L'Arbre A Paroles
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Elle est noire. La quarantaine. Féline divine. Puissante. Elle gueule. Cri de femme. Femme-enfant. Femme-mère. Femme fatale. Femme aux mots qui percent. Acérés. Lisette Lombé - du moins son héroïne - dévoile son cul, sa dentelle, ses fantasmes. Sans pudeur. Une venus ardente dans sa cité, une chatte brûlante et moite qui raconte ses quarante années. Son corps de femme. Les doigts qui effleurent, les doigts qui serrent, les doigts qui montrent, les doigts qui écrivent, les doigts qui pleurent à poings fermés. Et tu te retrouves, toi, dans cette danse syncopée, dans ces couvertures souillées de soir d'été, dans ces fantasmes inavoués, dans ce corps blessé de machine à téter, dans ces ébats cachés de puberté. Ce livre, c'est l'histoire de toutes les femmes. De tous les clitoris de la terre. (Nastasja Caneve)
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Un couple se défait dans la nuit madrilène. Resté seul, le narrateur se remémore les instants partagés, récolte les cendres de ce qui a été, tente de donner corps à des souvenirs endoloris. Des fragments de la relation achevée viennent s'échouer dans le quotidien de celui qui reste, comme des emballages vides transportés par le vent. A l'instar du périple bien réel de Francisco de Orellana sur l'Amazone ; les contours du deuil se révèlent toujours insaisissables, sans début ni fin, sans ligne de démarcation claire. La relation revêt alors un nouveau sens, celui d'un récit visant à restituer l'expérience sans tricher, sans masquer ses côtés les plus glauques, mais sans rien effacer de la tendresse qui demeure malgré tout. On retrouve dans Relation le style alerte d'Alexis Alvarez, l'ironie de ses métaphores et sa saisie ultra contemporaine du monde. Car l'amour dont il est question ici est un nouvel amour, l'amour au temps de la vitesse, au temps de la consommation et de l'oubli, un amour comme un aboutissement vertigineux de la solitude, à une époque où tout s'achète et tout se vend. « Nous, justement, on n'a rien créé. C'est dommage que notre relation n'ait pas accouché de quelque chose de tangible. Un calendrier de l'avent, un bricolage branlant, un jardin japonais en pot. N'importe quoi, mais un sanctuaire où je pourrais nous prier. »
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Black Words, avant d'être le livre que vous tenez en main, a été une performance mélangeant le slam, la danse, les musiques électroniques et la photographie.Réflexion sur les représentations que nous avons du corps des femmes noires, elle bousculait aussi les codes d'une certaine poésie érotique. Devenu livre, Black Words poursuit ce déboulonnage des stéréotypes liés à la femme noire, casse les codes de la pensée clivante et sonne le glas des sourds héritages.
« Nous sommes fiertés. Nous sommes claques. Nous sommes braises », nous dit Lombé, qui écrit, qui colle et qui slame pour que ses enfants, dit-elle, n'oublient pas de quel ventre ils sont nés.
Leçon de vie et d'indépendance, Black Words nous propose avant tout un pari, celui de la vitalité, en opposant aux tristes et aux atrabilaires le seul discours qui vaille, un discours fait de joie et de lucidité : « Méfie-toi des adultes grincheux et peureux qui ne te donnent pas envie de grandir ! Développe ton intelligence interculturelle : lis, voyage, amuse-toi, fais-toi des amis de tous bords ! Le monde est beau ! Méfie-toi des solutions simplistes et toutes faites ! Le monde est beau mais très complexe ! Et quand tu entendras que les étrangers sont des parasites, qu'ils volent le travail des Belges ou qu'ils sont dangereux, souviens-toi de notre conversation, de la poésie qui ne connaît pas les frontières et de la manière dont je t'ai regardé droit dans les yeux ! »
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Vesdre est le récit poétique d'une tragédie, la mise en mots d'un traumatisme pour la mémoire de ceux qui périrent, et pour ceux qui luttent encore dans les vallées meurtries.
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« Si c'était un film, il serait truffé de longs plans fixes parfois un long travelling ou un plan rapproché sur un détail (son sac, une mèche de cheveux, sa main sur le changement de vitesse, la valise éventrée sur le lit, les frondaisons des arbres à travers les baies vitrées) pas de voix-off, surtout pas. Beaucoup de silence, les bruits de la maison, de la rivière, les rires des enfants, des touristes, le ronronnement saccadé d'une bétaillère passant sur le pont, les cloches de l'église, un volet qui claque, la rumeur du marché, de la brocante, des badauds commentant la procession ».
