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JEAN-YVES MASSON
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Les ultimes années de la vie de Yeats sont peut-être les plus fécondes et les plus novatrices; les poèmes composés entre 1936 et 1939 (le dernier, quelques jours seulement avant sa mort) témoignent d'une inventivité musicale et thématique, d'une audace verbale proprement extraordinaire. Les grands symboles qui traversent et structurent les recueils antérieurs sont ici l'objet d'une remise en question, d'un doute anxieux dont la plus célèbre expression est le poème intitulé La Désertion des animaux du cirque. En même temps, c'est toute la violence de Yeats, sa révolte contre le grand âge, son tempérament moins apaisé que jamais, qui trouvent ici leur plus pathétique expression. L'audace quasi surréaliste de certaines images, la concentration extrême des vers, la crudité des allusions sexuelles, firent que ces poèmes déconcertèrent ceux qui, à l'époque, les découvrirent en revue. Réunis en volume après la mort de Yeats, ils n'ont commencé d'être appréciés à leur juste valeur que dans les années soixante. Si certains d'entre eux figurent dans des anthologies et sont souvent étudiés en France, la plupart n'ont jamais été traduits. Ils sont ici proposés pour la première fois dans leur intégralité.
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Moins lu en France que d'autres oeuvres majeures de Rilke, Requiem fut, de son vivant, l'un de ses textes les plus largement diffusés. Écrits en 1908 et dédiés à un très jeune poète suicidé et à une artiste peintre à laquelle Rilke avait été presque fiancé avant d'épouser Clara Westhoff, dont elle était l'amie, ses deux volets représentent une expression déjà pleinement maîtrisée des thèmes qu'amplifieront les Élégies de Duino. Pour la première fois depuis les Nouveaux poèmes, Rilke se détourne du monde objectif et de " l'apprentissage du regard qu'il s'était fixé pour tâche, et revient à la question de la mort qui le hantait dès ses premiers poèmes, cherchant à lui donner une réponse qui ne relève d'aucune religion instituée. Deux autres " Requiem ", l'un de 1900, l'autre de 1915, complètent la présente édition.
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« Une étude dramatique » : c'est sous cette mention que paraît en deux fois, dans les numéros d'octobre et novembre 1891 de la principale revue littéraire viennoise, la "Moderne Rundschau", une pièce en vers intitulée "Hier" ("Gestern"), signée d'un inconnu, Theophil Morren. La curiosité des milieux littéraires aurtichiens et allemands est aussitôt éveillée par la maturité de ce texte au ton nouveau, que les éditions de la revue reprennent aussitôt sous la forme d'un petit volume, épuisé en quelques jours. Qui est Theophil Morren ? Des articles dans les journaux vont révéler au public que sous ce pseudonyme se cache un lycéen de dix-sept ans, que quelques autres textes publiés sous le pseudonyme de Loris vont bientôt achever de rendre célèbre : Hugo von Hofmannsthal. Cette pièce destinée à la lecture prend modèle sur les « Proverbes » de Musset : le personnage principal est amené en quelques scènes à reconnaître une vérité qu'il voulait ignorer. À Imola, près de Bologne, dans la deuxième moitié du XVe siècle, un jeune seigneur fortuné, Andrea, met en pratique un art de vivre fait d'esthétisme, de culte du moi et de pure jouissance de l'instant présent, sans considération du passé ni de l'avenir. Mais les événements de cette journée vont bouleverser sa vision du monde, en particulier quand il apprend que sa bien-aimée, Annette, l'a trompé la veille avec son meilleur ami. Andrea découvre alors le mystère douloureux du Temps qu'il s'était efforcé de nier, et avec lui l'impossibilité de nier la souffrance inscrite au plus profond du Moi. C'est ici la première traduction française de ce texte que, jusqu'à la fin de sa vie, Hofmannsthal a considéré comme une des clés de toute son oeuvre. On y voit déjà se dessiner en effet le thème central qui sera celui du célèbre "Chevalier à la rose", le livret d'opéra écrit pour Richard Strauss (créé en 1911). Rappelons que, si Hofmannsthal a été dans sa maturité l'un des intellectuels les plus en vue de son temps et l'un des pères de l'idée européenne, son oeuvre poétique a été tout entière écrite entre 16 et 26 ans et que c'est à elle qu'il doit sa place d'auteur majeur de la langue allemande.
