Aux xixe et xxe siècles, les découvertes en neurobiologie et en immunologie ont bouleversé la manière dont nous comprenions les interactions des êtres vivants avec leur environnement. Malgré ces avancées, il faudra attendre le tournant du xxie siècle pour que le dogme de la séparation entre cerveau et système immunitaire soit discuté.
Depuis une vingtaine d'années, les études attestent le rôle de cellules immunitaires du cerveau non seulement dans la construction et le fonctionnement de l'activité cérébrale, mais aussi dans l'apparition de pathologies neurodégénératives et psychiatriques. Il apparaît donc essentiel de cultiver une approche systémique qui vise à considérer le cerveau dans sa dynamique d'évolution et dans le contexte plus général du corps. Cette approche, qui cherche également à connaître l'origine des maladies, est une source d'espoir pour l'émergence de nouvelles voies thérapeutiques.
Neurobiologiste, Sonia Garel dirige l'équipe Développement et plasticité du cerveau à l'Institut de biologie de l'École normale supérieure (ENS) à Paris. Depuis 2020, elle est professeure au Collège de France, titulaire de la chaire Neurobiologie et immunité.
« La diversité biologique chez l'être humain est immense : de notre apparence physique à nos capacités à digérer certains aliments, en passant par nos relations avec les pathogènes ou nos vulnérabilités à certaines maladies. Mais quels sont les facteurs qui façonnent cette diversité ? Quelle est la contribution de l'environnement et de la génétique à la diversité phénotypique observée chez les humains d'aujourd'hui ? Comment l'histoire démographique de notre espèce et la sélection naturelle façonnent-elles la diversité génétique des populations humaines ? Ma leçon inaugurale a pour objet de montrer comment toutes ces questions sont abordées dans mes recherches sous l'angle de l'évolution et de la génomique humaine. »Lluis Quintana-Murci est généticien des populations. Directeur de recherche au CNRS et professeur à l'Institut Pasteur, il est mondialement reconnu pour ses travaux sur la diversité du génome humain et son approche pluridisciplinaire intégrant la génétique des populations, l'épidémiologie et l'immunologie. Il est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Génomique humaine et évolution, depuis avril 2019.
Comment expliquer la destinée hors du commun des hominines ? La proche parenté de l'homme avec les grands singes africains est aujourd'hui solidement établie, mais notre espèce s'en distingue par une accumulation de traits adaptatifs très originaux - quant à la locomotion, l'alimentation et la reproduction - qui ont permis son expansion inégalée au sein des vertébrés. L'encéphalisation toujours plus poussée des hominines a rendu possible une complexification technique et sociale sans cesse croissante qui, elle-même, en retour, a directement influencé leur évolution biologique. Comprendre l'évolution humaine consiste donc à comprendre l'interaction permanente du biologique et du culturel.
Collection « Leçons inaugurales », Collège de France
Denis Duboule
Le génome et ses embryons
Proposition de quatrième
La compréhension des processus de développement d'un organisme vivant, de sa conception à sa naissance, a fait ces dernières années des progrès extraordinaires, notamment grâce aux outils de la génétique et de la génomique. Ces avancées ouvrent de larges perspectives scientifiques et biotechnologiques, notamment la possibilité de modifier ou de réparer les organismes, voire d'imaginer un homme futur génétiquement « augmenté ». Néanmoins, il convient de considérer avec humilité ces avancées scientifiques rapides qui bouleversent les paradigmes de notre connaissance du vivant et la notion même d'individu.
Denis Duboule est généticien. Actuellement directeur du laboratoire de morphogenèse moléculaire à l'université de Genève et du laboratoire de génomique du développement à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, il travaille sur les mécanismes de régulation génétique qui interviennent dans le développement des mammifères. Il est professeur sur la chaire internationale Évolution des génomes et développement au Collège de France depuis février 2018.
" La biologie moderne fait renaître de vieux cauchemars. Elle a un parfum de savoir défendu. Elle réveille de vieux mythes. Elle dérange. Particulièrement scandaleuse apparaît la preuve qu'on peut facilement jouer avec la substance qui est à la base de toute vie sur cette planète. Spécialement impardonnable l'idée qu'il faut bien considérer l'évènement le plus extraordinaire de ce monde, la formation d'un être humain à partir d'un oeuf, comme le résultat d'un bricolage cosmique. Plus un domaine scientifique touche aux affaires humaines, plus il risque de se trouver en conflit avec les traditions et les croyances. La diversité des individus qu'engendre la reproduction sexuelle est rarement prise pour ce qu'elle est: l'un des principaux moteurs de l'évolution, un phénomène naturel sans lequel nous ne serions pas là. Par une singulière équivoque, on cherche à confondre identité, concept biologique, et égalité, concept social. Comme si l'égalité n'avait pas été inventée précisément parce que les êtres humains ne sont pas identiques ".
