Trois récits majeurs de Kafka - "La Métamorphose", "Le Verdict" et "Le Mécano" - réunis en un volume. Kafka, habituellement réticent à publier, soumet ce projet à son éditeur dès 1913, à qui il écrit : "Il existe entre ces trois textes un lien manifeste, et même au-delà, un lien secret". Il ne paraîtra en allemand qu'en 1989 et pour la première fois en français avec le présent ouvrage.
Tous les trois surgissent en 1912, dans un intervalle intense et libérateur de dix semaines. On y retrouve les thématiques de l'oeuvre ultérieure ainsi que l'influence profonde de la mystique juive.
Envisagé comme un tout fondateur, infusé par la mythologie kabbalistique, Les Fils permet de renouer avec la démarche originelle de Kafka et ouvre de nouvelles pistes de lecture d'une oeuvre inépuisable...
Essai sur l'Allemagne et la montée du nazisme écrit à la manière d'un reportage subjectif à partir de notes prises sur place. Jacques Decour le réalise à 20 ans suite à son départ pour Magdebourg dans le cadre d'échanges de professeurs entre l'Allemagne et la France avant l'arrivée d'Hitler. Il nomme la ville Philisterburg, autrement dit la capitale des philistins, bourgeois bornés et pédants.
Le Massacre des illusions offre les réflexions de Leopardi consacrées à la politique, à la société et à l'histoire des civilisations. Rebelle à tout esprit de système, loin de toute tentation doctrinaire et superstition rationaliste, il cisèle l'ère du temps par un regard critique incisif et un sens aigu des détails. Digne héritier de Machiavel, son ironie désespérée, sa finesse et son pessimisme lumineux le placent dans la lignée des plus grands moralistes. Observateur lucide de ses semblables, Leopardi fait dans Le Massacre des illusions un portrait de son époque toujours aussi actuel. À l'abri de toute idéologie ou récupération, il ne se préoccupe que de ce qu'il voit : l'homme et son monde.
J'ai mélangé le noir de tous ces ciels Qui nous ont vus se pencher l'un sur l'autre. Simon Johannin
Nino, 19 ans, raconte son quotidien de jeune sans le sou à Paris, entre petits boulots, trafics en tout genre et fêtes. Amoureux de Lale, il voit son couple menacé par la pauvreté, contre laquelle il lutte avec obstination. Mêlant des dialogues truculents aux observations et réflexions du personnage, ce roman esquisse le portrait d'une génération sans avenir.
Voici un recueil de poésie comme autant d'amulettes pour conjurer nos démons modernes. On y trouvera quantité de symboles : or, roses, rubis et serpents... Pour autant, rien d'hermétique ici. Le réel sature chaque vers de lumière, de chaleur et de vent. Mais transmuter la vie en poème n'est pas sans risque !
Les corps vibrants côtoient les visions d'anges et de sirènes, à qui l'on offre son coeur en sacrifice. La menace du temps et de la mort plane. « Le poids des ailes que l'on porte » fait échouer les coeurs purs sur le béton.
Depuis ses romans au romantisme électrique, on connaît l'habileté de Simon Johannin à mêler noirceur contemporaine et fulgurances lumineuses. Avec une puissance d'évocation intacte, il nous emporte ici « voir éclore l'hiver et l'été en même temps ».
Dans une langue radicale, ironique et espiègle, Simon Johannin ressuscite son enfance, sorte d'été éternel, avec ses rudes besognes et ses jeux cruels. Les règlements de compte, l'alcoolisme, l'abattage du cochon ou la découpe des agneaux rythment ce récit bouleversant, où la tendresse et la camaraderie le disputent à la rage et à la véhémence.
Les gosses qui grandissent à La Fourrière, hameau égaré en montagne, n'ont qu'à bien se tenir pour éviter les roustes paternelles. Et les évitent rarement. L'auteur inflige, lui, une violente correction à la langue. Cet été-là, c'est toute une vie condensée, où le passage à l'adolescence ne sera pas sans heurts. Ces personnages aux prénoms bibliques - Simon est toujours flanqué de son copain Jonas - sont les héros d'une parabole.
