Helmer van Wonderen vit et travaille sur la ferme familiale depuis trente-cinq ans, quand, un jour,sans raison apparente, il décide d'installer son vieux père au premier étage. Ce dernier estgrabataire et aura de toute façon besoin de ses soins, mais ce changement lui permet de rompre lamonotonie des jours toujours semblables, de s'installer au rez-de-chaussée de la maison et d'enrefaire la décoration. Tout en s'occupant de la ferme et du père, il est plein de colère retenue àl'égard de ce dernier. Puis tout s'accélère le jour où il reçoit une lettre signée d'un nom oubliédepuis longtemps : Riet était non seulement la fiancée de son frère jumeau Henk, mais aussi àl'origine de son accident mortel, à l'âge de vingt ans. C'est après la disparition de ce frère admiré,alors qu'il était parti étudier à la faculté de lettres d'Amsterdam, que Helmer a dû reprendre le rôledestiné à Henk et renoncer à une vie loin de la ferme. Il a dû accepter une vie consacrée auxvaches, malgré lui, et la tête vide, accomplir les mêmes gestes, jour après jour, machinalement.Riet lui demande de l'aide, car elle a des difficultés avec son fils, appelé Henk, justement. L'arrivéede cet adolescent changera totalement la donne : il noue des liens privilégiés avec le vieil hommemourant, mais il oblige aussi Helmer à se confronter enfin à l'image de l'autre Henk, ce frèrejumeau disparu, et à reprendre sa vie en main. Lors d'un accident dramatique, les choses semblentenfin se dénouer...Gerbrand Bakker évoque avec beaucoup de poésie la vie d'un paysan du nord de la Hollande. Les paysages d'eau et de tourbe constituent un écrin très singulier pour une narration qui pourtant touche une question absolument universelle : comment maîtriser ses désirs, comment accéder à une forme de vérité intérieure quand tout dans votre existence vous contraint à renoncer à cet ailleurs tant refoulé ? A 55 ans, est-il trop tard pour changer de vie ? L'écriture de Là-haut, tout est un calme entraîne le lecteur dans une quête du bonheur inoubliable.
Peut-on laisser sa vie derrière soi, couper les ponts et tout recommencer dans une maison isolée au pays de Galles? L'héroïne du Détour, une femme entre deux âges, semble tenter l'aventure accompagnée, dans sa fuite, des livres de la poétesse américaine Emily Dickinson - le sujet de sa thèse. Une liaison avec un étudiant, un scandale à l'université, un mari d'abord courroucé puis indifférent, tout cela appartient au passé. Elle occupe ses journées seule, jardine, découvre la nature autour d'elle, les oies, la mer au loin, et ces chemins de randonnée qui traversent la propriété qu'elle loue. Sa solitude prend fin quand Bradwen, un jeune homme lui aussi en rupture de ban, fait irruption dans son jardin. Il n'est guère plus bavard qu'elle, mais une relation de plus en plus intense s'installe entre eux.
Le détour excelle dans l'art de peindre des vies silencieuses. Des existences cabossées, des êtres en fuite à la recherche d'un apaisement impossible sont les héros de ce roman d'une grande profondeur qui explore la condition humaine dans toute sa complexité.
Dans un pensionnat franciscain aux Pays-Bas, au début des années cinquante, le frère Bonaventura est témoin des mauvais traitements imposés aux élèves par Mansuetus, le directeur. Un matin, il découvre qu'un des garçons manque à l'appel. Redoutant le pire, le jeune moine mène son enquête pour progressivement dévoiler tout un système reposant sur la violence et le sadisme. Roman sur la cruauté humaine et la possibilité d'y résister, Le bois dénonce les abus terribles de quelques-uns tout en interrogeant la part de responsabilité de chacun. Jeroen Brouwers livre avec force une réflexion universelle sur la vie en communauté et le pouvoir de la parole.
Mutilations, viols, crimes d'honneur, féminicides, vitriolages, avortements forcés... Le patriarcat est un régime de terreur. Les hommes ont tiré pendant des siècles avantage symbolique et matériel d'une domination qu'ils ont établie par la force brute. Aujourd'hui, grâce à la scolarisation et à leur entrée sur le marché du travail, les femmes parviennent en de nombreux endroits à secouer le joug. Mais cette aspiration à l'égalité, dont le mouvement #MeToo a été une manifestation planétaire, ne va pas sans déchaîner en retour la colère ni sans alimenter un désir de représailles. La lutte pour l'émancipation est âpre. Aucun groupe dirigeant ne renonce à sa position de supériorité sans combattre.