Aliénor Debrocq signe ici un objet littéraire rare, sensoriel, qui lorgne du côté de Rohmer et de Michon mais avec un regard, des préoccupations une approche qui n'appartienne qu'à elle. Ici un paysage est un livre qui se traverse. Dès la première phrase, nous sommes dépaysés, sortis de nos habitudes de lecture. « Il y aurait la voiture de location ». Tout vient de là, de ce conditionnel qui dit si bien ce qu'est la littérature : une étude des possibles, une étude du passé et des silences plantés aux quatre coins du monde afin de le comprendre mieux. Ainsi pourrait se résumer le programme de l'héroïne, débarqué dans la Creuse dans sa Fiat de location pour sonder la mémoire des sites industriels, et espère-t-elle en percer l'un ou l'autre secret. Il est là, le tour de force de cet opus : mêler dans un même souffle poésie et enquête sociologique, souci d'exactitude et voyage au-delà des apparences comme si, à écouter le paysage, commençait la vraie aventure, celle de tous les possibles et des apparitions les plus étranges, telle la vulve-champignon d'une dénommée Madame Michaud... -
Un recueil de poèmes habité par la violence et le désir d'émancipation des femmes.
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"Carte pour le monde à venir" est le cinquième livre de l'auteure amérindienne Joy Harjo, l'une des plus importantes poétesses américaines. Publié en 2000 chez W.W. Norton and Company, il alterne poésies et récits.
En entretissant poèmes et courts récits, modulant des histoires qui se font mutuellement écho, Joy Harjo nous emmène dans un voyage aux multiples facettes. Voyage à travers l'histoire, en lien avec les migrations des Amérindiens et le déplacement de sa tribu, les Creeks. Voyage à travers le monde : des terres amérindiennes natales à Hawaï, en passant par l'Italie, l'Inde ou l'Égypte... Voyage intérieur, enfin, grâce au pouvoir du rêve et de la mémoire. En voyageuse infatigable, Joy Harjo tisse entre les êtres - proches et lointains - des liens inattendus. Ses mots content la violence, l'inimitié, l'exploitation des plus faibles et la douleur des séparations, mais aussi la force de l'amour, du soleil et de la bonté de certains êtres, une force qui persiste au-delà du danger et de la mort. L'expérience urbaine et contemporaine croise le passé historique et mythique amérindien dans un heureux mélange de réalisme et d'éléments oniriques. Le monstre des eaux emmène le père loin de sa famille. Le sage corbeau dialogue avec les hommes et l'araignée les intègre dans la trame de l'histoire. Ciselés comme des contes, ces textes continuent de résonner longtemps après les avoir lus, tant ils parlent à cette part essentielle de nous-mêmes : la part poétique, méditative et profondément humaine.
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Kasala pour mon kaku et autres poèmes
Fiston Mwanza mujila
- L'Arbre A Paroles
- 16 Octobre 2021
- 9782874067136
Écrire de la poésie depuis plus d'une quinzaine d'années et parcourir en long et en large sa production littéraire, c'est comme effectuer un périple en train - de Moscou à Cap Town. Vous traversez des bourgades de mille âmes, des mégalopoles, des forêts, des prairies, des landes, des espaces désertiques... Vous entrevoyez toutes sortes de nuages. Des animaux chevauchant la savane. Des éoliennes. Des cimetières. Des églises. Des gares désertes et paumées par-dessus le marché. Des cockpits soudoyés par le soleil. Des restaurants à trois sous l'assiette. Des montagnes enlacées par les eaux. Des usines à l'abandon. Des ponts suspendus. Des cars de camping. Il en ressort de ce voyage de l'émerveillement, de la déraison et de la fatigue, mêlés aux questions existentielles.
Ce livre occupe une place particulière dans mon parcours. S'il reprend les thèmes que j'affectionne, il contient également des germes de rupture. Il est mon tout premier ouvrage à s'inspirer de manière directe de la tradition orale luba. Je puise dans la spiritualité de ce peuple dont je suis issu. J'évoque sa marche vagabonde à travers le passé. Je réanime les us et coutumes et tisse des liens avec le Kasala, genre littéraire oral. C'est un retour au pays natal, après une dizaine de vies en Europe.
