines qui structurent notre pensée politique et sociale. Ce livre soutient que la philosophie doit prendre l'expérience de l'injustice au sérieux car c'est en elle que se déterminent les enjeux des discours sur la justice. Il offre un argumentaire global au service de ceux qui font l'expérience quotidienne de l'injustice et sont en conséquence intéressés à la transformation de l'ordre social existant.
Montée en puissance de la figure d'un nouvel " ennemi ", le terroriste, " combattant irrégulier " avec ou sans territoire, mise en place dans les démocraties de législations attentatoires aux libertés publiques, remise au goût du jour de la notion d'" état d'exception " : notre actualité la plus récente rendait nécessaire la réédition de ce livre, qui remonte aux sources intellectuelles de ces notions controversées, le juriste et philosophe allemand Carl Schmitt (1888-1985). Montée en puissance de la figure d'un nouvel " ennemi ", le terroriste, " combattant irrégulier " sans territoire, mise en place dans les démocraties de législations attentatoires aux libertés publiques, remise au goût du jour de la notion d'" état d'exception " : notre actualité semble convoquer de manière frappante les analyses du célèbre philosophe et juriste allemand Carl Schmitt (1888-1985). Mais quel sens peut-on donner aux usages politico-théoriques de la pensée d'un auteur dont on connaît bien aujourd'hui le ralliement actif au nazisme ? Dans quelle mesure, et à quel prix, Carl Schmitt nous aide-t-il vraiment à penser notre présent ?
Jean-Claude Monod s'efforce ici d'apporter des réponses à ces questions. Il montre que des philosophes marqués à gauche ont ainsi puisé, eux aussi, chez le juriste le plus controversé du XXe siècle, les instruments d'une critique du nouvel impérialisme mondial. Mais Schmitt est-il vraiment le meilleur critique des confusions de la " guerre contre le terrorisme " ? N'est-il pas au contraire l'une des sources cachées des raisonnements juridiques qui servent aujourd'hui à légitimer la suspension des normes humanitaires et constitutionnelles les plus fondamentales ? Ce livre montre qu'on ne peut aujourd'hui ni ignorer ni lire naïvement ce penseur des limites de la raison libérale.
Aussi bien sociologue, historien ou philosophe qu'économiste, Thorstein Veblen (1857-1929) est une figure majeure de l'histoire des sciences humaines et sociales. Cet ouvrage vise à faciliter l'accès du public francophone à sa pensée en proposant une lecture systématique de son oeuvre.
Aussi bien sociologue, historien, philosophe qu'économiste, Thorstein Veblen (1857-1929) est une figure majeure de l'histoire des sciences humaines et sociales. Cet ouvrage vise à rendre compte de son oeuvre au carrefour de plusieurs disciplines. Il a aussi pour ambition d'éclairer la manière singulière qu'a Veblen d'articuler réflexion scientifique et critique sociale. Il met notamment en lumière le rôle clé que joue chez cet auteur la réflexion sur le pouvoir, en particulier le pouvoir économique : cette réflexion permet d'articuler entre elles les diverses facettes du travail de Veblen et de souligner son actualité.
Après avoir restitué le parcours de Veblen, cet ouvrage présente les différents volets de son oeuvre : il revient sur son projet d'une science économique évolutionnaire, sur sa contribution au développement d'une approche institutionnaliste des dynamiques économiques avant d'interroger le type de critique sociale dont relève sa théorie de la classe de loisir. Il analyse enfin ses idées politiques et les enjeux pratiques de sa réflexion.
Cet ouvrage reprend une série d'articles parus dans la revue Esprit, qui témoignent de l'histoire intellectuelle française du XXe siècle. Ces différents essais présentent et discutent l'oeuvre de penseurs pour le moins originaux, et dont bien souvent les écrits et les engagements personnels ont profondément marqué une époque et une génération : Boris Souvarine, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Claude Lévi-Strauss, Georges Dumézil, Paul Ricoeur, Éric Weil, Mikaël Dufrene, Michel Foucault, Jacques Lacan, sans oublier Georges Bataille et le Collège de sociologie (Jules Monnerot et Roger Caillois), et Edgar Morin et la revue Arguments (Kostas Axelos et Jean Duvignaud). En suivant ces étonnantes traversées de notre siècle, nous pouvons établir la carte de la pensée française, cette géographie complexe aux nombreuses zones de tension. Nous pouvons aussi suivre les cheminements de chacun et dessiner des filiations, des croisements ou bien encore des parcours parallèles, sans aucun point de rencontre, mais tous s'inscrivant profondément dans un espace européen et dans une histoire occidentale du monde. C'est, finalement, cette histoire - et les philosophies qui l'explicitent - qui, de fait, donne son unité à cet ensemble de textes, et autorise la confrontation de ces pensées.
Que de philosophes aujourd'hui ! Voici les trafiquants du nihilisme, les inflationnistes de la petite et personnelle misère ; les flûtistes du capital et de la subversion nomadique ; les sous-hommes nietzschéens, et les proclamateurs du sexe ; voici la termitière des épistémologues laborieux. Dans le ciel, la procession des anges, vertus, trônes, dominations et séraphins. Sur la terre, les résignés du maître et de la loi. Les exégètes des discours, et les thuriféraires de la textualité. Ceux, qui, dans Le Nouvel Observateur, déclarent solennellement que Dieu n'est pas si mort qu'il en a l'air. Ceux qui, dans la stupeur, à la sortie du dernier séminaire, nouent les obscures ficelles du noeud borroméen. Ceux qui ont vu, de leurs yeux vu, que le soixante-quatorzième enterrement de Marx, ou de Lénine, était, sans conteste, le bon. Ceux qui haïssent la pensée, le marxisme, et le prolétariat (mais ont-ils seulement la force de la haine ?). Ceux qui aiment leur moi, leur sexe, et leur voix (mais ont-ils seulement la force de l'amour ?). Et les apôtres de la mauvaise foi, ceux qui se font des clientèles en baptisant marxistes les antiques conclusions bourgeoises sur Staline, ou sur l'affaire Lyssenko. Ceux qui conseillent, amicalement, au P.C.F., de conserver dans ses bocaux d'étalagiste la dictature du prolétariat, car on ne sait jamais. Ceux qui se prévalent de sciences ignorées, de révoltes écrasées, de textes falsifiés, pour tenir la partition du ténor d'opérette au choeur de l'eurocommunisme. Mais tous ces diseurs de la bonne aventure spéculative, charlatans ou retraités sincères, se tiennent là où l'histoire les assigne : qu'en est-il aujourd'hui de la Révolution ? Et ceux-là même qui vendent à la bourgeoisie, avec leur âme, les formulations pompeuses du défaitisme vulgaire, il faut les voir, eux aussi, sur la ligne de front, telle qu'entre deux tempêtes elle paraît se fixer. Ce cahier comporte une analyse de la conjoncture philosophique, et cinq études : deux sur Deleuze, deux sur les lacaniens, une sur les althussériens.