Partir à pied, loin de chez soi, sur un chemin balisé. Partir seule, avec pour unique compagnon un petit sac à dos astucieusement rempli et un désir irrépressible de bouger, d'aller de l'avant. C'est dans ce contexte post-confinement qu'Agnès décide d'entamer en juin 2020 un séjour introspectif sur le mythique chemin de Compostelle. Une aventure toute simple et pourtant incroyable, jalonnée de belles rencontres. Son trajet : Le Puy-en-Velay jusqu'à Cahors, en passant par Aumont-Aubrac et Conques, soit au total presque 400 km. Une expérience de via relatée dans cet ouvrage abondamment illustré et ponctué de bons tuyaux, d'adresses précieuses et de conseils avisés.
« Il suffit de voir une petite fille habillée de rouge, panier sur le bras, pour sentir la présence de la galette et du loup. Il suffit aussi, désormais, d'ouvrir un congélateur pour craindre la découverte d'une nurserie macabre, de croiser une joggeuse pour voir un halo en sursis fluo. Le cours de la Vologne nous inquiète tout autant qu'une maison de pain d'épices. Il y a le petit Poucet et le petit Grégory, la pantoufle de vair et le pull-over rouge. Les faits divers sont là. Dans nos vies, dans nos représentations, nos blagues, nos mots, nos craintes nos réflexes, dans nos imaginaires.
À première vue, tout semble avoir déjà été dit et redit sur eux. Bien des théories que l'on a proposées à son sujet (politiques, sociologiques, psychanalytiques, etc.), si brillantes soient-elles, parlent cependant de tout sauf d'une chose pourtant essentielle : la façon tout à fait originale dont les faits divers nous marquent, nous imprègnent une fois la sidération passée, la manière dont on les « vit » existentiellement, dont ils persistent. À force de regarder du côté des causes, des conséquences, de l'origine, de la structure, du rôle, de l'utilisation, on en vient à ne plus voir le fait divers tel qu'il fait effet. C'est pourquoi, il faut aussi décrire l'empreinte, l'écho, la fragrance que les faits divers laissent dans notre monde, en chacun de nous. C'est l'objet de ce livre qui à travers l'étude des objets, des héros, des lieux, du style des faits divers cherche à expliquer la place considérable qu'ils occupent dans notre existence. » Mara Goyet
« Mon père l'a affirmé haut et fort. Il voulait, après sa mort, se réincarner en train. Ainsi les vaches le regarderaient-elles passer. C'était peut-être son idée de la félicité. Ou, comme souvent avec lui, la douceur de l'image, sa simplicité.
Mon père est vivant. Il est malade depuis des années maintenant. Terriblement. Il file déjà, à pas lents, à travers le paysage. Qu'il soit pourtant, et à l'avance, exaucé : même si je ne suis pas une vache aux longs cils et au regard humide, même si je ne fais pas le poids, je veux le regarder passer, observer sa vie et ce qu'est devenue la mienne. Je ne vais cependant pas me contenter de ruminer ; il y a tant de belles choses à raconter. »
Fayel, c'est Raphaël en patois. Le grand-père de Raphaël aime parler le patois vendéen, c'est sa langue maternelle. Il est agriculteur, et aime son tracteur presque autant que le Sahara. Le Sahara, le pays des dromadaires, il ne l'a vu qu'une fois, quand il était jeune. Et depuis, les souvenirs de ce voyage allument des étoiles dans ses yeux. Il aimerait, après sa mort, que son tracteur soit donné aux habitants de ce pays. Raphaël prend la main de son grand-père lui promet. À la mort de son grand-père, il entame alors un long voyage, traverse les montagnes, découvre des paysages infinis et arrive au Sahara où il offre le tracteur de son peupé au fellah. Il rentre chez lui avec un bout de son voyage, sept dromadaires qu'il garde précieusement sur les terres de son peupé.
" L'enseignement, ce sont des vigilances, un sens du rythme, des pauses, des paris, des obsessions. C'est une forme de ténacité et d'acharnement. C'est un bricolage savant. C'est exactement le contraire des dix compétences de l'enseignant édictées par le Ministère."
"Sola, petite fille enthousiaste, se confronte aux injustices liées au racisme anti-maghrébin des années 1970. Beur de première génération, elle cherche son chemin, coincée entre une volonté de liberté et de retour à ses origines. À 20 ans, elle rencontre le Bouddhisme de Nichiren Daishonin qui lui redonne espoir : cette religion se pratique au sein de la Soka Gakkai Internationale frappée en France d'anathème : « C'est une secte ! », alors même que ce mouvement y respecte la Loi et promeut la citoyenneté. Confrontée à la discrimination religieuse dans un pays laïque comme la France, elle choisit de se battre."
