" Un petit homme, promeneur en pardessus boutonné, cravaté, bien rasé, se consacre vaillamment à réaliser la consigne du rêve.
Avec une authenticité, une astuce, un dévouement extrêmes, et une politesse exquise, c'est magique. Quoique troisième âge, un peu dégarni, pas athlète de foire pour un sous ; quoique retraité, dûment pensionné, il ne chôme pas, il se dépense.
Il y va de son abrégé électrique d'existence.
Temps de réflexion, temps d'exposition et de mise en scène, temps d'ouverture et voilà l'image. Du genre rapide, à développement lent.
Champion du calcul pascalien, il parie, à grande vitesse ; il joue son temps de méditation. " Anne-Marie Garat
L'oeuvre de Gilbert Garcin est une comédie aux cents actes divers, comme disait La Fontaine de ses fables, mais sans un accompagnement de morale.
Les images dans lesquelles il se met en scène ne sont ni des autoportraits, ni les chapitres d'une biographie imaginaire gratifiante. Bien au contraire, chaque photographie est autonome, figure une action parfaitement claire dans son déroulement et son but, et fait sourire des mésaventures de son protagoniste. C'est dire que toutes ces images sont marquées d'humour.
Celui-ci est d'autant plus efficace que le climat de ces images se situe toujours dans un entre-deux, entre drôlerie et pathétique, entre amusement et angoisse, entre étrange et absurde.
A l'heures des images virtuelles, Gilbert Garcin bricole de petites mises en scènes avec trois fois rien, de la colle, des ciseaux, quelques matériaux pauvres. Il multiplie les clins d'oeil, détourne les références, on pourrait dire qu'il s'amuse. C'est tout le contraire: il joue. Car Gilbert Garcin est le sujet et l'objet de ses propres images. Ce détour par soi serait-il un continuel retour sur soi ?
Tout commence l'été 1995, lorsque Gilbert Garcin, alors jeune retraité qui a tout bonnement envie d'une seconde vie, se décide à se lancer dans la photographie et participe pour ce faire à des stages aux Rencontres d'Arles. Il y pratique le photomontage, qui sera sa source d'inspiration première. Depuis lors, il a imaginé à partir de sa propre silhouette un personnage universel dont il emprunte au départ la défroque à Tati. La figure de Gilbert Garcin se bâtit comme une incarnation ambiguë de lui-même à travers laquelle il interprète en acteur des situations mises en scène, faussement burlesques, qu'il qualifie de « petites philosophies » à la manière du grand Hitchcock.
Le charme opère car l'artiste nous parle d'évidences qui nous concernent tous : celle de la vie qui s'écoule, du temps qui fuit, de la ténacité qu'il faut pour continuer... Ainsi, Gilbert Garcin rappelle en images et à l'aide de titres évocateurs qu'il est préférable de « faire de son mieux » et de « connaître ses limites » car au fond on ne fait que « rejouer de vieux airs connus », ceux de « Sisyphe » ou d'« Atlas ».