Lettre d'amour : La mère de Fernando Arrabal vient de recevoir la première lettre de son enfant depuis dix-huit ans.
Lui, si plein de dévotion pour elle, avait brisé les liens qui les unissaient. Le père, condamné à mort au début de la guerre civile espagnole, avait-il été dénoncé par son épouse ? Pour protéger son fils ? L'histoire, "cette marâtre", était-elle responsable de cette tragédie ? Elle les avait plongés, tous trois enchaînés, au fond d'un puits, "comme dans un supplice chinois". Lettre d'amour, créée au National Theatre of Israël, a été accueillie triomphalement partout dans le monde, et particulièrement au Centro Dramatico Nacional d'Espagne où la pièce a reçu une douzaine de prix, et où elle est jouée sans interruption depuis 2001.
Claudel et Kafka : Paul Claudel et Franz Kafka, qui s'étaient croisés à Prague, se retrouvent. au paradis ! D'un passé flamboyant de passions et de troublantes énigmes reviennent Milena, Camille la surdouée et Rosalie la tentatrice. Ils sont tous dans l'Eden promis par le Grand Théâtre d'Oklahoma, celui "qui vous appelle pour la première et la dernière fois". Arrabal a écrit cette pièce en collaboration avec Ruth Reichelberg, doyenne et directrice du département de littérature comparée de l'université Bar-Ilan de Tel-Aviv.
Un théâtre fou, brutal, clinquant, joyeux (. ). Arrabal hérite de la lucidité d'un Kafka et de l'humour d'un Jarry ; il s'apparente, dans sa violence, à Sade ou à Artaud. Mais il est sans doute le seul à avoir poussé la dérision aussi loin. Le rire devient alors un rituel d'évasion, une catharsis capable de déjouer la peur qui hanta l'enfance du dramaturge. Il y a là une énergie cannibale, un hédonisme de la confusion.
(. )joyeusement ludique, révoltée et bohème, l'oeuvre d'Arrabal est le syndrome de notre siècle de barbelés et de goulags : une façon de se maintenir en sursis.
Dictionnaire des littératures de langue française (Editions Larousse-Bordas, Paris, 1998).
Un dialogue entre un Dali favorable au bolchevisme et un Picasso réactionnaire : voici comment Arrabal, dont la poétique folie s'est essaimée dans tous les arts et tous les genres, monstre sacré du surréalisme, autrefois poursuivi par les Franquistes, envisage sa propre lecture du célèbre tableau de Dalí, Prémonition de la guerre civile (1936, Philadelphia Art Museum), dont l'exubérance incohérente traduit la folie meutrière qui va bientôt déchirer l'Espagne.
«J'Al une bulle d'air. Je la sens très bien. Quand je suis triste elle se fait plus lourde, et parfois, quand je pleure, on dirait une goutte de mercure. / Je la sens très bien. Lorsque je suis content elle se fait plus légère, et parfois, lorsqu'elle me parle, on croirait qu'elle n'existe pas. / La bulle d'air se promène de mon cerveau à mon coeur et de mon coeur à mon cerveau.» Des extraits de La Pierre de la Folie parurent dans «La Brèche», la dernière revue proprement surréaliste dirigée par André Breton. Livre panique («Panique» vient du dieu Pan, «la totalité»), cet ouvrage ne se réduit pas à une simple transposition poétique de ce cahier où Fernando Arrabal annotait ses rêves, et constitue une véritable oeuvre de passage, entre intérieur et extérieur, âme et corps, conscient et inconscient... Une spirale musicale qui nous invite autant à rentrer au plus profond de nous-mêmes - par la force et la répétition hypnotique d'images déroutantes, qui sont autant de «clés dans la clé» comme l'écrit Antonio Bertoli dans sa postface - qu'à sortir hors de notre «moi» habituel.
Véritable coup de hache porté à nos certitudes, la pierre que ce texte nous permet d'extraire a sans doute de multiples facettes : entre folie et sagesse, il n'est parfois de différence que le point à partir duquel l'être humain contemple ses pensées...
« Senor Don Fidel Castro RuzMonsieur,Avec le même fol espoir, la même crainte avec lesquels j'écrivais hier au général Franco, aujourd'hui je m'adresse à vous, Caudillo... »« Arrabal hérite de la lucidité d'un Kafka et de l'humour d'un Jarry il s'apparente, dans sa violence, à Sade ou à Artaud. Mais il est sans doute le seul à avoir poussé la dérision aussi loin. L'oeuvre désoriente, provoque. Profondément politique et joyeusement ludique, révoltée et bohème, elle est le syndrome de notre siècle de barbelés et de goulags: une façon de se maintenir en sursis. »