Les enjeux de la biologie ne concernent pas seulement le vivant en tant que tel. Par ce qu'elles nous disent de notre identité et de notre place dans le monde, les théories biologiques influencent les sciences humaines. Au vingtième siècle, elles ont servi de caution à des idéologies comme le darwinisme social et l'eugénisme. La polémique sur le déterminisme génétique pendant la campagne présidentielle de 2007 et celle qui a suivi sur les tests ADN témoignent qu'elles interviennent toujours dans le débat politique.
Habituellement, la critique du déterminisme génétique se fait au nom de principes éthiques. Dans L'origine des individus, Jean-Jacques Kupiec se place d'un point de vue différent, celui de la recherche biologique. Il démontre que le déterminisme génétique ne doit pas être rejeté uniquement parce qu'il est moralement injuste, mais parce qu'il est faux scientifiquement. Il est en contradiction avec les données acquises par la biologie moléculaire. L'analyse montre également que les théories holistes et les théories de l'auto-organisation ne sont pas des alternatives valables. Pour résoudre la contradiction du déterminisme génétique, la biologie doit dépasser les schémas de pensée qui l'ont toujours enfermée depuis l'Antiquité.
L'ontogenèse et la phylogenèse sont deux aspects inséparables d'une même réalité ne constituant qu'un seul processus d'hétéro-organisation. Au cours de cette ontophylogenèse, les êtres vivants individuels et les espèces se forment de manière identique. L'environnement n'est pas seulement ce qui est extérieur à l'organisme, il se prolonge dans son milieu intérieur où agit la sélection naturelle. L' ontophylogenèse détruit la conception d'un individu qui n'existerait que par sa détermination interne et lui substitue celle d'un individu existant par la relation à ce qui lui est extérieur.
L'Autre est présent dans les fondements biologiques de notre identité.Jean-Jacques Kupiec est chercheur en biologie et en épistémologie au centre Cavaillès de l'Ecole normale supérieure de Paris. Son travail concerne la biologie moléculaire, la biologie théorique et la philosophie de la biologie.
Alors que l'on vient de découvrir que des microbes peuvent croître et se multiplier à des températures aussi élevées que 250°, sous l'énorme pression de 265 atmosphères, la question de l'origine de la vie est remise à l'honneur. Mais, pour parler de cette origine, encore faut-il caractériser la vie: qu'est-ce qui différencie l'organique de l'inorganique?
Au travers de l'histoire du Code Génétique, ce livre cherche à rendre compte de l'histoire de la vie. L'idée centrale en est que ce qui permet l'existence des êtres vivants, en dehors des molécules géantes qui les constituent, est la présence d'un processus de codage. Ce codage permet d'exprimer l'hérédité ramassée sous la forme d'un " texte " extrêmement condensé, au moyen d'une suite de réécritures. Mais il permet aussi de répéter le texte, et donc de le reproduire. Ce cercle fondamental du vivant, qui lui permet de sortir de lui-même pour s'exprimer sur lui-même, est à la base de l'existence d'un autre cercle: celui du développement qui conduit de l'oeuf à l'adulte. Remonter vers l'origine va ainsi permettre de briser le cercle et de montrer que si de nombreuses contraintes sont nécessaires à l'apparition de la vie (l'eau, dans son état liquide, paraît être une nécessité absolue), le domaine des possibilités de son existence est immense.
En un temps où, pour la première fois de l'histoire, un être vivant est en mesure d'agir sur les mécanismes de sa propre hérédité, il est essentiel de connaître l'état du savoir actuel en ce domaine.
Antoine Danchin est généticien " moléculaire ". Chercheur au C.N.R.S., il dirige à l'Institut Pasteur un groupe de chercheur sur le thème de la " régulation de l'expression génétique ". En plus de son activité d'expérimentateur, sa formation initiale de mathématicien le conduit à participer à la formalisation d'un certain nombre de problèmes liés à des thèmes majeurs de la biologie (neurobiologie, immunologie, différenciation...). Enfin, il consacre une partie de son temps à des activités de vulgarisation.