Apparemment ineffable dans le Tractatus logico-philosophicus, l'esthétique de Wittgenstein se laisse caractériser par une étude serrée des textes. Les remarques si fréquentes du philosophe sur les artistes et leurs oeuvres participent déjà d'une théorie esthétique. Il y a même, selon les analyses de cet essai, une solution esthétique aux célèbres paradoxes du Tractatus. Enfin, l'esthétique liée aux concepts de raisons, de monstration, d'aspect se voit attribuer une essence dans un texte inédit, dont la mise au jour commentée et systématisée invalide la thèse d'un anti-essentialisme artistique chez Wittgenstein.
Le collège sera-t-il un jour un lieu de mémoire ? Au même titre que le Panthéon, le Tour de France ou Alésia ? Alésia, surtout. Il se contente pour l'instant d'être un lieu de déboires. Là réside sa beauté tragique, là commence sa force comique.
Le collège doit dans un même élan résoudre la cruelle question du toner de la photocopieuse et celle de l'immortalité des dieux grecs. Il doit convaincre les élèves de la grâce d'une pensée libre tout en leur faisant bien comprendre que ce n'est pas un môme de 12 ans qui va réfuter le théorème de Pythagore. Il doit officiellement laisser s'épanouir le petit d'homme (qui sait si ce n'est pas un Mozart contrarié ?) tout en lui enjoignant officieusement de la fermer (il faut quand même, de temps en temps, faire cours).
Cet univers aussi bas que sublime, aussi prosaïque que complexe, est à la fois familier et méconnu. Collèges de France invite à une promenade pittoresque en ses murs, à la découverte de ses indestructibles monuments (les estrades, la machine à café), de ses vaillants autochtones (les professeurs, les élèves, les CPE), de ses traditions séculaires (les heures de colle, la cantine), de son charmant folklore (les sigles, le jargon), de ses mythes ancestraux (l'autorité, l'élitisme), de ses zones d'ombre, de ses guerres impitoyables avec leurs martyrs, leurs héros, leurs félons.
Mara Goyet, 29 ans, enseigne l'histoire-géographie depuis cinq ans dans un collège de la banlieue parisienne.
Le collège unique a quarante ans. Il est le symbole d'un espoir, d'une utopie éducative et d'un désastre. Il est tentant de l'abandonner. Ce serait inacceptable - comme renoncer à une promesse démocratique : propose-t-on de rétablir le suffrage censitaire quand les résultats des élections déplaisent ?
Avec les années, on a accumulé des protocoles, des gadgets et des slogans, sans tenter d'imaginer une transmission exigeante, élégante et opiniâtre de la culture qui se soucie des élèves tels qu'ils sont. Or faire un cours sur Charlemagne en 2014 ne ressemble en rien à un cours de 1918 ou de 1975. Au Charlemagne scolaire s'oppose aujourd'hui les Charlemagne parodique, kitsch, youtubaire, qui peuplent l'esprit de nos classes.
Ce livre fait un pari : proposer un nouvel âge de l'enseignement. Toute l'École est concernée, pas seulement le collège. Ce serait un art du mélange et de la juste distance. À mi-chemin entre Roland Barthes et Lara Croft, le professeur doit être érudit et bricoleur : pour perpétuer la transmission de la culture et du savoir, il doit descendre de l'estrade, ruser, tout explorer. C'est le grand enjeu de l'éducation actuelle : il s'agit de trouver les moyens, dans une époque complexe, d'être juste, ambitieux et efficace.
© Flammarion, 2014.
Couverture : Portrait de Jules Ferry © BnF
La rhétorique apprenait un certain type de regard, pour percevoir une oeuvre comme totalité. La thèse de cet ouvrage est donc que le regard rhétorique est, ou était, un regard synthétique. Une telle thèse oblige à reprendre un problème très classique, celui de la construction d'ensemble d'un ouvrage.
L'épopée guerrière est une gigantesque machine à penser. La guerre qu'elle décrit est une métaphore, qui mime une crise contemporaine du public pour lui donner les moyens de l'appréhender intellectuellement. En l'absence des outils conceptuels que nous connaissons (historiques, juridiques, philosophiques), l'épopée permet une compréhension obscure mais profonde, efficace.
Les outils conceptuels étant absents ou inopérants, la compréhension se fait dans et par le récit. C'est lui qui est chargé à la fois de rendre compte de la confusion radicale du monde et d'y tracer des perspectives lumineuses. Tous les procédés proprement littéraires trouvent là leur justification profonde. Ce sont les conflits apparemment psychologiques, la ritualisation du combat, le recours aux récits annexes, la juxtaposition et la variation, les parallèles, homologies et antithèses, qui font jouer les notions problématiques et permettent d'élaborer une vision profonde de la réalité.