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Ô feu ma terre! est une traversée qui vient faire ressurgir la mémoire des premières sensations d'enfant. Cette densité et cette intensité des états émotionnels traversés par l'enfant sont un point de départ à son écriture. C'est le corps qui s'exprime, cherche à se nommer, à sortir du silence et de son isolement. Sa langue est organique, viscérale et sensuelle. C'est l'urgence du corps à dire, qui pousse ses mots sur la page. Dans ce long poème nous arpentons la fugacité, l'impermanence, le trouble d'une quête d'amour absolu et insatiable, un dialogue amoureux entre ce qui pousse dans les champs de pertes et les ruines qui parlent encore d'amour.
Préfacé par Jean-Pierre Siméon qui l'accompagne depuis maintenant presque 15 ans. -
Un soir, un joueur qui pense avoir tout perdu se retrouve avec une femme qui lui propose un pacte étrange : la suivre partout où elle ira, durant un an. Au départ de ce motif, Emmanuel Régniez construit un livre fou : sur le masque et le double, la mémoire et l'oubli. Il nous embarque dans un voyage autour du monde, mais un voyage dont le but serait moins de découvrir de nouvelles choses que d'en redécouvrir d'anciennes. Fascinant, brillant, ce livre s'inscrit dans la droite ligne de ceux que l'auteur publie depuis plusieurs années au Tripode. Pour nous qui le lisons, les effets sont les mêmes : notre tête tourne, notre respiration s'accélère. On cherche avec le narrateur la raison de ce pacte, ce que cette mystérieuse inconnue semble attendre de lui. On avance avec l'impression de reculer, et recule en avançant, pris dans cette saisissante réflexion sur la nature du temps. Prodigieux.
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Les Nuits filantes puisent leur substance dans le me´lange de deux e´motions, la joie sans borne d'une me`re observant son premier enfant et une forme de me´lancolie qui en serait indissociable. Au-dela` du partage d'expe´rience tre`s personnel de la mise au monde, l'e´crit est envisage´ ici comme un objet-souvenir, le seul a` me^me, peut-e^tre, de rendre perceptible le rapport intime a` l'e´phe´me`re et a` sa propre finitude. D'autres pourraient le lire comme une invitation a` renouer avec une curiosite´ primale et le plaisir de la de´couverte. A moins qu'il ne s'agisse d'un e´loge du vivant. Un premier livre qui signe la naissance d'une voix forte et sensible, assure´ment.
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Entre l'âge de 8 et 17 ans, Fernando Pessoa a vécu en Afrique du Sud ; il lui en restera une parfaite maîtrise de la langue anglaise. S'appropriant cette langue qui n'est pas la sienne, il la réinvente à sa façon (un peu à la manière de Beckett écrivant en français). Si, de son vivant, il n'a publié sous son nom qu'une seule oeuvre en portugais, sont par contre parus quatre recueils en anglais, plus de nombreux fragments, rassemblés dans ce livre. Dans une grande rigueur d'expression, Pessoa y atteint les sommets de la poésie métaphysique, notamment dans Antinoüs et dans les Trente-cinq sonnets, qui comptent parmi ses plus grands chefs d'oeuvre.
Charme.
De la rive lunaire des songes, Je tends vers toi mes mains jointes, O toi qui descendis d'autres fleuves, Que ceux que l'oeil espère voir !
O couronnée des rayons de l'esprit !
O spiritualité voilée !
Mes rêves et mes pensées abaissent, Leurs oriflammes à tes pieds.
O ange qui naquis trop tard, Pour rencontrer l'homme déchu !
Sous quelles neuves espèces sensibles, Nos vies jumelles connaîtront-elles, la douceur ?
De quel nouvel émoi dois-je, Rêver pour te croire mienne ?
De quelle pureté du désir ?
Toi qui te vrilles comme une vigne, Autour de ma foi caressée !
O vin de l'esprit pressé en rêve !
