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Maryline Desbiolles
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Emma Fulconis : on ne voit qu'elle à L'Escarène, dans cet arrière-pays niçois où elle est née. Prompte, virevoltante, rebelle à tout, sauf au vent, elle a toujours galopé dans les collines. Enfant déjà, on la surnommait « l'athlète ». Se moquant bien des compétitions, Emma « ne court pas relativement, mais absolument ».
Mais un jour, sa vie bascule : son ami Stéphane Goiran, avec qui parfois elle écoute un peu de musique lors d'une halte, l'invite chez lui. Là, à peine la porte franchie, un chien énorme se jette sur elle, et lui lacère la jambe, ou plus exactement le péroné, également appelé « l'agrafe ». S'ensuivent des mois d'hôpital et de rééducation, à l'issue desquels il est clair qu'Emma ne détalera plus jamais à toute allure.
Mais l'accident ne l'arrête pas dans son élan. Hantée par la phrase du père Goiran expliquant pourquoi il n'a pas retenu son molosse - « Mon chien n'aime pas les Arabes -, elle tente de comprendre ce qu'elle sait déjà, mais dont on ne parle pas. Tenace, elle va surtout trouver en elle la ressource d'un nouveau mouvement, un tremblement d'abord, une oscillation, presque une danse immobile. -
Il n'y aura pas de sang versé
Maryline Desbiolles
- J'ai Lu
- Litterature Francaise
- 21 Août 2024
- 9782290394601
1868. Quatre jeunes femmes convergent vers les ateliers de soierie lyonnaise : «ovalistes», elles vont garnir les bobines des moulins ovales où l'on donne au fil grège la torsion nécessaire au tissage. Il y a Toia, la Piémontaise ne sachant ni lire ni parler le français ; Rosalie Plantavin, dont l'enfant est resté en pension dans la Drôme où sévit la maladie du mûrier ; la pétillante Marie Maurier, venue de Haute-Savoie ; et Clémence Blanc, lyonnaise, qui a déjà la rage au coeur après la mort en couches de l'amie avec qui elle partageait un minuscule garni. Rien ne les destinait à se rencontrer, sinon le besoin de gagner leur vie. Quelques mois plus tard, les conditions de travail, l'indifférence de leurs patrons et un formidable élan de solidarité les conduisent à mener la première grève de femmes.
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Paysage au hangar
Maryline Desbiolles
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature
- 7 Mars 2024
- 9782848055220
De la ferme du Lot où il est né en 1940 jusqu'au hangar-atelier où Bernard Pagès assemble les matériaux de toutes sortes (récemment des clefs de 13) composant ses sculptures, qu'exposent aujourd'hui musées et galeries du monde, ce livre retrace le cheminement d'un des artistes marquants de son temps.
Maryline Desbiolles, née en 1959, a connu l'oeuvre avant l'homme : cette conversation est pour elle une tentative d'élucidation. L'entretien ici publié se nourrit d'un dialogue ininterrompu et d'une fréquentation quotidienne des pièces produites. Dans ses réponses factuelles, pragmatiques, rocailleuses parfois, synthétiques toujours, où la justesse du mot et la précision du propos apparaissent comme une préoccupation permanente, Pagès en dit bien plus long sur sa pratique que ne le feraient de savants commentaires. On comprend notamment pourquoi ce jeune artiste formaliste, qui changea sa manière après avoir été bouleversé par la découverte des Nouveaux réalistes fin 1967, et qui un temps appartint au mouvement Supports/Surfaces, travaille aujourd'hui en solitaire, loin de toute posture et de toute chapelle. -
Ces collines, cette campagne, cette vigoureuse solitude sont celles des terres niçoises. Isolé dans ce décor sauvage et âpre, Anchise, bien avancé dans l'âge, ne connaît pas la tranquillité. Partout, il y a cette épouse morte jeune, surnommée « la Blanche », si blonde et si menue. Le souvenir de leurs après-midi d'amour sous les mimosas en fleur, des abeilles et des ruches tant aimées bruit avec la même force que la nature. Comment ressusciter l'incandescence première et retrouver l'éclat du grand amour perdu ?