L'épopée est un moyen, et non une fin. Elle permet d'apporter la lumière sur un sujet encore bien plus confus que la mêlée guerrière : la crise qui secoue le monde des auditeurs. Elle est le lieu où s'élaborent les valeurs nouvelles, où se pense le nouveau modèle politique : pour l'Iliade, la naissance de la Cité qui va se substituer à l'univers patriarcal, pour le Roland le renouveau royal du XIIe siècle, pour le Hôgen et le Heiji monogatari, la naissance de la féodalité.
La question que toutes posent, de la première à la dernière ligne, celle pour laquelle elles emploient tour à tour tous les moyens à leur disposition, c'est ainsi la question du politique : quelle forme de gouvernement, quels rapports entre les êtres dans une société qui émerge d'un âge sombre.
Cet ouvrage concerne des développements originaux et innovants sur les concepts d'échantillonnage et d'interpolation des mesures effectuées.
Intuitivement, les expérimentalistes prennent plus d'échantillons dans les zones où la variabilité des paramètres étudiés est la plus importante, que dans des zones où la variabilité est moindre. Cet ouvrage présente une nouvelle et rigoureuse approche mathématique pour déterminer exactement où les échantillons doivent être prélevés en fonction des multiples contraintes pratiques dues aux ressources (humaines, financières, et techniques) limitées. Le principal exemple illustrant l'application de ces résultats fondamentaux est basé sur le défi d'échantillonner l'océan (qui couvre près de 71% de la surface de notre planète et qui a une profondeur moyenne proche de 4000 mètres), pour faire des mesures de CO2 total (paramètre difficile à mesurer mais essentiel dans le contexte du réchauffement climatique et de l'acidification des océans). D'autres exemples sont aussi présentés pour montrer l'étendue des champs d'applications de cette approche générale qui concerne aussi bien les systèmes environnementaux que d'ingénierie, ou purement mathématiques.
Dans ce paradis étroit qu'est le trottoir de la sortie de l'école, Bertrand rayonne. Il observe avec un regard à la fois amoureux et tendre ces jeunes mères de famille qui se trouvent trop bousculées, trop déprimées, trop désoeuvrées, trop vieillissantes déjà. Elles attendent leurs mômes. Puis elles rentreront chez elles, pour hâter le diner familial qui n'a plus rien de glam, car le père des enfants a filé à l'anglaise avec une copine, ou au contraire se contente de soirées léthargiques.
Bertrand, lui, réinvente ces jeunes Parisiennes modernes. A soixante ans sonnés, il pourrait bien être leur père, pourtant il a un charme gourmand qui les grise et les pousse à briser le traintrain de leur vie, à dérider leurs yeux cernés, et envoyer valdinguer les drames minuscules.
Satire contemporaine loufoque, Femmes à rénover est un roman impitoyable et déluré, écrit par deux jeunes romancières au regard acide et à l'imagination drolatique.
Voici comment notre époque nous a façonnés : cons et subtils, dupes mais incrédules, éclairés et paumés, admirablement dérisoires.
Ô monde humain intense, vivant, exalté, puissant, passionné, Ce que j ai pu te fuir ! Le refuge était le grand bois solitaire, peuplé de sapins amoureux, sereins, loin des remous qui viennent de la vie... C était une autre vie ! Assise aux pieds de ces beaux arbres, sur un tapis d aiguilles et de mousses emmêlées, Ou courant de l un à l autre l âme en fête, j aspirais leur haleine qui se perdait en la mienne, complice, envoûtante. Heureuse et heureux eux aussi... il y avait là comme une symbiose entre eux et moi, une entente subtile, un bien-être incommensurable qui libéraient mon âme tout entière et libéraient leur essence même.
« Ils étaient des loups sauvages, Bruns, hirsutes et assoiffés D air libre sur leurs pelages, Coursiers aux trots étouffés Par la terre aux mottes chaudes Qu ils ont retournée, jachère Servants aux yeux d émeraudes Ont fait crisser la jonchère. Souples dompteurs d un espace Ils ont reçu la blessure Qui n a pas laissé de trace Seul un trait sur leur fourrure. »
L'écomusée de l'île de Groix est inauguré en 1984. C'est un bon exemple de ces initiatives qui, de la fin des années 1960 à nos jours, témoignent d'un rapport nouveau et très intense de notre société au passé. Réalisation de qualité, l'écomusée prête néanmoins le flanc à quelques critiques : comme de nombreux autres musées de ce type, il opère un tri dans le passé, il présente très peu l'histoire la plus contemporaine et les aspects qui ne sont pas valorisants pour la population locale. Toute trace de misère ou de conflits sociaux semble par exemple absente de l'exposition.