C'est l'histoire d'un jeune Sénégalais emprisonné pendant des années dans une geôle de Dakar pour avoir tué en représailles l'assassin - un commerçant chinois - de son frère. L'histoire d'une vie brisée, faite de pénitence, celle d'un homme singulier, complexe que l'amour fraternel et le contexte économique poussent au meurtre.
Sa grande admiration pour son frère, la relation difficile à sa mère, l'homosexualité, l'envie de vengeance, le poids de la culpabilité et enfin l'amour sont autant d'éléments qui composent ce roman « politique » et audacieux.
« Pour le maintenir vivant, j'avais accepté de m'abandonner en lui, que nous devenions un, frères siamois, le temps de notre captivité, parce que la vie carcérale interdisait à sa belle gueule de s'aventurer seule dans le champ de tir d'un maton.
Casser de l'homosexuel étant un rituel par là--bas, nous réservions paroles et gestes brusques à la promenade du lendemain, nous contentant de chanter en sourdine, l'un après l'autre, Charles Aznavour d'abord, Freddie Mercury ensuite, à moins que ce ne fût Freddie Mercury en premier.
The show must go on, disait Ching.
Pour avoir encaissé trop de coups, il avait vite compris qu'il ne serait jamais à l'abri, tant qu'il était ce que la Nature avait fait de lui :
Un homme qui ai-- mait les hommes.
Je me serais pendu, si tu n'étais pas là !
Un soir de blues, dans la pénombre de la cellule.
Ching était assis à califourchon sur notre couche, moi, allongé à ses pieds, la tête tournée vers son visage.
Par intermittence, le bout embrasé de sa cigarette dévoilait le haut de son visage.
Ce soir--là, il lui était égal que la vie suive son cours dehors, avec l'aboiement lointain d'un chien perdu, qui venait bri-- ser les lois de la prison.
« Silence, silence, fermez vos gueules !
» nous parvenait la voix d'un maton, derrière la porte.
Un cri mêlé au tapage dans le couloir d'une dizaine de paires de bottes de matons, tandis qu'un autre déchirait la nuit.
Des sanglots, étouffés d'abord, encore des sanglots d'où perlait la douleur, puis quelqu'un appela père et mère à son secours.
L'instant d'après, son hurlement se perdait dans le braiment de l'âne qui venait de le violer.
«C'est fini là--dans !
Reprit le maton, maintenant on dort !» »
Gratteurs d'écailles dans une poissonnerie, vendeurs ambulants de montres de pacotille ou de statuettes en bois, journaliers payés au noir pour décharger des sacs d'un camion, hommes à tout faire d'un commerçant pakistanais qui revendait des pots de crème à l'hydroquinone censés procurer aux nègres l'éclat d'une peau blanche, la leur ne faisant plus l'affaire. Sur le marché Dejean, on trouvait de tout... Née au Mali, Khadîja élève seule quatre enfants à Paris, dans le quartier de Château-Rouge. Pétrie de double culture, musulmane mais le doute chevillé au corps, elle se retrouve exclue de sa communauté du fait de sa liaison avec Jacques, le père de son fils métis. Cercle après cercle, depuis ses voisines maliennes jusqu'aux patriarches du foyer Sonacotra et à ses propres enfants, Khadîja passe en jugement. Mais cette absurde comparution, où Africains et Européens rivalisent dans la bêtise et l'injustice, réveille en elle une force et un humour inattendus. Tableau intense de Château-Rouge, Des fourmis dans la bouche est porté par une écriture inventive au ton très singulier, fondée sur la double appartenance. Un roman qui dit la difficile liberté d'une femme africaine en France.