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Une femme seule prépare des seiches farcies pour ses invités du soir.
Et cuisiner, c'est tout un art. l'art de recevoir, d'offrir, de se mettre en scène et de séduire. cuisiner c'est sentir, toucher, goûter. et c'est aussi se plonger dans ses souvenirs d'enfance, ses désirs ou ses peurs... la nostalgie a parfois un goût d'huile d'olive et de confiture de tomates vertes. un récit pur et poétique, qui se savoure tout doucement.
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Embauché sur le chantier du barrage de Malpasset, près de Fréjus - qui va « changer la vie des gens », s'enthousiasme son ami René -, François quitte Ugine, la ville-usine, et son enfance silencieuse. Il découvre avec émerveillement la vallée rose, les bains de mer, la photo, les conversations politiques des camarades ouvriers. Et il tombe amoureux de Louise Cassagne, la fille d'un producteur de pêches. « Pas une fille pour toi », lui dit-on. Pourtant, c'est elle qui lui donne le monde, et François croit en ce cadeau autant qu'en la solidité du barrage.
De son écriture envoûtante et ciselée, Maryline Desbiolles retrace avec une grande justesse la violence de la rupture.
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En 1932, la grand-mère de Maryline Desbiolles, immigrée italienne installée en Savoie, retourne à Turin pour y accoucher. Mais Primo, son fils d'un an et demi avec qui elle avait fait le voyage, disparait mystérieusement. Il est mort, lui dit-on sans plus de détails et sans qu'elle ait pu le revoir. En 1944 à Annecy, un drame survient en pleine fête du 14 Juillet : un de ses enfants meurt à l'âge quatorze mois. Maryline Desbiolles explore l'obscur passé familial et tente d'arracher les défunts à l'oubli.
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En 1983 a lieu la « Marche pour l'égalité et contre le racisme », de Marseille à Paris avec quelques détours. Ce mouvement non violent, lancé notamment par Christian Delorme, curé engagé de la banlieue de Lyon, réunit des filles et des garçons, dont Toumi Djaïdja, qui fut gravement blessé d'une balle tirée par la police. On tabasse aux Minguettes comme dans tout le pays où on ne compte plus les agressions ni même les meurtres contre les « Arabes ». C'est le fruit amer d'une décolonisation mal acceptée.
En évoquant ce moment de notre histoire, Maryline Desbiolles interroge sans concession notre relation à l'autre, et plus particulièrement notre rapport convulsif à l'Algérie. C'est un livre d'indignation contre ce qui nous gangrène, contre le refus de l'étranger. Il est porté par une langue puissante, parfois litanique, comme un chant qu'on ne peut étouffer.
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Machin ; avec Alfred Machin, pionnier du cinéma
Maryline Desbiolles
- J'Ai Lu
- Litterature Francaise
- 10 Février 2021
- 9782290217566
De son enfance à Casablanca, André a retenu les heures passées dans le garage de monsieur Cloclo, surnom de Claude Machin. Ce dernier a raconté au petit garçon émerveillé, des après-midi durant, à l'avant de voitures immobiles, l'histoire extraordinaire de son père, Alfred. Alfred Machin, pionnier, réalisateur prolifique, passionné par les animaux qu'il dressa pour le cinéma. Celui-là même qui embarqua toute sa famille dans sa grande aventure cinématographique, dont l'apogée fut l'installation dans les studios Bon Voyage à Nice, ville magnétique où tout commence et tout finit. À travers la trajectoire discrète d'André, de Casablanca à Nice, de 1950 à aujourd'hui, Maryline Desbiolles ranime l'incroyable figure d'Alfred Machin et entrelace ces deux destins de son écriture lumineuse.
