L'artiste est inventeur de lieux.
Il façonne, il donne chair à des espaces improbables, impossibles ou impensables : apories, fables topiques. le genre de lieux qu'invente claudio parmiggiani dans la série d'oeuvres intitulée delocazione passe d'abord par un travail avec le souffle : c'est une lourde fumée qui exhale et dépose sa suie, sa cendre, sa poussière le combustion, créant ici toutes les formes à voir. le résultat : une immense grisaille, un lieu pour l'ascèse de la couleur, l'absence des objets, le mouvement imprévisible des volutes, le règne des ombres, le silence d'une nature morte obsidionale.
L'air devient le médium essentiel de cette oeuvre, il s'éprouve comme une haleine expirée des murs eux-mêmes. il devient le porte-empreinte de toute image. impossible, dès lors, de ne pas interroger ce souffle - qui détruit l'espace familier autant qu'il produit le lieu de l'oeuvre - à l'aune d'une mémoire oú l'histoire de la peinture rencontrera les fantômes d'hiroshima. cet air mouvant, densifié, tactile, exhale d'abord du temps : des survivances, des hantises.
Le résultat est un genre inédit de l'inquiétante étrangeté. et c'est dans la poussière que nous aurons à le découvrir.
Une femme-licorne, une mante religieuse mécanique ou encore
une machine à peindre l'étreinte amoureuse, des images de l'intérieur d'un corps impressionnant le spectateur, une artiste se couvrant de sang, de plumes, de fleurs ou de boue, des images pornographiques brodées sur toile, de gigantesques araignées : autant de représentations qui suscitent, par leur singularité, un questionnement sur l'identité. Ces oeuvres de Rebecca Horn, Mona Hatoum, Ana Mendieta, Ghada Amer et Louise Bourgeois, réalisées entre les années 1970 et le début du xxie siècle, permettent de réévaluer des évidences et de voir comment le « naturel » ou l'« essence » peuvent masquer une construction du mythe.
L'hybridité et la métamorphose sont au coeur de nombreux mythes grecs : les viriles Amazones, Danaé fécondée par une pluie d'or, l'accouplement de Léda et d'un cygne, Daphné prenant racine, Arachné devenue animal... Nous assistons à un travail du mythe dans l'art contemporain, entre reconduction et opérations de déplacement.
Être une artiste et une femme, avec comme ligne d'horizon de « prêter son corps au mythe ».
Fin 2015,Pavlenski a mis le feu aux portes de la "Loubianka", le siège historique du KGB, qui abrite désormais son successeur, le FSB, à Moscou. L'activiste s'est filmé devant le bâtiment en flammes, une capuche noire rabattue sur la tête, silencieux, avant de se faire arrêter.
Comme l'analyse Jonathan Jones, le critique Arts du Guardian, en s'attaquant à ce bâtiment historique, Pavlenski dénonce "un symbole vivant de tout ce qui est allé de travers en Russie depuis les années 90." En définitive, si le FSB contient aujourd'ui un musée du KGB, il accueille surtout les services secrets russes, ce qu'il qualifie de "grotesque et honteux" pour un bâtiment ayant "supervisé la souffrance et la mort de millions de personnes sous l'ère soviétique." Conclusion : Pavlenski a bien choisi sa cible. En mettant le feu aux portes de ce palace sinistre, il épingle une continuité historique sinistre."
798, ces trois chiffres désignent aujourd'hui le lieu le plus fameux de l'art contemporain à Pékin. De grandes galeries internationales y sont installées, exposant des artistes chinois très côtés et suscitant la curiosité d'une foule de visiteurs, nationaux et étrangers. Mais le 798 est aussi le nom d'une gigantesque usine d'armement construite dans les années 1950 par des architectes est-allemands issus de l'école du Bauhaus. Une usine modèle, avec ses équipements sportifs, son théâtre, sa crèche et ses logements, pour des ouvriers d'élite. Après son déclin, à la fin du xxe siècle, des artistes d'avant-garde séduits par son esthétique et le faible coût des loyers l'avaient investie, réalisant des installations et des performances souvent provocantes, sous les yeux ébahis des derniers ouvriers et le regard méfiant des autorités. Depuis, le lieu s'est officialisé, devenant une vitrine de la « marque Chine ». De l'emblème du Grand bond en avant à celui du grand saut dans le marché, en passant par l'obsédante mémoire souterraine des années Mao qui ressurgit dans l'art, Marc Abélès scrute avec une finesse attentive les métamorphoses du lieu et de ses occupants. Il nous livre ainsi une réflexion originale sur les rapports de l'art, de la politique et du marché, dans la Chine à l'ère de la globalisation.
les formes inédites de l'art contemporain, souvent
provocatrices et parfois mal comprises par le public,
sont certainement à l'origine du regain d'intérêt pour l'esthétique.
dès le xixe siècle, celle-ci s'est trouvée confrontée aux soubresauts de la modernité artistique puis des avant-gardes et elle s'est forgée une terminologie propre, d'origine philosophique, qui n'est pas toujours familière aux non-spécialistes.
pour que le débat sur l'art actuel paraisse moins
confus ou réservé aux seuls initiés, cet ouvrage expose les enjeux artistiques nés avec le xxe siècle et les principales questions auxquelles tente de répondre l'esthétique contemporaine.