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Avant de devenir le librettiste attitré de Richard Strauss ou l'auteur de la célèbre Lettre de Lord Chandos, Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) a d'abord été un poète à la trajectoire fulgurante : l'essentiel de son oeuvre poétique a été écrite entre seize et vingt-cinq ans. C'est à ce titre qu'il figure dans toutes les anthologies de la poésie de langue allemande. Ce volume rassemble l'intégralité des poèmes publiés par Hofmannsthal de son vivant, complétés par l'essentiel de ses poèmes posthumes, et rend ainsi justice à l'une des oeuvres majeures de la culture viennoise du tournant du siècle dernier.
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Les Sonnets de la prison de Moabit d'Albrecht Haushofer occupent une place particulière dans la poésie allemande du XXe siècle. Né en 1903, professeur d'université, géographe réputé, spécialiste de géopolitique, Haushofer, sans jamais adhérer au Parti nazi, avait occupé des fonctions officielles sous le IIIe Reich. Impliqué, comme bon nombre de ses amis, dans l'attentat manqué contre Hitler du 20 juillet 1944, il fut arrêté et incarcéré à la prison de Moabit, prison berlinoise tenue par les SS. C'est là qu'il composa les quatre-vingts sonnets qu'on retrouva sur lui après sa mort : il fut exécuté avec quatorze autres prisonniers dans la nuit du 22 au 23 avril 1945.
Publiés en 1946, ces Sonnets connurent aussitôt un grand écho et furent traduits dans de nombreuses langues. Une première traduction française parut en 1954, mais elle était faite d'après un texte encore fautif et, de plus, incomplet. Ce n'est qu'en 1976 qu'une édition fiable a vu le jour en Allemagne, où ce recueil fait aujourd'hui figure de classique. C'est cette édition qui sert de base à la présente traduction.
Les Sonnets de la prison de Moabit ne sont pas l'oeuvre d'un résistant de la première heure, mais d'un homme qui fait son examen de conscience et s'accuse de ne pas s'être opposé plus tôt à un régime qu'il désapprouvait depuis longtemps, mais en silence. Haushofer n'est tendre ni pour lui-même, ni pour son père, plus gravement compromis que lui. Ces sonnets sont le testament d'un homme qui sait qu'il ne sortira pas vivant de sa cellule : il y passe en revue les épisodes de sa vie, se remémore ses voyages, ses amitiés, ses amours, cherche à prendre exemple sur d'illustres persécutés (de Boèce à Thomas More), se rappelle les grandes oeuvres qui lui semblent avoir préfiguré son destin, comme ce tableau de Van Gogh, vu à Moscou, que nous avons choisi pour illustrer la jaquette. Pour finir, Haushofer se fraye un chemin vers la sérénité en s'inspirant surtout des sagesses orientales, dont il était familier.
Ce sont les circonstances qui ont fait éclore en Haushofer le poète. Ces quatre-vingts sonnets suffisent pour lui assurer une place parmi les voix inoubliables du XXe siècle.
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Après la réédition de Brigitta, la publication d'un nouveau titre, épuisé, d'Adalbert Stifter. Friedrich Roderer, jeune peintre qui a élu domicile près d'un marais sauvage, refuse obstinément de montrer ses toiles et se jure de les brûler tant qu'il ne sera pas parvenu à peindre le marais dans toute sa vérité. Il se lie d'amitié avec un riche philanthrope du voisinage qui met, à faire assécher le marais, la même obstination que le jeune homme à le fixer sur sa toile. Malgré leurs buts opposés, une étrange ressemblance entre eux, physique et morale, éveille l'intérêt du vieil homme pour le jeune Friedrich, dont il ne sait pas encore qu'il porte le même nom que lui... Un des derniers romans d'Adalbert Stifter, un des plus caractéristiques de la dimension romantique de son écriture.
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Les triomphes de Pétrarque illustrés par le vitrail de l'Aube au XVIe siècle
Pétrarque
- Diane De Selliers
- 25 Octobre 2018
- 9782364370906
Après Dante et Boccace, Pétrarque rejoint la Collection Diane de Selliers !
Première star internationale de la littérature, érudit voyageur et père de l'humanisme, Pétrarque (1304-1374) est surtout le premier poète de l'intime. Son influence sur la poésie européenne est immense.