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Elle s'appelait Violante. Elle était arrivée après nous à l'école, et elle restait toujours un peu à l'écart. Avec sa tignasse de cheveux noirs, sa tache rouge sur la joue et son regard de flamme, elle ressemblait à une sorcière. On s'en méfiait, et on s'en moquait. Elle nous inquiétait, et elle nous fascinait. Mais quel était son secret ?
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Il fut un temps où la famille rêvait de passer les vacances d'été sur Lampedusa, cette île étroite au large de la Sicile. Une fois le père disparu, le rêve s'est évanoui, la mère et ses deux filles ont quitté le village pour venir s'installer, plus bas, dans une cité au bord du Paillon. L'aînée en éprouve un chagrin violent et silencieux. C'est elle qui raconte.
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Un chien noir, familier et inquiétant à la fois, traverse le livre et le paysage. Ce paysage, c'est celui d'Anchise, apiculteur farouche, veuf inconsolé qui, sur le tard, s'est suicidé par le feu. Aubin était alors un enfant. Il a peu connu son grand-oncle, mais en secret il a joué dans sa maison abandonnée. Au bord de la route, pas très loin de Nice, pas très loin de la ville et déjà à la campagne, minée par les pavillons et leurs clôtures en plastique.
Depuis, la maison a été rasée et remplacée par une déchetterie. Et c'est là que, adolescent, Aubin, à deux pas de chez lui, franchit sa propre clôture, le périmètre très étroit de sa famille. C'est là, à l'endroit de la maison détruite, qu'Aubin rencontre le désir, la musique et l'ailleurs en la personne d'Adel, le jeune gardien de la déchetterie.
Un roman sur la mémoire et ses traces, sur la question de l'origine, toujours à réinventer.
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Linda groote vit dans un ancien palace divisé en appartements, à amanscale, un nom d'origine grecque signifiant aisselle, qui rappelle la forme de la baie longeant la ville.
La baie justement, la mer, le volcan endormi qui veille, tout le paysage dans lequel elle évolue participe de son imaginaire. elle vit en suspens, comme si sa vie était aussi endormie que le volcan. dans son semi-sommeil, elle nage dans la mémoire de l'enfance et de son amour perdu.
Et puis le volcan se met à gronder. la ville est prise de panique, les habitants s'enfuient. mais linda groote reste. elle espère que sa vie aussi va se réveiller.
Elle s'approche du volcan.
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Comment vient-on à Rodin ? Peut-être en tâchant de laisser tomber ce qu'on croyait connaître. En tâchant de laisser tomber ses croyances. En fréquentant Auguste Rodin, et, avec lui, les écrivains et les artistes qui l'ont aimé, en s'immisçant dans cet immense XIXe siècle qu'il projette dans le XXe. En y tissant un récit de sa vie. Mais aussi en fréquentant ses figures, en entrant dans la danse des corps inventés par lui. En fréquentant la sculpture qu'il a bouleversée. En prenant exemple sur lui. En accueillant le réel et ses surprises. En étant entièrement solidaire de sa manière de procéder. C'est-à-dire, somme toute, en faisant le pari d'être un peu plus libre.
Maryline Desbiolles a écrit une vingtaine de romans, de La seiche (Seuil, 1998) et Anchise (Seuil, 1999, prix Femina) au Beau temps (Seuil, 2015). Elle a aussi beaucoup écrit sur les peintres et les sculpteurs, Chaissac, Braque, Pagès (Nous rêvons notre vie, éditions du Cercle d'art, 2003) ou Vallotton (Vallotton est inadmissible, Seuil, 2013). Ces textes ont été récemment réunis sous le titre Écrits pour voir (L'Atelier contemporain, 2016).
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Il est fascinant que nos oiseaux familiers prennent le large, le grand large parfois. Peut-être est-il plus fascinant encore que reviennent nombre d'entre eux.