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Grammaire n.f : [...] ensemble des structures et des règles relatives à une langue. Extens. Ensemble des règles propres à un art. [ comme si le vide suivait ses propres courbes, le poème la poussière à l'arrière du passage. ornière énorme et pourquoi pas. ta voix s'y cache c'est mystère. tu renonces enfin à son expression franche dans les espaces publics. tu te dénoues ça tremble et ton corps se disloque. une histoire de querelle entre l'éclair et la nuit ; perte de temps pour sûr qui dirait le contraire. débauche d'inouï pour fange à même la peau. c'est invendable. tant mieux. à la loi du marché opposer ta grammaire insolite ]
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N'attendez pas d'histoires, de boniments. Nous vivons encore est un livre à l'os. Poésie pure, il raconte l'éclat, la fissure, ce qui reste quand on pense avoir tout perdu, l'espoir qui se relance ailleurs, sur de nouveaux chemins. La grâce, voilà le sujet de ce livre. Dans le fond comme dans la forme, le texte brille. Comme si Ludivine Joinnot entendait ce que les mots ont de plus précieux à nous dire. Et ce qui en ressort, c'est qu'il existe un lieu, dans cet espace fragile où nous nous débattons, pour la beauté et le sens, pour le combat, le rire, un lieu pour continuer à embrasser et à chérir ce qui en vaut la peine. La grâce. La tendresse et la rage. Ainsi qu'une humanité folle, qu'à notre tour nous avons envie d'embrasser, de chérir. Il est précieux, ce Nous vivons encore, première publication de Ludivine Joinnot.
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Troisième livre de Doina Ioanid édité à l'Arbre à paroles, Histoires du pays des babouches est une nouvelle petite merveille d'inattendu. Comme dans ses précédents recueils (Rythmes pour apprivoiser la hérissonne et Coutures), l'auteure ausculte le monde de sa langue délicieusement désuète, et nous le donne à voir comme jamais on ne le voit. Mieux, elle nous le donne à goûter, à ressentir, à vibrer. Mais attention, dans ce Pays des babouches, les grandes choses n'ont aucune place. Mieux, elles n'existent pas. Ici, c'est le petit qui compte, le détail, ce que d'habitude on ne remarque pas. Oignons. Citrons. Violettes. Sel et poivre. Voilà ce qui intéresse Ioanid, voilà ce qui la titille. « Prendre le chemin du poivre et du sel. Leurs histoires te rassemblent comme les doigts d'une main. Et de nouveau cette musique d'un tram qui ramène des souvenirs sur ses rails. Sel et poivre, le chemin de tes pas sur le plancher blanc. » Plus que jamais, l'auteure tisse des micro-fictions à base de dentelle et de souvenirs. Plus que jamais, elle relance les dés du réel et le rejoue ailleurs, sur ces terres où - et c'est la force de toute littérature authentique - la vie peut être vécue différemment, avec une intensité différente, avec fantaisie, avec audace, avec douceur et nostalgie. Ce pays des babouches, c'est le pays du conte.
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Des ombres nous attendent au coin des rues anciennes - on leur parle, elles ne répondent pas sauf par quelques phrases, quelques attitudes que l'on a précieusement conservées dans un coin de sa mémoire. Comme des bornes militaires. Et l'on s'étonne de constater que finalement tout est vrai et que tout est illusion en même temps.
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On connaît la patience et le regard empli d'émerveillement de Pierre Coran. Dans ce recueil, ses yeux se portent sur la ville d'Ostende et plus particulièrement sur les ciels qui la traversent. Oiseaux, badauds et cargos font le paysage de cette cité bordée par la mer du Nord. Au fil des mois et des saisons, les paysages se transforment, la mer prend tantôt des airs de pâtissière tantôt ceux d'un puits sans fond et sans margelle. Si vous regardez bien, peut-être parviendrez-vous à percevoir l'instant magique où la nuit et l'eau se confondent ? Ciels de ville, Ciels de mer D'où s'exilent Des mystères, Des légendes : Ciels d'Ostende.
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Face à l'omnipotence dudit Dieu des hommes, face au diktat du patriarche et du monothéisme, Aghar, Agar ou Hajer - selon les diverses graphies - femme libre rendue esclave pour assurer la descendance du patriarche, fut ensuite rejetée, répudiée et renvoyée dans le désert. Dans son errance, lors de ses cheminements, Aghar, nommée folle, devint ainsi au regard des communautés des hommes, la femme figure de la rupture, de la remise en question de la vérité et de l'ordre établi, comme le signe d'une parole autre et d'un chant énigme. Ici s'ancre le récit d'Aghar et des Cheminants.
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Les Astropoèmes sont des cartes pour le monde présent. Si vous vous y glissez, vous apprendrez des choses sur votre fonctionnement et votre environnement. Sur votre intimité. Vous n'oublierez plus de mettre le cadavre dans la poubelle verte. Vous saurez que si vous pleurez, il est préférable de le faire sous la douche, ou au-dessus du lave-vaisselle. En fait, vous aurez le sentiment de vous rapprocher de vous. Vous saurez comment déjouer les pièges que vous vous tendez à vous-même, et ceux que l'on vous tend. Vous n'aurez plus peur et, par-dessus tout, vos journées seront de plus en plus claires. Limpides.