Dans cet ouvrage fondamental rédigé en 1661 et autrefois connu sous le titre de Traité de la réforme de l'entendement, Spinoza part du constat que notre expérience du quotidien nous procure de grandes joies mais aussi moult frustrations et déceptions. Nous oscillons sans cesse entre moments d'euphorie, d'impression de plénitude, suivis de phases descendantes. Poursuivant inlassablement le bonheur, nous n'atteignons jamais la sérénité ni une véritable satisfaction pérenne. Asservis par ce désir de bonheur via des joies fragiles ; les honneurs, la richesse, les loisirs, etc, les hommes ont perdu le sens même de la véritable félicité. Le penseur hollandais invite ici à envisager une «nouvelle manière d'être», encourage à voir et à percevoir par le biais de l'intelligence afin d'approcher la vérité et le savoir, car seules elles peuvent conduire au bonheur et à la joie.
Des arbres du Sud portent un fruit étrange Du sang sur les feuilles et du sang aux racines Un corps noir oscillant à la brise du Sud Fruit étrange pendu dans les peupliers» En 1939, Billie Holiday n'a que 24 ans quand elle interprète pour la première fois Strange Fruit. Non sans susciter le scandale, cette chanson évoque l'assassinat des noirs par lynchage. Protest song avant l'heure et symbole de la marche des Noirs vers l'émancipation, elle fut écrite par un Juif blanc new-yorkais, Abel Meeropol, qui recueillit les enfants Rosenberg après que leurs parents furent exécutés. La revue musicale britannique Q, a classé Strange Fruit parmi les dix chansons qui ont changé la face du monde. David Margolick montre son impact, musical et historique.
Le sacrifice, une pratique brutale qui nous serait totalement étrangère ? Rien n'est moins sûr, comme le démontre magistralement Essai sur la nature et la fonction du sacrifice. Avec ce texte paru en 1899 dans L'Année sociologique, Hubert et Mauss prennent leurs distances avec la méthode anthropologique traditionnelle. Véritable classique des sciences humaines, il constitue le premier jalon d'une étude systématique de la religion et du sacré. En traitant le sacrifice en fait religieux, et donc en fait social, celui-ci devient ainsi un objet d'étude accessible à la sociologie.
«Vous qui lisez ce livre, vous êtes sans doute comme moi un ou une membre ambivalent(e) de la classe managériale. Je suis une personne appartenant tout au plus à la deuxième génération de cette classe, mais ce que j'en perçois me déplaît, et je suis déterminée à lutter pour redonner une dimension commune à toutes les choses que la classe managériale cherche à monopoliser : la vertu, le courage, la détermination, l'érudition, les connaissances spécialisées, le prestige et le plaisir, ainsi que le capital culturel et le capital réel. Tracer les contours changeants de la classe à laquelle on appartient suppose d'entamer un difficile processus politique d'autocritique.» Les jeunes cadres ambitieux ne sont plus ce qu'ils étaient ! Des hippies d'hier (leurs ennemis d'antan), les nouveaux yuppies ont hérité du refus des normes professionnelles et hiérarchiques. Ou tout au moins, de « certaines » de ces normes. Tout leur secret est là, dans cette capacité à combiner contre-culture hédoniste, valeurs progressistes et surconsommation.
Le Monopole de la vertu démontre comment cette « classe managériale » a redéfini le débat politique. Il retrace ainsi leur parcours depuis les années 1960 : revirements, hypocrisie, fausse conscience de classe, stratégies culturelles élitistes... Jusqu'à Donald Trump qui, en catalysant le ressentiment populaire à leur égard, s'assura la victoire aux élections présidentielles de 2016.
Loin de tout anti-intellectualisme, la critique de Catherine Liu diffère profondément des médias conservateurs ayant pris pour cible cet avatar américain des « bobos bien-pensants », électeurs de Clinton et Obama. Alors que le débat politique se fait toujours plus binaire, Le Monopole de la vertu livre une réflexion mordante et polémique sur cette classe de cadres intellectuels supérieurs qui, en s'adaptant aux contradictions du capitalisme, lui permettent d'en perpétuer le règne.
Et si la radio était avant tout un art ? Empruntant au manifeste et à l'art poétique, Pour un art radiophonique appelait dès 1930 à investir créativement la T.S.F. (pour "télégraphie sans fil").