C'est cette résistance acharnée, parfois sanglante, qu'Abram de Swaan documente de manière implacable, d'un bout à l'autre du monde. Djihadisme, fondamentalisme religieux, courants réactionnaires, mouvements d'extrême droite... : son attention se porte sur tous les groupes qui, quand il s'agit des femmes et du féminisme, montrent une parfaite identité de vue. Cette enquête globale et percutante pose les fondements d'une encyclopédie contemporaine de la misogynie.
Déclenchée dans un contexte de ruée vers l'or et le diamant, la guerre anglo-boer est singulière à bien des égards. Aux origines de l'Apartheid, elle oppose le puissant Empire britannique aux deux petites républiques boers. Ce conflit asymétrique, largement médiatisé, évolue très vite en guérilla. Camps de concentration, déplacements de population, terreur contre les civils, usage du gaz, famine : aucun moyen n'est épargné pour soumettre les descendants des premiers colons néerlandais d'Afrique du Sud.
Dans ce livre couronné de prix, Martin Bossenbroek donne toute son ampleur à ce conflit inaugural des tragédies du XXe siècle et restitue, avec un réel talent littéraire, les espoirs et le désespoir de tous ceux qui ont pris part au conflit, combattants ou simples civils - voire les deux à la fois. Il met ses pas dans ceux de trois acteurs du conflit - le diplomate et juriste Hollandais William Leyds, au service de la république blanche du Transvaal, un correspondant de guerre britannique quelque peu remuant qui n'est autre que Winston Churchill et le jeune soldat boer Deneys Reitz - et suit au plus près leur destin pour livrer un récit aux allures d'épopée.
Edward, 42 ans, professeur en virologie animale, tombe amoureux d'une jeune femme aperçue dans la rue, Ruth, 28 ans. Il la retrouve lors d'une soirée, lui déclare sa flamme, coup de foudre véritable et s'installe dans sa vie quelques années puis, leur passion déclinant, ils décident d'avoir un enfant et se marient. Ce projet va s'avérer fatal à leur relation : procréation difficile, bébé inévitablement insomniaque : Edward s'épuise, Ruth se tourne contre son mari et le pousse peu à peu à la séparation. Dès lors, Edward perd ses certitudes et ses repères. L'âge s'inscrit douloureusement sur son corps, la liaison qu'il a eue avec une très jeune assistante de son laboratoire se termine, il s'effondre.
Le livre relate la découverte des maladies neurologiques les plus connues, et raconte l'histoire personnelle de leurs découvreurs comme autant d'aventures humaines. Qui étaient Alzheimer, Parkinson, Asperger et Korsakoff ? Qui étaient Broca (le découvreur des aires du cerveau), Clérambault ou Gilles de la Tourette (qui identifia le syndrome qui porte son nom) ?
Comment ont eu lieu ces trouvailles ? Quels étaient les premiers patients ? Quelle a été la réception du milieu ? Et quelle est la différence entre la vision initiale du trouble et celle que nous en avons aujourd'hui ?
Autant de questions qui nourrissent une série de récits fascinants, servis par un auteur qui peut prétendre être l'héritier européen d'Oliver Sacks.
Les études portant sur les génocides sont restées enfermées dans un système d'oppositions étroit : les massacres de masse sont-ils le point culminant de la « modernité » ou même de la « démocratie », ou au contraire la manifestation d'un « effondrement de la civilisation » et d'un « retour à la barbarie » ? Ceux qui les ont perpétrés sont-ils des hommes « ordinaires » ou bien des « psychopathes » ? Et la Shoah représente-t-elle une singularité historique ou peut-elle être comparée à d'autres entreprises génocidaires ?
À travers l'analyse de seize épisodes d'extermination du XXe siècle, ce livre entend dépasser ces approches pour comprendre à quelles conditions la frénésie meurtrière qu'ils manifestent peut éclater et comment des individus se révèlent disposés à y prendre part.