Les Triomphes forment un long poème allégorique d'inspiration antique, dans lequel Pétrarque chante son amour pour Laure et la douleur d'aimer tout en convoquant de nombreuses figures historiques, mythologiques et religieuses. Cette édition bilingue français-italien reproduit la traduction inédite, vivante et poétique de Jean-Yves Masson.
Le vitrail comme vous ne l'avez jamais vu : les 130 illustrations, éclatantes, ont été traitées de façon résolument moderne et graphique, avec de nombreux recadrages de détails. L'ensemble témoigne de la vivacité et de la singularité du patrimoine français du XVIe siècle. 95% des oeuvres reproduites ont fait l'objet d'une campagne photographique spécifique, réalisée grâce à une technologie de pointe utilisant notamment des drones. Le département de l'Aube abrite de très nombreux vitraux, dont la baie d'Ervy-le-Châtel, unique vitrail au monde illustrant Les Triomphes de Pétrarque et dont la restauration vient d'être achevée.
La collaboration d'experts de l'histoire de l'art, de la poésie et du vitrail : Paule Amblard, historienne de l'art spécialisée dans l'art et la symbolique du Moyen-Âge, Jean-Yves Masson, traducteur, poète et professeur de littérature comparée à la Sorbonne, Flavie Vincent-Petit, restauratrice et créatrice de vitraux.
Une rencontre qui allie plaisir des yeux, du coeur et de l'esprit !
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Paru en février 1928, la tour est probablement le plus célèbre des recueils de w.
B. yeats. il doit son titre à thoor ballylee, le cottage acquis par yeats en 1917, dont la tour devient ici le symbole d'un esprit qui monte la garde en temps de ténèbres. tous les grands thèmes de l'oeuvre de yeats trouvent ici leur expression la plus accomplie au service d'une conscience aiguë de la nécessité de redéfinir la mission de la poésie dans le monde moderne. pour yeats, il n'est pas d'autre fondement possible à la dignité humaine que la prise en compte du destin de l'âme ; le matérialisme, le rationalisme étroit en germe dans la pensée anglaise depuis le xviiie siècle, lui paraissent la source de tous les maux.
La poésie et l'art sont seuls à pouvoir rappeler la primauté de la vocation spirituelle de l'homme. alors que l'histoire se fait toujours plus sombre et que s'annonce la fin d'un monde, yeats trouve dans le pouvoir des images une lueur qui le guide dans les ténèbres. il s'invente une tradition secrète. byzance lui apparaît à l'horizon de l'histoire comme un de ces moments oú s'est réalisé l'équilibre refusé à l'homme moderne, tout comme l'athènes du siècle de périclès ou l'italie de la renaissance.
Mais en même temps que se multiplient les appels à la fuite vers un passé meilleur, la tour est un livre traversé du rappel insistant que l'éphémère est la loi. la force de la poésie de yeats est de convertir en vision l'amertume du poète vieillissant face aux tragédies qui accablent l'irlande, et de faire de sa colère une source de grandeur.
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En même temps qu'il rédigeait pour Richard Strauss le livret de "La femme sans ombre", Hofmannsthal éprouva le besoin d'une version en prose de la même histoire qui fût délivrée des contraintes de la collaboration avec le compositeur. Il acheva en 1919, cinq ans après, ce conte allégorique dont le contenu diffère notablement de l'opéra du même titre, et possède une complète autonomie.
La fille du prince des esprits, l'invisible Keikobad, a épousé un simple mortel : elle est ainsi devenue l'impératrice du royaume des Monts de la Lune. Mais pour devenir humaine et donner des enfants à l'empereur, il lui faut conquérir une ombre. Aidée de la sorcière qui l'a enlevée, elle tentera d'acheter la sienne à l'épouse d'un teinturier qui, au contraire, refuse de mettre au monde des enfants.
Opposant le couple formé par l'empereur et l'impératrice au modeste ménage du teinturier et de la teinturière, le conte suit l'itinéraire initiatique, à travers les différents règnes de la création, de quatre personnages dont chacun devra découvrir une part méconnue de lui-même pour accéder pleinement à l'humanité et vaincre la stérilité du coeur.
Toute une tradition issue du romantisme trouve ici son aboutissement, en même temps que se déploient dans leur pleine complexité les grands thèmes propres à Hofmannsthal : la préexistence des âmes, le salut par la métamorphose, la dimension mystique du désir. Tandis qu'il terminait pour le théâtre sa comédie la plus brillante et la plus profonde, "L'Homme difficile", Hofmannsthal donnait avec "La femme sans ombre" le plus parfait des récits qu'il soit parvenu à mener à bien, parmi de nombreux autres textes inachevés.
