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Robert Marteau
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Robert Marteau écrivait ses sonnets dans des petits carnet au fil de ses longues promenades. Il les mettait dans leur forme définitive des mois, voire des années plus tard. Décédé en 2011, il n'a pas eu le temps de le faire pour les poèmes écrits en 2007.
Sa fille Françoise, à l'origine de l'édition des oeuvres posthumes, a retranscrit ces poèmes à partir des carnets manuscrits, peu avant son décès en 2019, avec l'aide de Jean-François Rollin. -
Disons que nous sommes tantôt à la fin des années 20, tantôt au début des années 30.
Vous arrivez dans un village d'une quinzaine de foyers, village situé au beau milieu d'une forêt, village où on ne parle à peu près que le patois, où le français ne s'apprend qu'à l'école. Vous ne faites que passer et n'y comprenez rien. Vous y séjournez quelque temps et commencez alors à comprendre. Vous y demeurez, et voilà que peu à peu dans la toile du langage vous distinguez qui est qui, quels sont les fils qui relient les uns aux autres, ainsi tissant un réseau de plus en plus complexe - et d'autant plus complexe qu'il est le fait d'âmes simples.
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Du lundi 15 janvier 1979 au mardi 29 avril 1980, l'auteur tient son journal, qu'il écrit la plupart du temps sur le motif. Il vit à Montréal, au flanc même du Mont-Royal, dont il se plaît à gravir les pentes et à parcourir les sentiers. De là s'offrent à lui la ville, le fleuve, les immenses perspectives du paysage qui le convient aux origines : sources enfouies dans l'humus de ce continent américain où il s'est fixé, mémoire de la terre de Poitou qui l'a vu naître et où reposent ceux qui lui ont donné le jour. Par l'attention il laisse l'écriture ouvrir les voies, se frayer de multiples chemins, accueillir l'instant, dire l'arbre et l'oiseau, mais aussi témoigner pour ceux qui n'ont plus de paroles, les peuples indiens que l'homme blanc a détruits. Tout au long, et comme en contrepoint, sa méditation fait émerger les menaçantes figures que couve et développe le monde actuel. De l'apparent désordre de son inspiration a pris forme un livre étonnamment vigoureux, violent et construit, dont la richesse, infinie, révèle qu'un homme seul, loin d'être pour lui-même un champ clos, vit sans cesse irrigué par le flux ininterrompu de l'univers.
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Écrivant à l'oreille comme tous les grands poètes, Robert Marteau met son entière attention à entendre venir le poème. Il ne veut en forcer « la venue », mais seulement s'ouvrir à l'aventure qu'il constitue à chaque fois. Le poème naît de son attention toujours neuve et renouvelée, ouverte et étonnée à l'univers qui se déploie au rythme de sa marche. La venue rapporte en sonnets la création, l'amenant à rendre le monde invisible et sacré à notre vue. Le poète écoute comment danse le poème, comment y dansent les pieds de la muse, ainsi oeuvre-t-il à en saisir le passage. Dans ces sonnets sans rimes, c'est ce passage de la muse qui donne au vers sa mesure. C'est pourquoi les poèmes sont publiés tels qu'ils ont été écrits dans les carnets où, tout au long de l'année, pendant ses marches quotidiennes, le poète écrivait
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Fleuve sans fin ; journal du Saint-Laurent
Robert Marteau
- Gallimard
- Blanche
- 3 Mars 1986
- 9782070705993
Les eaux sans fin : c'est ainsi que les Sauvages désignèrent à Jacques Cartier la coulée bleue où il engageait ses vaisseaux, coulée qu'il allait nommer le Saint-Laurent. Pendant une année, assidûment, c'est-à-dire presque chaque jour, l'auteur va vivre sur l'une ou l'autre rive du fleuve, recueillant et transcrivant la parole suscitée. C'est tout le contraire d'un journal intime : plutôt ce serait l'écho d'une patiente écoute afin que les mots s'accordent selon le cours jamais le même, apparemment toujours pareil, et sans cesse renouvelé. Heures et saisons dans le mobile miroir apparaissent en variations infinies et figures auxquelles concourent la faune, la flore, la navigation et les constellations. La veille n'est interrompue que par les limites du veilleur. Face au grand ordre qu'il contemple, non point passivement, mais en se jetant dans le jeu, sans prétendre mesurer le monde à son aune, il mesure par le corps et l'esprit la démesure dans laquelle nous sommes de nous-mêmes tenus hors de portée. «Connais-toi toi-même.» Non. Envisage avec une sérénité accrue l'inconnaissance que chaque bribe ou saut de la science encore accroît.