À leur sujet s'est développée une conception singulière : ceux qui, des semaines, des mois, voire des années durant ont massacré leurs semblables, sans scrupules, sans pitié, parfois avec entrain et, après coup, sans remords seraient des « hommes ordinaires » obéissant simplement aux ordres ou à l'idéologie du temps. En somme : « Vous et moi, dans les mêmes circonstances, aurions fait la même chose. » Interrogeant le déroulement des faits et les témoignages, souvent négligés ou pris au pied de la lettre, des protagonistes, Abram de Swaan ébranle ici radicalement la thèse de la « banalité du mal ».
Universitaire néerlandais, jakob keller, passionné par l'oeuvre et la figure du poète disparu viktor tristan, se voit confier la tâche d'écrire une biographie de cet auteur maudit dans le cadre de l'hommage officiel prévu pour le vingtième anniversaire de sa mort.
Pour ce faire, il se rend à mercedal ville natale du poète. au fil de ses rencontres avec tous ceux qui ont connu et approché tristan, il se heurte à des réticences et à un épais mystère qui entoure l'oeuvre et la vie du poète. de lourds secrets vont bouleverser tant le travail que l'existence de jakob keller. pourra-t-il les révéler et achever ainsi l'écriture de la biographie de tristan ?
Le fonctionnement de notre mémoire reste une énigme.
Depuis l'Antiquité, seules nos mémoires " artificielles " nous permettent de l'appréhender. Platon la comparait à une tablette de cire ; au Moyen Age, on l'assimilait à un livre ; à la Renaissance, à une chambre noire. Ce n'est qu'avec l'invention de la photographie et du phonographe, au XIXe siècle, que l'on comprit comment une représentation pouvait être conservée dans la matière puis réactivée. Mais par combien de métaphores savantes sommes-nous passés, de la bibliothèque au colombier, de la cave à vin au labyrinthe, du puits de mine aux profondeurs marines ? Véritable promenade dans le musée des représentations et des techniques, ce livre révèle la richesse des discussions scientifiques qui ont émaillé la psychologie de la mémoire au cours des siècles, mettant en relation l'histoire des sciences, la philosophie, les neurosciences, l'informatique, l'intelligence artificielle...
Aujourd'hui, nous disposons d'un grand nombre de mémoires prothétiques : ordinateurs, hologrammes, réseaux neuronaux, autant d'analogies nouvelles qui assimilent la pensée au fonctionnement d'une machine et mécanisent le psychisme. Mais ce n'est plus la machine qui sert à penser la mémoire, c'est la structure du cerveau qui sert de modèle aux machines de demain. Les similitudes entre le tissu neuronal (biologique) et les réseaux neuronaux (artificiels), aussi infimes soient-elles, nous aideront-elles à percer un jour le mystère de notre mémoire ?
En six lettres écrites au début des années 60, adressées à un lecteur anonyme, Gerard Reve bat en brèche les littératures européenne et américaine. Rien ici cependant de théorique ni dalambiqué. Et rien qui ne soit « mensonger, inventé ou calculé » dans cette ½uvre dans laquelle les évocations autobiographiques se mêlent avec panache à lexposition dun art décrire.
La lettre expédiée dEdimbourg assassine les fausses gloires internationales et démontre avec une féroce jubilation pourquoi Norman Mailer et Henry Miller sont pour le moins surestimés. Celle dAmsterdam est consacrée à la mélancolie et aux moyens de la combattre. Les deux missives dAngleterre décrivent la guerre incessante entre lacte décrire et le néant de tout quotidien. La lettre postée du pays des écrivains donne les preuves quécrire nest pas une activité gratuite, quoi quen pensent les médiocres de notre planète. Enfin, le courrier posté dAlgésiras explique comment Reve a trouvé la paix intérieure, alcool et miséricorde divine aidant, pour mener à bien son ½uvre.