Hugo von Hofmannsthal (1874-1929), poète, romancier, essayiste, homme de théâtre, compte parmi les figures majeures de la littérature autrichienne du début du siècle.
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élégies duinésiennes
Rainer Maria Rilke
- Actes Sud
- Imprimerie Nationale
- 13 Septembre 1996
- 9782743301668
Poésie de la rupture et de l'appel angoissé à une renaissance, ces Elégies, fruit de dix années de labeur et d'attentes, sont le sommet de l'oeuvre de Rilke. La traduction de Jean-Yves Masson, poète lui-même, rend le rythme fièvreux du vers de Rilke et, par un choix de fragments ajoutés au recueil, en éclaire la génèse et la portée.
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Dès son premier recueil, Zone grise le matin (1988), Durs Grünbein s'est imposé par l'inventivité de son lexique, par sa virtuosité et par son ironie. Poète de la fin des utopies dans les derniers temps du régime communiste en Allemagne de l'Est, il a su exprimer la stupéfaction causée par la chute du Mur, et en souligner les enjeux. Certains poèmes de son deuxième recueil, Leçon crânienne (1991), et notamment les «Sept télégrammes» écrits immédiatement après la démission d'Erich Honecker, ont connu en Allemagne un retentissement considérable. Pour la première fois depuis bien longtemps, un poète accédait à une renommée dépassant très largement le cercle habituel des lecteurs de poésie. Après la parution de son troisième recueil, Plis et replis (1995), il a obtenu le prix Büchner, la plus haute distinction littéraire allemande. Son oeuvre, qui s'est enrichie depuis d'une interrogation sur la manière dont la science et la technique affectent notre perception du monde et de l'homme, opère une révision de tout l'héritage de la poésie occidentale avec une distance érudite qui n'appartient qu'à lui. Mais le sens du merveilleux et une profonde fidélité aux impressions venues de l'enfance affleurent également dans la centaine de poèmes ici proposés, choisis par l'auteur lui-même. Accompagnée d'une présentation des traducteurs et d'une note autobiographique, cette première anthologie d'un des plus grands poètes européens d'aujourd'hui est un événement littéraire.
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L'escalier en spirale est un livre de transition: à près de 70 ans, yeats contemple sa vie passée, multipliant les échos avec les recueils précédents ; mais aussi, sentant monter en lui une révolte irrépressible contre la vieillesse qui vient, il tente et réussit un ultime renouvellement de son art, au prix d'une remise en question qui aboutira aux derniers poèmes, posthumes.
Ce livre dont la genèse fut longue (de 1922 à 1933) contient quelques-uns des poèmes et des cycles les plus célèbres de yeats, dont plusieurs sont traduits ici en français pour la première fois, comme les chansons intitulées " paroles à mettre en musique (peut-être) ". le poète les a ordonnés de telle manière que les souvenirs des lieux marquants de sa vie aient pour contrepoint l'évocation d'une série de lieux idéaux: ainsi le célèbre poème intitulé " byzance " est-il moins une rêverie sur l'héritage byzantin qu'une préparation à la mort.
L'ésotérisme de yeats change ici de nature : sans se préoccuper de trouver des explications aux rêves qui le hantent, il laisse son imagination se déployer en visions fantastiques, et bâtir une sorte d'" éloge de la folie " en réponse aux troubles de l'histoire. les poèmes de l'escalier en spirale imposent ainsi au fil des pages la souveraine évidence de leur imaginaire. ce septième et dernier volume achève la première traduction complète en français de la poésie de w.