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"Je mets en mon carnet ce que je ne sais pas;
Ce que chacun de mes pas me découvre alors Qu'en marchant le ciel et la terre devant moi S'entrouvrent peuplés d'imprévus, d'événements Minuscules : migration d'oiseau, criquet Vert escaladant une herbe, avion en haut Chien qui aboie : à tout instant l'éternité Qui frappe à la porte au moment même où le pic Noir tape du bec pour extraire de l'écorce Les parasites dont il se nourrit. La pie, La buse, chacune à sa chanson, s'ingéniant - L'une sur l'arbre, l'autre en suspens sur son erre - Entre elles à garder la distance. Un rayon De soleil soudain répand l'ombre peint les fleurs (Vendredi 13 août 2004.) Salve (2003-2004) est le septième recueil de Liturgie, le journal en sonnets de Robert Marteau (1925-2011).
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Comme la peinture la tauromachie est maniement d'abord mais oú l'âme est hautement impliquée, car il faut la tenir et même la maintenir plus haut que le coeur.
A qui lui demandait comment il se décidait à entrer dans le cercle oú déjà le fauve avait pénétré, luis miguel dominguin répondait : " parce que je suis déjà mort. " et cela se lie parfaitement avec ce que dit le chamane : " va libre celui-là seul qui se guérit de sa mort dès sa jeunesse. " et tel était bien le but de l'initiation du jeune indien d'amérique du nord. robert marteau.
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Dans Écritures ( sonnets 2001-2002 ) , première publication posthume de l'oeuvre du poète, Robert Marteau poursuit l'écriture de son journal poétique en sonnets inauguré en 1987, aventure poétique sans équivalent. De répétition il n'est point question¤: le poète y règle ses pas sur ceux de la Création qui sans jamais connaître de progrès ne se répète ni ne date. Contemplée attentivement, la Création y est chantée à profusion, présente comme dans une tapisserie de la Renaissance où plantes¤et¤bêtes¤abondent. Les mythes y sont présents, ceux de la Grèce, mais aussi ceux d'Égypte ou d'Asie ou bien encore ceux des Aztèques, sans oublier les prophètes de l'Ancien Testament.
Dans ce livre, chaque jour le poète marche, écoute le bruit du monde, écrit. Avec lui, comme l'écrit Ovide, «¤l'art se dissimule à force d'art¤»¤: la poésie de Robert Marteau ne demande rien d'autre à son lecteur que d'¤«¤être un bon entendeur¤».
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Au rythme de la marche la surprise survient, l'inattendu sollicite l'esprit, cela par le soudain écart entre la présence et la perception : c'est l'alerte de l'ouïe, de l'oeil ; l'attention à tel bruit de la nature.
Un oiseau chante : quel est-il ? que dit-il ? Traduire en notre idiome la langue des oiseaux, le langage des fleurs, le texte de l'araignée. Ainsi rejoindre le mythe, renouer : non pas expliquer, mais déplier en même temps que pli sur pli se constitue cet objet sonore, le sonnet.
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Les vestiges du château de Corcoue et les bâtiments d'une abbaye qui en dépend dominent une étendue de marais. Un peintre, Pentecôte, qui vit à l'abbaye avec ses enfants, décide de disparaître sur une barque dans l'eau et la brume. Tout le village part à sa recherche. Pour tous les personnages, il pourrait s'agir d'une quête à travers le labyrinthe que figure le marais. Leurs aventures évoquent celles des navigateurs celtiques vers les Îles bienheureuses. L'onirisme et le fantastique s'entrelacent dans la trame des péripéties d'un récit qui se déroule comme une tapisserie romanesque. Les personnages deviennent les thèmes d'une rhapsodie poétique ; il pèse sur eux une malédiction, comme si le passé ne pouvait que recommencer, entraînant la mort et la perdition.