Car dans ces horoscopes élevés au rang de haïkus insolites, vous reprendrez contact avec la magie primitive, celle des mots qui s'écrivent dans un élan farceur, celle de l'imagination débridée et du pouvoir performatif de la parole. Au pays de Vasquez et de Calleja, il n'y a pas de poésie sans jeu et sans joie. Et si on s'en souvenait pour les mondes à venir ?
Laura Vazquez vit à Marseille. Elle a publié plusieurs livres aux éditions Derrière la salle de bains, Cheyne, Plaine page et Littérature Mineure. Elle fait des lectures partout et des vidéos sur internet.
Arno Calleja vit à Marseille. Il écrit des textes courts en revue et sur le web. Derniers livres parus : La performance (Joca Seria, 2013). Tu ouvres les yeux tu vois le titre (Le Nouvel Attila, 2018).
Ensemble, Laura et Arno dirigent la revue Muscle.
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Vivre au vingt et unième siècle est un texte unique en son genre : récit poétique interrogeant notre utilisation massive des nouvelles technologies, il se présente comme une plongée, une descente dans le tourbillon de ce quotidien ultra-connecté qui est le nôtre. Un quotidien où nous nous approchons sans nous toucher, où nos rencontres amoureuses se font en ligne et où nous partageons nos voeux d'anniversaire, le plus naturellement du monde, sur des messageries virtuelles. Mais ce qui est saisissant ici, c'est l'approche, ni technophile ni technophobe, mais bien plutôt ultra sensible : on est là, avec l'auteur, et l'on sourit parce que l'on se reconnaît dans ces tableaux qu'il peint, et parce que ces êtres sans repos, happés par ces lueurs et ces écrans, c'est nous, voilà, c'est nous en ce moment même, ici et maintenant. En se penchant sur un sujet a priori dénué de poésie, le tour de force d'Edgar Kosma est précisément de nous montrer que ce drôle de monde où nous vivons, n'en est pas moins rempli de beauté, de raisons de se réjouir et de tomber amoureux. Telle est la grâce d'un livre qui parlera à chacun d'entre nous : nous faire ouvrir les yeux sur ce que nous ne voyons plus, nous faire prendre un peu de hauteur et nous rappeler quelques vérités essentielles. Avant que tout ne cesse et ne s'efface, qui sait.
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Sans lassitude des paysages est né dans le mouvement et le bruit. Les poèmes qui le composent disent l'existence dans sa simplicité, le regard qui fixe les minutes, l'instantané des rencontres, l'exploration du sensible et surtout la tentative d'accès à la joie et à la poésie.
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Vivre un infarctus du myocarde à quarante-trois ans a balayé toute certitude chez Michaël Lambert. Du jour au lendemain, son histoire personnelle vole en morceaux. Lui qui travaille la terre et cultive la poésie au quotidien se retrouve à l'hôpital où, en plus d'une kyrielle de médicaments, on lui prescrit une revalidation au long cours. Ce livre rend compte de la rupture imposée par un tel événement. Il raconte ce que cet arrêt momentané du coeur chamboule, perturbe et fait renaître, puisque il est entendu que, passé l'orage, rien ne peut plus être comme avant. Les rythmes complexes du monde, le rapport au temps, aux autres, à l'espoir et à la poésie, rien ne peut plus être comme avant. Ce texte, infiniment bouleversant, offre à toutes et à tous d'écouter ce que raconte un coeur quand, quelques instants, il se tait.
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Le matin souvent je ne veux pas me lever j'attends le dernier momentet après le dernier moment je reste au lit et je me mets à lire commesi les lignes étaient mon corps debout autre part faisant autre chose etsurtout pas des choses molles« Il est de ces périodes dont on voudrait pouvoir tout sauver, toutdire, tout retenir. Voilà ce qu'il s'est passé pendant l'hiver 2023, àMarseille. J'écrivais partout et dès que je le pouvais. J'avais enfintrouvé une voix qui disait je. Une voix qui ne me trahissait jamais.Ainsi, jardin est né dans les interstices du quotidien, d'une terrassede café à une autre, autour de motifs qui se répètent et se déformentpour dire le corps dansant, le corps de femme, le corps sexuel, lecorps flottant en mer, le rire et les larmes. Mahmoud Darwichdit que l'identité c'est ce qu'on embrasse, ce qu'on amasse sur sonchemin ; jardin est un lieu où j'ai tenté de la faire germer.