Précurseur et influencé par la psychanalyse, Deharme pressent que ce nouveau média, accessible à un large public, a le pouvoir de stimuler l'inconscient de l'auditeur en faisant émerger des images à partir des seuls mots et sons. Fourmillant de propositions avantgardistes, Deharme repense le reportage radio, ses conditions d'écoute et anticipe la possibilité du montage sonore, impossible à l'époque. Alors que le formatage n'épargne pas la radio, ce texte fondateur ouvre la voie vers tout un territoire à défricher. La radio n'a pas dit son dernier mot !
Voici sans conteste la plus extraordinaire des aventures de Casanova, celui qui le rendit célèbre : le récit de son évasion spectaculaire de la prison vénitienne des Plombs, d'où jamais personne ne s'était échappé. Arrêté pour conduite amorale et possession de livres occultes, Casanova ne sait pas quelle sera la durée de sa peine. Ce qui le conduit à une certitude : pour sortir, il faudra s'enfuir. On découvre ses compagnons de cellule et avec eux, toute une micro-société carcérale de l'époque. L'incarcération de Casanova est aussi un exercice philosophique, critique cinglante de la religion et du système carcéral. Athéisme, liberté morale, aventure : plus qu'à aucun autre texte, le libertin doit à Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise son éternel panache romanesque.
Première véritable incursion de Dada dans le domaine du récit, L'Autruche aux yeux clos porte une magnifique exigence libertaire qui n'épargne rien, et surtout pas les conventions du genre : courses autour du monde, faux exotisme, poursuites amoureuses à la conclusion sans cesse différée, action improbable imprégnée d'humour noir.
«Jusqu'à des droits très proches de nous, jusqu'à des économies pas très éloignées de la nôtre, ce sont toujours des étrangers avec lesquels on 'traite', même quand on est allié. Les gens de Kiriwina dans les Trobriand dirent à M. Malinowski?: 'Les hommes de Dobu ne sont pas bons comme nous?; ils sont cruels, ils sont cannibales?; quand nous arrivons à Dobu, nous les craignons. Ils pourraient nous tuer. Mais voilà, je crache de la racine de gingembre, et leur esprit change. Ils déposent leurs lances et nous reçoivent bien.' Rien ne traduit mieux cette instabilité entre la fête et la guerre.» «Nous n'avons pas qu'une morale de marchand», énonce Marcel Mauss dans ce texte majeur de l'anthropologie du xxe siècle. Il y expose le résultat de plusieurs décennies de recherches sur différentes sociétés archaïques. Non seulement il est possible d'envisager l'échange en dehors du marché, mais des économies complexes reposent sur le don et le contre-don. Le nom du système au coeur de son analyse est resté dans les annales?: le potlatch.
Notamment pratiqué dans certaines tribus amérindiennes, ce rite somptuaire fondé sur la destruction de ce que l'on possède amène au sommet de l'échelle sociale seuls les individus capables de se séparer de tous leurs biens. En s'intéressant à ce système allant à l'encontre du rationalisme économique tel que nous le subissons, ce texte exerça une profonde influence sur l'ensemble des sciences humaines, jusqu'à Guy Debord et ses comparses de l'Internationale lettriste qui baptisèrent leur propre revue Potlatch.
Le potlatch et la kula revêtent avant tout une dimension spirituelle?: la chose donnée n'est pas inerte, elle engage l'honneur de celui qui la donne, autant que de celui qui la reçoit. Cette dimension sacrée de l'échange nous fait aujourd'hui cruellement défaut. C'est peut-être dans notre rapport au don que se trouve la clé de la crise morale que l'humanité affronte aujourd'hui.
Dès sa parution en 1927, La Crise du monde moderne fut une véritable secousse.
Critique inclassable, ce texte précurseur dénonçait les dérives de la modernité et de l'idée de progrès. René Guénon rapproche ainsi notre époque moderne, son individualisme et sa confusion idéologique, de ce que la pensée hindoue désigne comme le Kali-Yuga : l' « âge sombre ».
L'auteur s'attaque par ailleurs au matérialisme et au rationalisme de notre société. C'est alors en Orient que résiderait la possibilité d'une initiation à un mode de connaissance que nous avons perdu et qu'il nous faut retrouver.
À l'heure de la mondialisation et d'une économie capitaliste aux conséquences toujours plus désastreuses, cette charge contre les illusions et l'hégémonie du monde occidental reste aussi pertinente que radicale.