AUTEUR :
Né le 14 décembre 1923 à Amsterdam, Gerard Reve est considéré comme lun des trois plus grands auteurs dexpression néerlandaise aux côtés de W. F. Hermans et Harry Mulish. Longtemps icône dune certaine jeunesse révoltée, Gerard Reve est connu pour son ½uvre controversée, jalonnée de scandales, entre vision subversive de la religion et sexualité débridée (homosexuel, il fut lun des premiers à faire son coming out aux Pays-Bas). Flamboyant cousin dun Thomas Bernhard et dune Elfriede Jelinek, son ½uvre tout dabord contestée, fut finalement très largement saluée pour son audace, sa puissance et son humour. Son roman Le Quatrième Homme (1981) a dailleurs été porté à lécran par Paul Verhoeven en 1983. Décédé en 2006, il laisse derrière lui une ½uvre colossale et flamboyante, et limage forte dun écrivain que rien ne semblait pouvoir ébranler. Les éditions Phébus ont publié en 2005 un de ses romans majeurs, Mère et fils.
Roman d'initiation, ce récit poignant et superbement écrit emprunte à l'Histoire ses fragments les plus sombres pour se dresser contre le conformisme moral, le puritanisme et l'hypocrisie des rapports sociaux.
Dès que Simon voit le jour, en 1914, une vague suspicion plane sur cet enfant tardif du couple Minderhout. Il naït alors que meurt son jumeau. En Hollande, dans son petit village pétri de morale, de croyances et de superstitions, l'affaire est vue d'un mauvais oeil... Très proche de son père, Simon grandit dans l'amour de la nature mais, incompris des siens, il quitte un jour la campagne pour suivre des études de philosophie. Alors que survient l'effroyable occupation nazie, Simon s'égare un peu plus dans la confusion d'une vie qui persiste à le fuir dès qu'il tente de s'en saisir... Entouré de rares amis, il vit des amours difficiles à peine adoucies par sa passion pour la grande musique. Jusqu'à ce que surgisse, dans ses vieux jours, une rumeur destructrice.Vont alors s'abattre sur Simon de terribles accusations auxquelles, bien sûr, il ne comprend rien...
Sur un mode tragi-comique, Maarteen't Hart s'attache à décrire le destin d'un homme qui traverse le siècle sans jamais parvenir à balayer ses doutes et son sentiment de culpabilité.
Voici Hamid, treize ans, qui préfère dessiner des ciels ou jouer au foot plutôt qu'aller à l'école coranique le dimanche.
Voici son père, hadji autoritaire, qui refuse de comprendre pourquoi Hamid s'acharne à devenir un fils insoumis. Voici l'imam de Berkerode, un peu seul dans sa chambre d'un mètre sur deux où il écrit ses prêches. Voici Shaytan, jeune rebelle flanqué de deux acolytes, qui effraie les bons musulmans de la mosquée par ses propos enflammés. Qui est Shaytan ? L'alter ego d'Hamid ? Son double plus âgé, prompt à dénoncer toute forme de vision manichéenne du monde ? Ou encore l'ange déchu, rebelle, tentateur, qui éloigne le musulman de la foi ? Les jours de Shaytan est un roman d'apprentissage plein d'humour et de tendresse, un récit où se disputent les pères et les fils, les dieux et les anges, où s'opposent la rébellion et la loyauté, l'oppression et la libération.
« Au début de 1999, j'ai quitté Amsterdam pour entreprendre un périple d'un an à travers l'Europe. Un dernier état des lieux, en quelque sorte : où en était le continent en cette fin de XXe siècle ? Et en même temps un voyage dans l'histoire, dont j'ai suivi littéralement les traces, tout au long du siècle, d'un pays à l'autre, en commençant en janvier par les vestiges de l'Exposition Universelle de Paris et le souvenir de l'effervescente Vienne, pour finir en décembre sur les ruines de Sarajevo.
J'ai donc voyagé avec le siècle, empruntant un dédale de routes et de chemins qui m'ont conduit de Londres à Saint-Pétersbourg, de Lisbonne à Berlin. J'ai conversé avec les témoins du siècle - écrivains, politiciens, résistants, officiers ; le petit-fils de Guillaume II, des descendants de réfugiés espagnols dans les Pyrénées françaises, le secrétaire de la reine Wilhelmine, des dizaines d'Européens m'ont raconté leur histoire.
Dans ce récit de voyage, il est question du passé et de ce que le passé fait de nous. De discorde et d'incertitude, d'histoire et d'angoisse, de pauvreté et d'espoir. De tout ce qui divise et unit l'Europe d'aujourd'hui. »