Entre nous les arbres retrace l'expérience citoyenne et artistique, joyeuse et engagée, d'un collectif d'habitants et de plasticiens dans le parc des Olivettes, niché entre les barres HLM d'un quartier un peu délaissé.
Cette histoire convoque autant le land-art et l'imagination que le désir d'être et de faire ensemble, autant l'esprit de Nuit Debout que l'amour des arbres.
Avec ses récits et ses très nombreuses photos, ce livre est le reflet de ce qui s'est créé lors de cette fête improbable : de la beauté et du lien entre les gens.
Les synesthésies qui émanent du sonore ou s'épanouissent en lui convoquent l'intuition romantique d'un univers musicalisé. Sur des bases renouvelées, nous voici amenés à affirmer, tout comme Herder, que « la nature, vue et sentie, résonne. [...] Nous sommes en quelque sorte ouïe par tous les sens ».
Recueil de photographies et d'oeuvres contemporaines inspirées par l'Afrique, ce livre révèle une vision d'un univers quotidien transcendé par l'oeil du photographe. Cette plongée dans l'Afrique des années 60-70 deviendra le terreau d'une inspiration créatrice à la base de l'oeuvre picturale de Jacques Clauzel. 90 photographies et 41 tableaux captent l'intime et explorent des images-esprits qui interrogent sans cesse l'homme. Ces images régénèrent les subtilités occidentales les plus ténues pour leur insuffler l'immense respiration de l'Afrique et son rapport directe à la nature des choses. Jacques Clauzel a étudié à l'Ecole des Beaux-Arts de Tourcoing, Montpellier, puis entre en 1965 à l'Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris dans l'atelier de Roger Chastel. La thématique du hasard se met en place à travers de grands papiers qui d'abord peints en bandes, sont ensuite découpés et recomposés de façon aléatoire. De 1965 à 1973, il enseigne à l'Ecole des Beaux-Arts d'Abidjan (Côte d'Ivoire). Il photographie alors de nombreux témoignages sur la vie en Afrique de l'Ouest, réalise des reportages sur des cérémonies sacrées, sur des villes, des paysages... Mais ce qu'il privilégie ce sont d'une part les traces et la mémoire d'un passé immémorial et d'autre part l'atmosphère propre à l'Afrique. De retour en France, il enseigne la photographie à l'Ecole des Beaux-Arts de Montpellier. En 1976, il revient à la peinture riche de son expérimentation parisienne et des années africaines.
Poète, artiste, marxiste révolutionnaire, initiateur de l'Internationale lettriste (1952-1957), puis de l'Internationale situationniste (1957-1972), directeur de revue et cinéaste, Guy Debord (1931-1994) a développé dans ses oeuvres, écrites ou filmées, les armes théoriques d'une critique radicale de la société moderne qui, par leur puissance corrosive mais aussi par leur humour, ont fortement influencé les mouvements contestataires et la culture de la seconde moitié du XXe siècle.
Cet ouvrage invite à découvrir la richesse la diversité iconographique des archives de Guy Debord, classées trésor national en janvier 2009 et entrées à la BnF en 2011 : correspondance, coupures de presse, carnets et fiches de lecture, objets personnels nous renseignent sur ses lectures, sur ses projets inachevés, enfin sur l'histoire du mouvement situationniste et le rôle joué par ses «compagnons d'armes», auquel le livre rend hommage à travers une galerie de portraits.
