Dans ce texte, le philosophe allemand entreprend de ruiner la métaphysique. Il donne forme à ce que l'on appellera plus tard le criticisme. Traduction inédite.
Martin Buber (1878-1965) est essentiellement le philosophe de la réciprocité.
Il est en effet à l'origine de l'attention toute particulière accordée à la problématique de l'autre dans les philosophies existentielles du XXe siècle. Publié à Heidelberg en 1923, le Je et tu (Ich und Du) suscita, influença ou accompagna les réflexions de Husserl sur la coexistence des intentionnalités, celles de Scheler sur la "sympathie", celles de Jaspers sur la "communication", de Heidegger sur le "mit sein", de Sartre sur le "pour-autrui" et de Lacan sur "l'autre".
Si tous n'ont pas forcément lu ou médité Martin Buber, chacun au moins, par son cheminement autonome, exprime l'importance primordiale de la réflexion sur l'autre. Notamment Levinas, chez qui la philosophie du visage comme signe divin fait écho à la doctrine bubérienne du Face-à-Face. Gaston Bachelard exprime le centre incandescent de l'oeuvre de Buber, dans sa Préface au Je et tu : "Il faut avoir rencontré Martin Buber pour comprendre dans le temps d'un regard la philosophie de la rencontre, cette synthèse de l'événement et de l'éternité.
Alors on sait d'un seul coup que les convictions sont des flammes et que la sympathie est la connaissance directe des âmes. C'est ici qu'intervient la catégorie bubérienne la plus précieuse : la réciprocité".
Comment redonner à la technique le statut qui lui revient dans la culture et comprendre les vraies sources de l'aliénation dont on l'accuse d'être la cause? Trop souvent, en effet, la réalité technique a été jugée selon l'opposition entre contemplation et action, théorie et pratique, loisir et travail. Ces oppositions ne sont pas adéquates, car l'objet technique ne se définit pas essentiellement par son caractère utilitaire, mais par son fonctionnement opératoire. Il faut attribuer à l'objet technique un statut ontologique à côté de celui de l'objet esthétique ou de l'être vivant, en comprenant le sens de sa genèse. Il est alors possible d'étudier les relations de l'homme avec la réalité technique, notamment du point de vue de l'éducation et de la culture. Mais c'est aussi la genèse de la technicité elle-même qu'il faut comprendre, par l'analyse de l'ensemble des relations fondamentales de l'homme au monde. Cet ouvrage d'une extrême originalité a modifié de façon profonde et durable la réflexion philosophique sur la technique et il est devenu depuis 1958 une référence incontournable de la pensée actuelle.
Le temps, pour Descartes, n'est pas discontinu. Voilà la thèse de ce classique des études cartésiennes, qui propose une idée de Descartes entièrement nouvelle.La Philosophie première de Descartes permet en effet une nouvelle lecture des doctrines cartésiennes les plus énigmatiques : la libre création des vérités éternelles, le lien entre intuition et déduction, la place du pouvoir de choisir dans la définition de la liberté.L'ouvrage pose aussi, de façon originale, la question présente de la possibilité d'une métaphysique, comme rapport du temps à l'éternité ou de notre pensée à la vérité.
Au centre de ce volume se trouve «L'épistémologie naturalisée», sans doute le texte le plus influent de Quine : référence de la philosophie analytique dans sa version naturaliste, il a été utilisé non seulement comme manifeste philosophique des sciences cognitives, mais aussi comme signal d'un renoncement à l'antipsychologisme des pères fondateurs de la philosophie analytique. Quine y affirme que l'épistémologie devient «un chapitre de psychologie», puisqu'elle étudie «un phénomène naturel, à savoir un sujet humain physique» et sa production de théorie (output) à partir de données sensorielles (input). Il reverse la question épistémologique à la psychologie, la renvoyant au schème conceptuel de la science dans son ensemble.