Il en est des oiseaux migrateurs comme de nos morts. Nul doute qu'ils aient pris le grand large, nul doute que nombre d'entre eux reviennent. Mais leurs apparitions ne sont pas assujetties aux saisons, elles sont plus inattendues et elles nécessitent cependant que nous soyons disposés, que nous soyons enclins à la remémoration.
Il se rappelle à nous, lui aussi, Benevento, mon soi-disant cousin. Gabriel Benevento dit Gaby est loin d'être un ange. Grande figure locale, grand amoureux des femmes, sa tombe est toujours fleurie. Avec lui revivent la résistance, le travail en usine, les grèves et les manifestations. Il est le meneur de nos chers disparus sans la mémoire desquels nous ne saurions prendre la relève.
M.D.
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Maurice Jaubert, né à Nice en 1900, compositeur connu avant tout pour ses musiques de films, est mort en juin 1940 sur le front. Dans ce roman biographique qui se transforme presque en une lettre d'amour, Maryline Desbiolles, devenue Niçoise elle aussi, retrace la vie de cet être généreux et créatif, mort en héros et qui aura fréquenté les formes nouvelles de l'art, en musique (il côtoie Honegger et Messiaen) et au cinéma (il travaille avec René Clair, Marcel Carné, Jean Renoir dont il connaît bien la famille, et surtout Jean Vigo). Durant ces quarante ans d'une vie menée tambour battant, on redécouvre l'effervescence artistique des années 1920 et 1930, à Paris où Jaubert est allé exercer ses talents (en particulier à la salle Pleyel) mais tout autant à Nice, ville cosmopolite traversée et réveillée par toutes les avant-gardes.
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Alain Lévêque, né en 1942 à Paris, est l'auteur notamment de Bonnard, la main légère (Deyrolle Editeur/L'Arbre voyageur, 1994 ; Verdier, 2006), et le préfacier des Observations sur la peinture de Pierre Bonnard, parues aux éditions L'Atelier contemporain en 2015. Il faut miser pour voir. Savoir jouer, ruser, cacher, mais aussi dévoiler son jeu, s'attendre à perdre, à gagner, réfléchir, avoir des coups de tête, de la chance, se recueillir, tout dépenser.
Ne pas retenir quelques mots bien au chaud pour l'hiver, dans son bas de laine pour les temps de disette. Tout dépenser. Il faut à chaque fois écrire toutes voiles dehors, au risque de se trouver fort dépourvu quand la bise n'est pas venue. Je ne connais rien de plus difficile que ces commandes d'un " petit texte " pour une exposition de peinture, le travail d'un sculpteur. Car jamais de moi-même je n'irais me fourrer dans pareil pétrin (encore qu'il est tentant de mettre ses mains dans la pâte qui finira par s'échauffer et lever, mais c'est une autre histoire).
Il s'agit qu'on m'invite à jouer, et si le jeu est engageant, je ne peux m'empêcher de dire chiche et de jouer à perdre haleine, me fiant à l'excitation, à l'emportement, et croisant les doigts pour qu'à la fin je puisse enlever le bandeau que j'ai sur les yeux et reconnaître ce que j'ai cru toucher. Ecrire pour voir. Est-ce écrire en regard du tableau ? On peut bien écrire quelques mots dans un carnet devant le tableau, il ne s'agit jamais d'un tête-à-tête.
Le tableau a une et même plusieurs longueurs d'avance. Qu'il soit peint comme de toute éternité et ne demande rien à personne crève les yeux. Le tableau est immobile, cela crève aussi les yeux, on ne peut pourtant pas le fixer. Ecrire dans son carnet oblige à baisser les yeux. Lorsqu'on les relève, le tableau a détalé. On envoie des mots en éclaireur. L'ensemble des textes écrits par Maryline Desbiolles (parus pour la plupart dans des catalogues ou revues, ou inédits) sur l'art, autour de l'art, à partir de l'art est ici réuni : une première partie rassemble les approches les plus réflexives sur la création ; dans le second chapitre les textes s'articulent autour de deux thématiques chères à l'auteur : l'Italie, la cuisine ; le troisième chapitre réunit les essais et poèmes consacrés aux sculptures de Bernard Pagès ; sont ensuite regroupés les essais consacrés à des artistes ou des oeuvres ; le volume se clôt enfin sur des oeuvres de fiction dont l'élément déclencheur de l'écriture fut la fréquentation d'oeuvres plastiques.