B. yeats (1863-1939)
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Paru à l'automne 1999 en Italie, À l'image de l'homme est le dernier en date de la série des grands livres " symphoniques " de Mario Luzi inaugurée en 1985 avec Pour le baptême de nos fragments. Le précédent livre-poème de l'auteur, Voyage terrestre et céleste de Simone Martini, prenait la forme d'une fiction proche du " roman en vers ". A limage de l'homme est très loin de présenter la même dimension narrative, mais repose néanmoins sur une fiction: les poèmes en sont attribués à un double imaginaire du poète, Lorenzo Malagugini. Les onze sections du livre sont les fragments posthumes, recueillis par ses amis, de son journal intime dont le fil conducteur, écrit Mario Luzi en tête du livre, serait l'idée d'un " noviciat incessant ". Si la confession directe est ici résolument voilée, la particularité de ce " journal sans dates " est d'enregistrer aussi bien la dictée de l'expérience, la succession des circonstances quotidiennes (un voyage en Hollande, un pèlerinage à Assise, une promenade au bord de l'Arno, un soir à Lugano...) que les méditations religieuses les plus intemporelles, tournées vers l'énigme de la vie future. Le noviciat étant la période préparatoire à l'entrée dans un ordre religieux, on comprend que le " noviciat incessant " dont il s'agit dans ces pages est une manière de concevoir la vie entière comme préparation à un accomplissement qui se situe au-delà d'elle, et hors du temps.
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En 1924, Hofmannsthal publie de manière presque confidentielle Le Livre des Amis, un recueil d'aphorismes qui connaîtra rapidement une diffusion beaucoup plus large que son auteur lui-même ne l'imaginait, et peut-être ne le souhaitait. Dans ces pages, le poète autrichien mêle ses propres pensées, tirées de ses carnets intimes, à celles qu'il a rencontrées chez les auteurs qu'il aime le plus. Les « amis » que désigne le titre sont donc autant ses propres lecteurs que les écrivains de tous les temps qui forment autour de lui une sorte de « collège invisible ».
Le Livre des Amis est un livre magique, dont la profondeur ne se dévoile qu'avec le temps : ceux qui l'ont lu ne cessent d'y revenir. Il constitue peut-être aussi la meilleure initiation às l'oeuvre de Hofmannsthal, grand esprit attaché autant à sa patrie autrichienne qu'à la défense de la culture européenne au lendemain de la Première Guerre mondiale.
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La publication de ce recueil, en 1919, consacra l'entrée de yeats dans la période de sa plus grande maturité créatrice.
Ayant définitivement conquis son ton de voix le plus personnel, yeats donne ici à la poésie anglaise quelques-uns de ses chefs-d'oeuvre et, dépassant le symbolisme de sa jeunesse, trouve les métaphores fondamentales qui vont guider sa recherche jusqu'à la fin de sa vie. l'envol des cygnes dans le parc de coole, vus dans la beauté d'une heure, d'une saison, d'un lieu précis, et dont le tournoiement " en grands cercles brisés " annonce les images de spirale des recueils qui suivront, est un moment inaugural : c'est la poésie du vingtième siècle qui commence, et c'est aussi une poésie rêvée, utopique, impossible, qui révèle ici sa splendeur.
Cette première traduction intégrale d'un recueil majeur de yeats a été entièrement révisée par le traducteur à l'occasion de la présente réédition. elle constitue aujourd'hui le troisième volume, dans l'ordre chronologique, de l'intégrale des poèmes de yeats publiée aux éditions verdier.
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« Un aphorisme est le dernier anneau d'une longue chaîne », écrit Marie von Ebner-Eschenbach en tête du recueil de ses Aphorismes, un classique de la langue allemande constamment réimprimé et traduit un peu partout dans le monde depuis cent ans, mais jusqu'ici inédit en français.
De 1880 à 1916 (date de l'édition définitive), cette grande romancière que l'on redécouvre aujourd'hui ne cessa d'augmenter et de remanier ce petit livre où elle concentra le meilleur de ses réflexions : un ouvrage devenu si populaire en édition de poche que certaines de ses sentences sont passées en proverbes.
Les phrases de ce genre, si connues qu'on en a oublié l'auteur, la langue allemande aime à les appeler des « paroles ailées ». Cette expression s'applique particulièrement bien à la légèreté et à la vivacité de la grande styliste que fut Marie von Ebner-Eschenbach. Son art consommé de la maxime puise autant aux sources de la sagesse populaire qu'à celle des grands moralistes français. Dans leur concision, ses aphorismes révèlent une femme libre, ennemie des préjugés et lucide sur la difficulté de s'en affranchir, constatant par exemple que « les esclaves heureux sont les ennemis les plus acharnés de la liberté ».
Un petit livre, grand par les leçons de courage et de vie qu'il rassemble. Nul doute que bien des lecteurs sensibles en feront leur livre de chevet.