Le pouvoir, écrit Hannah Arendt, n'existe qu'en acte. Au-delà d'une simple coïncidence lexicale, l'acte - charte, diplôme, constitution - est l'expression, la manifestation privilégiée de l'autorité dont il prend le nom, à date ancienne, et qu'il contribue à définir. Encore faut-il que ce type particulier d'écrit revête tous les signes, rédactionnels et matériels, qui le font être acte, parole écrite efficace. Sur quoi se fonde cette efficacité, quelle forme de dialogue met-elle en oeuvre, avec quelles évolutions ? Dans la production de ce type d'écrit particulier, quel apparat garantit la transmission de l'autorité à l'acte qu'elle produit en en manifestant la grandeur ? Quelles liturgies spécifiques participent de ce qui constitue une sorte de sacrement du pouvoir, l'authentification consistant littéralement à produire l'autorité ? À rebours, quelles destitutions menacent l'acte tenant lieu de corps souverain, de corps du souverain ? En quoi les parades mises en oeuvre contre l'acte faux, contrefait, le désignent-elles comme une menace majeure à l'encontre de la crédibilité de la puissance publique ? Portées par des spécialistes issus de champs disciplinaires variés, de la philosophie à l'histoire, en passant par le droit, la linguistique, la diplomatique, les réponses à ces questions permettent de mieux comprendre en quelles pratiques et quelles représentations vient s'arrimer l'autorité souveraine, des temps mérovingiens à nos jours.
Entre sobriété et majesté, mesure et démesure, le trône puise toujours à la même symbolique : celle de l'autorité " assise ". Pour la première fois, dans le décor somptueux du château de Versailles, lieu par excellence de l'exercice et de la représentation de la souveraineté, une exposition réunit des trônes venus du monde entier. Ce livre permet d'en mieux comprendre le modèle symbolique, dans ses dimensions politique, universitaire, économique et religieuse. Au point de départ de ce parcours historique et artistique, une évidence : la souveraineté fait toujours intervenir deux notions distinctes, l'autorité et la puissance. Tandis que la puissance, éphémère et difficilement acquise, reste un attribut fragile et sans cesse menacé, l'autorité assure à son titulaire la pérennité de son pouvoir et une estime universelle : elle 1'" assied ", inspirant une obéissance qui vaut reconnaissance de légitimité. Muni de ses attributs essentiels - gradin, dais et marchepied -, le trône se pare aussi d'un bestiaire fantastique et imaginaire, peuplé de lions ailés, de chimères et de fabuleux dragons. Sur le siège ainsi décoré apparaît la majestueuse autorité qui toujours se révèle sous les traits d'un personnage assis. A la découverte de ces trônes, stables ou mobiles, simples ou fastueux, objets de déférence ou de dérision, un enseignement finira par sourdre de ces lignes, à destination des maîtres de ce monde, souverains ou chefs d'Etat, édiles ou magistrats : conserver le pouvoir ne peut s'opérer qu'à l'aune de la leçon que nous dispense l'étude de ces fascinants emblèmes.
Si les films phares de Leni Riefenstahl, Le Triomphe de la volonté et Les Dieux du stade, sont deux des plus grands documentaires jamais réalisés, ce sont aussi d'insidieuses glorifications d'Adolf Hitler, du IIIe Reich et de l'idéologie nazie. Pourtant, toute sa vie, la cinéaste a prétendu ne s'intéresser qu'à la beauté et à l'art. Dans cette magistrale biographie, Steven Bach fait toute la lumière sur le destin de cette artiste parmi les plus controversées du siècle écoulé. Après des débuts de danseuse et d'actrice dans le Berlin des années 1920, la jeune Leni Riefenstahl se lance vite dans la réalisation, où elle manifeste un sens du cadre et du montage époustouflant. Remarquée et admirée par Hitler, elle accepte la commande d'un documentaire sur le congrès annuel du parti national-socialiste : ce sera Le Triomphe de la volonté (1934), film majeur mais aussi produit le plus remarquable de la propagande nazie, celui, sans doute, qui a le plus contribué au culte du Führer. Financée par les fonds personnels d'Hitler, elle tourne ensuite en 1936 Les Dieux du stade, qui retracent les Jeux olympiques de Berlin, où elle donne la pleine mesure de son esthétique et de sa maîtrise cinématographique. Compromise avec le régime et son leader, elle subit après la guerre plusieurs procès de dénazification, dont elle sort libre. Pourtant, jusqu'à la fin de sa vie, à plus de cent ans, en 2003, les mêmes accusations ne cesseront de ressurgir... Aujourd'hui, s'appuyant sur des sources inédites, Steven Bach livre une enquête historique implacable. Il met au jour les paradoxes, les dissimulations et les mensonges d'une femme qui se disait apolitique et niait toute complicité avec le régime criminel dont elle profita et qu'elle sanctifia, alors même qu'elle refusait de renier l'admiration qu'elle éprouvait pour Hitler. Au fil des pages se dessine le passionnant portrait d'une immense cinéaste, dont un historien écrit que les films évoquaient "le regard désincarné et omniprésent de Dieu", mais aussi d'une artiste corrompue par une ambition sans mesure.