L'ensemble des textes a été revu en prévision de cet ouvrage, tout autant essai sur l'art qu'oeuvre littéraire.
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Des travaux sont engagés, pendant un long été, sur une route départementale, pour y aménager un rond-point. La narratrice y assiste en voisine, dans ce lieu-dit appelé Fontaine-de-Jarrier, un hameau où tout le monde se connaît. Il y a Sasso, vieux râleur malheureux, et la Thomas, veuve, née en Tunisie mais d'origine italienne, ou encore la veuve V, déjà partie depuis longtemps mais odnt les traces perdurent. Il y a aussi Reine, celle qui tient le restaurant un peu plus loin, et Gaby, à la fois midinette et romantique. Mais il y a surtout la route, lieu de passage autrefois bien fréquenté, dans cet endroit frontalier, près de Nice, longtemps tiraillé entre la France et le Royaume de Sardaigne, et dont l'histoire est riche en anecdotes, comme celle de ces brigands qui voulurent détrousser quelques nobles dans leur diligence, se faisant bientôt rattraper par la police et condamnés à mourir dans des conditions atroces. Une route aujourd'hui encore mortelle, quand on y roule à tombeau ouvert. Une route où se sont déposés tant de pas et de destins, avec son lot de contrebandiers, de révolutionnaires et de paysans, les accidentés célèbres ou anonymes, les ouvriers qui creusent en 1782 sur ordre du roi et ceux du chantier actuel avec leurs énormes machines qui ont toutes un prénom comme on nomme un animal domestique. Les saisons s'abattent sur cette forêt de signes, feux provisoires, tracés jaunes, panneaux de signalisation jusqu'à ce que l'asphalte luisant soit étalé : le récit peut se terminer, le calme le calme est revenu.
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C'est une très jeune femme, elle sort à peine de l'enfance et elle est enceinte. Elle a couché avec Vincent, la veille du départ du garçon pour la guerre d'Algérie. Son ventre est déjà gros, mais personne ne sait qu'elle est enceinte, ni ceux avec lesquels elle travaille à la Poste du village, ni ses parents chez qui elle vit encore, ni Vincent qu'elle n'a plus revu et à qui elle ne sait pas écrire.
Elle l'a dit à une seule personne, à Marie-Marthe, la marraine qu'elle s'est choisie depuis toujours. Peut-être aussi parce que Marie-Marthe est hors du monde. Marie-Marthe a trop connu la violence et la blancheur du monde, trop de choses à jamais vidées de leur souffle et de leur ferveur, comme les pierres des murets que Marie-Marthe déplace sans cesse, en pure perte, en contrebas du Petit col des loups où elle habite.
Tout reste à faire cependant.
Il lui reste à se déprendre du silence et d'abord du silence de cette naissance qu'il faudra bien finir par annoncer. Coûte que coûte il lui faudra apprendre ces mots-là, elle qui n'a rien vu du monde et qui ne possède, en tout et pour tout, que son allant de jeune renarde.
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«Au début de ce mois de juillet, ma poitrine s'est dilatée, j'ai éprouvé de la joie en arrivant à Nice dont le nom si bref, si léger a troué tant de fois mon enfance.»De son enfance à Casablanca, André a retenu les heures passées dans le garage de monsieur Cloclo, surnom de Claude Machin. Ce dernier a raconté au petit garçon émerveillé, des après-midi durant, à l'avant de voitures immobiles, l'histoire extraordinaire de son père, Alfred. Alfred Machin, pionnier, réalisateur prolifique, passionné par les animaux qu'il dressa pour le cinéma. Celui-là même qui embarqua toute sa famille dans sa grande aventure cinématographique, dont l'apogée fut l'installation dans les studios Bon Voyage à Nice, ville magnétique où tout commence et tout finit.À travers la trajectoire discrète d'André, de Casablanca à Nice, de 1950 à aujourd'hui, Maryline Desbiolles ranime l'incroyable figure d'Alfred Machin et entrelace ces deux destins de son écriture lumineuse.