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Hugo von Hofmannsthal (1874-7929). Sa poésie est encore en France la part la plus méconnue d'une oeuvre aussi diverse que brillante, alors qu'elle offre (ce qui reste rare) un contre-chant parallèle aux drames lyriques comme aux livres d'interrogation. Hofmannsthal sait capter les derniers feux de Vienne, pressentir les secrets du rêve, et dresser un autre théâtre, plus ambigu, dont il orchestre merveilleusement mes reflets et les échos. Poète majeur, il relie le romantisme à l'introspection, et fonde la modernité sur l'apport inépuisanle de la tradition.
Orphée Collection dirigée par Claude Michel Cluny La poésie est la première parole. Mythes, épopées, oracles, voix des mystères et des mystiques, puis de l'amour, de l'indignation, de la révolte, de l'espoir ou de l'humour, de la vie quotidienne et de la solitude. Introuvables ou retraduites, classiques ou contemporaines, familières ou méconnues, ce sont ces voix innombrables que la collection Orphée souhaite faire entendre parce que plus que jamais elle sont nôtres.
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Roberto Mussapi est né à Cuneo en 1952 et vit à Milan. Il compte parmi les poètes italiens de premier plan. Il abolit, dans sa poésie et tout particulièrement dans ce livre, les frontières de l'espace et du temps. De la vie quotidienne et contemporaine de la première partie du livre (Les Mois) au témoignage en direct de Pline face à l'éruption du Vésuve, à la fin du livre, la vie est toujours héroïque et digne d'inspirer le poète. Il n'y a pas de grands et de petits sujets, seul l'affleurement du mythe demeure (voir l'admirable poème Le ciel par-delà la neige, sur une skieuse). Puis nous aussi nous sortîmes de ce temps-là, de nouveau seuls, incertains, dispersés. Mais la lumière, je me souviens, moi, de la lumière, et de son mouvement et de sa respiration solennelle, par-delà l'éternité des ténèbres, l'éternité plus nue, je me souviens.
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Lettres aux amis 1886-1901
Arthur Schnitzler
- Rivages
- Rivages Poche ; Petite Bibliotheque
- 17 Mai 1991
- 9782869304611
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Poète, dramaturge, librettiste célèbre des opéras de Strauss, Hofmannsthal est aussi un immense prosateur impressionniste. Ce volume rassemble 40 textes (récits, essais littéraires, essais politiques), dont La Femme sans ombre et Le Livre des amis (introuvable aujourd'hui).
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Publié en 1943 chez Mondadori, J'ai vu les Muses a imposé Leonardo Sinisgalli (1908-1981) comme l'un des grands poètes italiens de l'après-guerre. L'été 1935, Sinisgalli retourne dans sa terre natale, cette Lucanie - appelée aujourd'hui Basilicate - qui fut la patrie d'Horace. L'automne venu, " quasi décidé à ne plus retourner en ville ", il compose les 18 poésies qui formeront le coeur de son recueil. Il y trouve soudain son ton véritable, détaché des influences d'Ungaretti et de Quasimodo, perceptibles dans ses premiers poèmes. Une personnalité se dessine, en marge de l'" hermétisme " naissant auquel il lui arrivera - notamment à Montale - de reprocher une excessive obscurité. La réflexion sur les convergences entre poésie et sciences, la méditation des conséquences pour l'homme des progrès de la technique, une vive attention aux arts plastiques - lui-même dessine et peint - constitueront les axes majeurs d'une pensée inlassablement tournée vers le présent, mais revenant toujours à ses grandes références : Léonard de Vinci, Descartes, Pascal. Rétif à toute pose esthétique, Sinisgalli met en oeuvre une poétique de la confidence, solidaire d'une éthique de la confiance et du partage. Privilégiant les rythmes brefs et impairs, les textes de J'ai vu les Muses affirment les traits majeurs qui caractériseront cette poésie : le refus de l'éloquence, le goût du détail incongru, l'éloge des choses de la vie quotidienne. Rarement poésie aura su faire voir avec autant de justesse et de tendre ironie un monde saisi dans son essentielle fragilité. " Jai vu les Muses " : cette affirmation, qui peut sembler orgueilleuse, il faut l'entendre comme portée par un souffle ténu et aussitôt mise à distance par un sourire gentiment moqueur, car les Muses ne sont ici que de vieilles créatures au statut indéfini qui " jacassent " dans un arbre... Dans sa subtilité, son humour et sa discrétion revendiquée, l'oeuvre de Sinisgalli nous apparaît aujourd'hui comme l'une des plus puissamment personnelles de ce temps.