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Louange n'exclut pas griefs, mais face aux griefs que nourrit la nature humaine, elle se fait acte de vie, et nécessaire contre la nécessité.
Sa voie, elle l'a toujours trouvée dans la musique, par le son donnant voix au sens. Qu'elle intitule de son nom le présent journal tient peut-être à ce que les jours ici pliés dans l'espace du sonnet, et serrés comme linge en l'armoire, souhaitent ne se souvenir que de son parfum.
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Le musée est une forêt, soit aussi bien une porte qui donne sur le lieu du musée, qui fut, pour ce qui est du Louvre, celui des loups.
C'est le lieu où chacun s'invite à voir, à regarder, à regarder voir ce qui survient. A l'improviste, au 6e tour, c'est la surprise, c'est l'étonnement, parfois la soudaine illumination, seuil de la révélation. Par l'art, par le métier, par le charme et la magie, le naturel apparaît vêtu de sa vraie couleur et de sa vraie lumière. Hors de tout chemin tracé, recueillir comme sous la dictée ce que dit l'oeuvre muette devenue parlante, tel est le propos, et tel est le mode selon lequel se constitue la matière du présent ouvrage.
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" J'ai bien peur d'être aussi ennuyeux que n'importe Qui avec tous ces faux sonnets que j'accumule Pour qui ? pour quoi ? et qui me viennent sans que j'y Songe, allant à mon pas sur le lopin de terre Où je me trouve à tel ou tel moment.
Qu'y faire ? A vrai dire l'anxiété me prendrait si Soudain le débit tombait à rien. Me rassure Au contraire la coulée imprévue et même Incohérente qui aura pu prendre source Au gosier du geai ou de la corneille : cra Cra ! C'est ce que je croyais avoir entendu, Et c'est un chapelet de mots inattendus Que j'ai à recueillir, les ayant dans l'ouïe, Sur une page du carnet que j'ai sur moi. "
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LITURGIE, c'est ce que chacun peut entendre et voir chaque jour à chaque heure, en chaque instant aussi soudain soit-il.
C'est l'oeuvre à tous offerte en l'intimité des événements infiniment produits depuis le commencement et depuis l'origine, et qui donnent au temps ce que l'on nomme sa couleur, à l'éternité sa musique, au livre sa mutité. Si les oiseaux jouent ici un grand rôle, c'est parce qu'ils chantent, et que par leur jargon nous revient l'espoir d'accéder au lieu d'où nous venons. Si les arbres tiennent ici une grande place, c'est parce qu'ils escaladent, de branche en branche, la lumière, afin de parler plus haut à ce qui reste en nous de sylvestre ou sauvage.
Pourquoi la langue, en constituant le présent écrit, s'est-elle pliée ou versée, ou renversée dans l'espace du sonnet ? L'auteur pourrait répondre que c'est par obéissance, exigence, superstition, religion ; encore, pour que les comptes ne soient pas négligés.
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" On voyait le figuier comme violet, comme si le ciel avait déteint.
Les coups de vent venus de la mer avaient emporté le faîtage des paillers par-dessus les frênes. Ç'avait arraché plein de bois dans les futaies. Les tuiles brisées jonchaient les chemins. - C'était encore présent en chacun à cause du vacarme des tôles, des bailles de zinc ou de fer-blanc que la bourrasque emportait. Les vaches s'étaient répandues dans la campagne. Les chevaux s'affolaient, hennissant, tapant de leurs fers contre les parois, s'enfuyant des écuries.
Alentour, toute la forêt pliait, souvent éclatait, des fracassements pas croyables : un fayard qui craquait, un chêne qui se partageait de tout son long comme une cosse de petits pois. Les gars voulaient sortir. " Sors pas ", disaient les femmes. " Ce jour-là il y avait aussi une chasse à courre et par des interférences absolument imprévisibles se produisirent des événements que les gens de là-bas ne sont pas près d'oublier.
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La recolte de la rosee - la tradition alchimique dans la litterature
Robert Marteau
- Belin
- 4 Avril 1995
- 9782701117881
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