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- Portrait(s) de femme(s)Répondant sans hésiter à la question qui définit la collection Figures libres (" quel est votre héros favori ? "), Maryline Desbiolles a entrepris de faire le portrait de Zouc, cette comédienne totalement atypique, de son vrai nom Isabelle von Allmen, célèbrissime pendant les années 70, et qui depuis a disparu de la scène à la suite d'une maladie nosocomiale.Zouc, femme sans âge, corpulente, toujours vêtue de la même robe noire, pourvue d'un accent suisse et d'une voix capable de monter très haut dans les aigus lorsqu'elle se livre à l'une de ses incarnations ( car on ne saurait parler d' imitations sans diminuer son talent) : en scène, elle joue tous les rôles, elle est la petite fille capricieuse, la mère exaspérée, la maîtresse d'école, la paysanne du Jura... Drôle, Zouc ? Disons : drôle à faire peur. A l'arrière-plan des sketches de son one-woman show s'ouvrent des abîmes - la solitude que l'on devine, l'asile psychiatrique où elle a fait plusieurs séjours -, et pourtant nulle tristesse chez elle. De la gravité.Légèreté/gravité, humour/sérieux, le livre de Maryline Desbiolles oscille entre ces deux extrêmes dans ce livre qui , en suivant le fil d'Ariane du souvenir, explore son propre passé. Souvenirs d'une enfance niçoise -la rue Masséna, les camarades de classe -, mais aussi savoyarde, avec la ferme où l'on passe les vacances et le lapin qu'on saigne. Et surtout portrait de sa mère, cette " femme drôle " qui est comme l'image inversée de Zouc.Avec, pour finir, une méditation sur un tableau énigmatique d'Holbein, " Portrait de femme avec un écureuil et un étourneau ", qui réconcilie toutes ces images de la féminité.Ce texte envoûtant est un vrai bijou.
- Maryline Desbiolles est née à Ugine, en Savoie. Elle vit dans l'arrière pays niçois. Elle considère la poésie comme " son école d'écriture ". Poésie qu'elle a expérimentée dans les recueils et dans des revues qu'elle a créées, mais qui lui semble désormais inséparable de ses romans : La Seiche (1998), Anchise (Prix Fémina 1999), ou encore La Scène (2010) publiés dans la collection " Fiction & Cie " aux Éditions du Seuil. Elle met aussi à l'épreuve son écriture en la confrontant à la peinture, à la sculpture (Nous rêvons notre vie, Éditions du Cercle d'art, 2003 ; Les Draps du peintre, Seuil, 2008) ou dans des pièces radiophoniques.
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« Tous les jours ou presque je fais quelques pas autour de la maison. Le même trajet. Pas d'écart. Il ne se passe rien. Mais ce rien frôlé de près est vibrant et vibrante sa ritournelle. Si bien que c'est ce trajet minuscule qui forme un écart, qui dessine un coude dans la journée. La plupart du temps je suis seule, le livre que je lis ou le film que j'ai vu la veille me prend par l'épaule. Ainsi épaulée, je marche dans le champ et j'écris dans la page. Le champ est circonscrit, mais pas plus que la page, il n'est borné. Il est tentant de mettre la main sur ce qui s'en échappe, sur ce qui jaillit d'entre les herbes. Je suis aux aguets, à l'espère. Tous les jours ou presque je m'exerce pour que le moment venu je ne ruine pas entièrement les couleurs de ce que je tiens par les ailes. »