«L'élève doit se souvenir des mots nécessaires, les mettre dans le bon ordre (c'est ce qui compte le plus en chinois), prendre son élan pour les mettre en mouvement afin que de leur suite résulte un geste signifiant. Il doit donner de la voix, veiller à ce que les sons soient chinois, à ce que les tons soient justes et s'enchaînent naturellement - tout en me regardant comme on le fait lorsqu'on s'adresse à quelqu'un, car parler, c'est cela?: dire quelque chose à quelqu'un. Pour l'enseignant, la première règle de l'art est le respect absolu du travail qui s'accomplit à ce moment-là dans l'esprit de l'étudiant. Je ne bouge pas tant que ce travail est en cours.» Le sinologue Jean François Billeter publie simultanément Les Gestes du chinois et L'Art d'enseigner le chinois, deux brefs essais indépendants, mais jumeaux.
Dans celui-ci, il tente de faire, sous une forme brève, la synthèse de l'expérience qu'il a acquise au fil des années en enseignant les premiers éléments de cette langue, tâche qui lui a toujours paru la plus importante et la plus intéressante. Il parle d'un «art» parce que, pour bien enseigner cette langue, dit-il, il ne suffit pas d'appliquer une méthode. Il faut développer une activité plus subtile et plus complète, fondée sur une intuition juste de ce que sont le langage, la parole et la conquête de la parole en général. C'est donc aussi de cette intuition juste qu'il s'agit ici.
Mais, pas plus qu'on ne peut parler de musique sans faire de la musique, on ne peut traiter de la forme que la parole prend en chinois sans faire un peu de chinois. C'est pourquoi le lecteur est invité à s'approprier quelques phrases caractéristiques et à comprendre par là comment on entre dans cette langue.
«On a parfois dit que le chinois n'avait pas de grammaire. On l'a cru parce que la part essentielle de cette grammaire est un jeu de gestes imaginés et sentis. Parce qu'ils forment un ensemble cohérent et simple, les Chinois n'ont jamais éprouvés le besoin de les signaler par des marques visibles dans leur écriture et n'ont par conséquent jamais explicité la grammaire de leurs langues comme nous l'avons fait des nôtres.» Le sinologue Jean François Billeter publie simultanément Les Gestes du chinois et L'Art d'enseigner le chinois, deux brefs essais indépendants, mais jumeaux.
Celui-ci met en lumière ce qui est le caractère propre du chinois, et qui n'a pas été aperçu jusqu'ici?: dans cette langue, dont les mots sont monosyllabiques et invariables, la phrase naît de gestes intérieurs qui les relient comme la phrase musicale naît du geste intérieur par lequel le musicien lie les notes de la partition. L'auteur montre que toutes les phrases que l'on forme en chinois naissent de cinq gestes et de leurs combinaisons. Il apprend au lecteur à les exécuter, sur des exemples, car ce n'est qu'en les exécutant soi-même qu'on les comprend - comme en musique.
Les Gestes du chinois s'adresse à plusieurs catégories de lecteurs?: ceux qui apprennent cette langue et qui l'apprendront mieux?; à ceux qui l'enseignent et l'enseigneront mieux?; à ceux qui, sans l'apprendre ni l'enseigner, désirent s'en faire une idée, par goût pour les langues?; enfin à ceux qui s'interrogent sur le phénomène extraordinaire qu'est le langage humain.
Avec Les Dernières pièces de Shakespeare, Frances A. Yates renouvela radicalement les études shakespeariennes. Elle dévoile ainsi deux dimensions ignorées de ces oeuvres tardives. D'une part, la portée politique : par son théâtre, Shakespeare exprime ses opinions, celles du peuple et transcrit les troubles géopolitiques de son époque.
D'autre part, une dimension plus ésotérique : la fascination de Shakespeare pour l'alchimie et l'hermétisme, qui prônent une attitude de tolérance envers les religions dans la continuité de l'héritage magique de la Renaissance.
La période est un furieux chaos, agité de soubresauts politiques, conflits religieux, luttes de succession... et Frances A. Yates reste le guide idéal pour une virée dans cette Europe tumultueuse du XVIe et XVIIe siècle.