L'inverse vaut aussi : la science naturelle, par un effet de «mise en abyme», est finalement contenue dans l'épistémologie. On comprend pourquoi il est important que l'épistémologie soit naturalisée, et non, comme on l'imagine parfois, l'esprit, l'intentionnalité ou le langage.
Naturaliser signifie renoncer à toute fondation extérieure à la nature, et certainement pas retrouver de nouvelles certitudes dans la science.
Un naturalisme second ne serait plus fondé sur le modèle des sciences de la nature, mais sur notre nature, qui est sociale. Cet ouvrage a ainsi lancé le débat crucial sur les variétés du naturalisme : Sellars, Strawson, Putnam puis McDowell ont travaillé à élaborer ce naturalisme de la seconde nature. Le naturalisme devient alors simplement une position immanente, refusant toute argumentation transcendantale et toute position d'arrogance de la philosophie comme de la science. La réflexion sur le naturalisme, sur ses limites et sa nature, est certainement un élément essentiel de l'héritage philosophique de Quine aujourd'hui, et l'acquis le plus durable de la Relativité de l'ontologie.
Au moment même où elle naît dans les Dialogues de Platon, la philosophie est tenue d'observer et de susciter des imitations et des ressemblances: elle doit expliquer comment l'homme ressemble au monde ou bien comment les phénomènes apparents ne sont que des imitations des réalités véritables, que seule la pensée perçoit; mais elle doit aussi inviter l'homme à parfaire sa ressemblance aux dieux, à "s'assimiler" à eux, ou bien encore s'employer elle-même à faire que la cité soit ordonnée à la ressemblance des modèles divins que sont les astres. La réflexion philosophique sur la nature, sur la connaissance, sur les moeurs ou sur la cité est ainsi et toujours menée par Platon selon les ressemblances qu'il s'agit de percevoir ou bien d'accentuer, selon les imitations qu'il faut accomplir ou parfois redouter. Car la simulation fallacieuse, celle des mauvais poètes et des sophistes, est bien le risque auquel Platon confronte, pour l'y soustraire, la philosophie.
1947.
La République se réinvente. A près de quatre-vingts ans. Alain (1868-1951) entreprend l'écriture de ses souvenirs, ultime testament d'un penseur politique et d'un pédagogue engagé qui rappelle l'Etat à sa vocation d'éducateur: il faut instruire le peuple, lui donner le pouvoir de tout comprendre, de dominer l'indignation et la colère, toutes les passions qui font la guerre, les ruines et les massacres.
Et d'abord combler l'abîme entre I'élite et le peuple, que personne ne veut éduquer et qui ne souhaite pas être éduqué. Aujourd'hui comme hier, ce qui fait obstacle à la République. c'est le mépris de l'égalité. D'où l'importance accordée par Alain à la formation intellectuelle des enfants. En témoigne le Traité des outils 1925-1928 : il s'agit de fermer l'enfant parla pensée de l'élémentaire. de lui donner les moyens de manier les armes avec lesquelles il mettra sa pensée en mouvement et abordera souverainement le jugement économique et politique Du bâton, l'outil le plus simple à l'aéroplane.
En passant par le levier, le treuil, la roue, le cric, la grue on le moulin. Alain nous met dans les pas de cette humanité conquérante, mère de l'allumette et de l'électricité, du sablier et de l'horloge de la vapeur et du moteur à explosion. Les Dix Leçons d'astronomie (1910-1911) ont quant à elles pour vocation d'accompagner l'instituteur dans sa démarche : apprendre à l'enfant à penser et à sentir son appartenance au monde en lui racontant l'irrésistible course des étoiles.
Déjà Main militait pour la pensée agissante et révolutionnaire. celle qui fait passer le citoyen de l'imagination à l'entendement, du croire savoir au vouloir savoir, et du vouloir savoir au vouloir voir. Trois textes inédits qui étaient et demeurent ardemment à contre-courant. et maintiennent vive l'espérance du progrès social.