Le travail est-il moral ou immoral ? Par exemple, la société capitaliste envisage le travail selon une conception éthique autant que religieuse. Elle justifie ainsi l'asservissement des classes prolétariennes qui, de leur côté, acceptent plus aisément le caractère pénible du travail. Mais du même coup, les classes dites laborieuses désirent une plus grande valorisation de leur travail pour la raison même qu'elles le tiennent pour haïssable. L'homme a inventé cet engrenage colossal afin de s'élever vers les hautes sphères de l'esprit. Or, pour en être le moyen, le travail en constitue aussi un obstacle. La haine qu'il inspire se mesure à ce à quoi l'homme aspire fondamentalement, idéal que Rensi perçoit dans le jeu, ou toute activité qui échappe à la contrainte et au diktat de l'argent.
«Il y a des moments où les gens se mettent à prier. Moi, je me suis mise à compter, à compter avec ferveur, les yeux clos. Je comptais au réveil, en m'endormant. Je comptais partout, en marchant, en restant sur place. Je comptais toutes les sommes dont j'avais besoin, dont j'aurais eu besoin dans une existence antérieure ou aurai besoin dans une vie ultérieure ; je les additionnais, reprenais mes opérations une à une ; je calculais toutes les possibilités, les impossibilités présentes, passées et à venir.» Ce roman épistolaire, écrit par une comtesse fauchée, relate les aventures tragi-comiques des hôtes d'un sanatorium. Leur mal ? Le complexe de l'argent. Une galerie de personnages loufoques défile : Henry, entrepreneur fauché ; Balailoff, prince alcoolique obsédé par son futur mariage ; ou encore Baumann, docteur freudien largement aussi névrosé et angoissé que ses patients. La perspective d'un hypothétique héritage hante l'imaginaire de ces originaux. Mais le complexe de l'argent pousse les personnages dans une véritable fuite en avant, si bien qu'ils n'osent même plus ouvrir leur courrier. Heureusement la faillite de la banque finira par libérer la narratrice de ses angoisses : désormais c'est elle la créancière.
"Dans le génie précoce - tel qu'était précisément Majorana - la vie présente comme une limite impossible à dépasser : de temps, de travail. Une limite comme attribuée, comme imprescriptible. Dès que, dans l'oeuvre a été atteint un point d'accomplissement, une perfection réalisée, dès qu'un secret a été complètement dévoilé, dès qu'a été donnée une forme parfaite, c'est-à-dire une révélation à un mystère dans l'ordre de la connaissance, ou pour parler approximativement, de la beauté : dans la science, ou dans la littérature, ou dans l'art - aussitôt après, c'est la mort." Quand Pasolini a été assassiné, on a retrouvé dans la poche de sa veste La Disparition de Majorana. Fasciné par la fiction que génère l'enquête policière et devant la nécessité qui s'impose à lui d'élucider toute énigme, Leonardo Sciascia se penche ici sur la disparition, subite et mystérieuse en 1938, du jeune physicien italien Ettore Majorana.
Spécialisé dans la physique nucléaire, le scientifique avait travaillé sur les risques que l'humanité est susceptible d'encourir en usant de la fission de l'atome. L'affaire intéresse en haut lieu. Le Duce charge personnellement la police de tout faire pour retrouver le prodige de 31 ans. Mais devant l'absence totale de trace ou d'indice, on conclut au suicide. Affaire classée.
Plus de trente ans plus tard, Leonardo Sciascia s'empare de nouveau de l'affaire. La recherche de la vérité devient initiatique. Majorana avait rencontré les plus grands physiciens, parmi lesquels Heisenberg, avec qui il avait noué une solide amitié. Son entourage voyait en lui le génie du XXe siècle. Sa disparition en a fait un mythe. Fondée sur le principe de la déduction, l'enquête devient philosophique puis politique. Sciascia en arrive à des hypothèses troublantes...
Un jeune homme de vingt ans recontre sa jeune voisine sur le palier, laquelle s'offre à lui sans plus de cérémonie... si ce n'est qu'elle invitera ensuite sa mère...
Seules les oeuvres de Sade ou certains textes de Bataille offrent un équivalent de ce livre qui ne respecte absolument aucun tabou et dont la crudité n'est plus recouverte par le voile de l'ironie. Les surréalistes plaçaient Trois filles de leur mère au plus haut de la littérature française. Il a été publié clandestinement en 1926.