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Flammarion
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Selon les sources poursuit bien sûr ce long
dialogue entre le visible et l'invisible, la parole
et le silence, le royaume des ombres et
celui des vivants. Une lumière perce pourtant,
plus tangible ces dernières années - ou un
apaisement, malgré la violence renouvelée du
monde - et c'est cette dimension fragile, ces
paysages limpides dans le repli de leur secret,
que le poème cherche d'abord à capter, moins
pour nous réconcilier avec le présent que pour
nous laisser entrevoir une autre mesure du
temps : « Qui sait encore / ce que le vent /
soulève ? / Qui sait les abris / creusés dans /
le souvenir ? / Reste / avec le peuplier / la
ciselure / de / ce qui n'est pas dit. » -
Depuis Première apparition avec épaisseur (1986), Esther Tellermann a publié l'essentiel de son oeuvre poétique chez Flammarion. Elle est également l'auteur d'essais et de récits. Le Prix Max Jacob lui a été attribué pour Sous votre nom (Poésie/Flammarion, 2015).
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Dès l'origine, avant même que les mots viennent buter contre le blanc de la page, contre son silence, il y a chez Esther Tellermann comme le constat d'une aporie. Comment l'appréhender, comment le dire, ce manque qui préexiste à l'avancée de l'oeil et de la conscience, alors que le monde est là, déjà, depuis toujours, dans la distance ? Quelque chose peut-être s'est perdu en deçà de la perception - et ne reste que cet effort pour faire coïncider dans la syntaxe des signes l'absence du dedans et l'extériorité des spectacles. Demeure aussi la douleur. À la géométrie impeccable du monde, à la richesse trop évidente des couleurs, des senteurs, des sucs, répondre par quelques notations furtives, quelques itinéraires vers le «point central» qui se dérobe, dans la hâte et la lucidité de l'instant : je parle vite ou je ne parle pas.
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Dans les quatre parties de ce recueil qui oscille entre l'énigme du mythe et la violence du présent, l'auteure poursuit sont exploration vers la contrée des vivants et des morts et esquisse également un portrait plus intérieur.
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L'oeuvre d'Esther Tellermann est la relation d'une quête indéfiniment reprise - puisque sans terme, sans origine - vers une incertaine mais essentielle unité. Chacun de ses recueils n'est au fond qu'une étape, un chapitre isolé de ce récit énigmatique tour à tour esquissé, effacé, assuré de sa source et rendu à ses propres cendres, après l'embrasement des lieux et des formules. Pangéia s'inscrit bien sûr dans la continuité de cette démarche : on a donc moins affaire ici à des poèmes isolés qu'à des « fragments », organisés en suites (ou séquences), dont le matériau est sans cesse émondé, retravaillé, afin de faire jouer l'ombre et la lumière conjointes des signes, sur la page intérieure où se profile, fugacement, un seul texte invisible - dans la perpétuelle nuit du monde, le jour fragile de la parole inscrite. Faut-il ou non une piscine ? Doit-on échanger cacahuètes et apéritif avec des voisins ? À quoi sert-il de hanter les « vide-greniers » ? Plus proche de Laurel et Hardy que de Le Corbusier, le couple se pose, entre autres, ces questions existentielles. Son histoire, confondue avec celle d'une maison improbable, rejoint le « fantasme manoir » de tout le monde. Elle est triste à pleurer de rire.
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Des "fragments" de poésie qui font jouer l'ombre et la lumière des mots.
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M'avait-il donn l'empreintede sa tempeun mot que dpose une pluie ?Un instant unesyllabeune ville autrementdes sillons dansles soirs puis tout coupse retire votre nuitqui m'veille.
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Sans marquer à proprement parler une rupture par rapport à ses livres antérieurs, Contre l'épisode témoigne d'une inflexion nouvelle dans l'oeuvre d'Esther Tellermann, dont on a pu dire qu'elle déroulait « un récit énigmatique - celui, peut-être, d'une origine - dont chaque séquence déterrerait une tablette invisible ou enfouie ». C'est dans la section centrale, qui donne d'ailleurs son titre au livre, que se perçoivent essentiellement les échos de ce drame caché dont la voix toujours souveraine - mais ici plus rauque, plus heurtée - semble répercuter de strophe en strophe l'effroi initial.
La séquence d'ouverture : Voix à rayures, inscrit cette scène indicible dans la nuit de l'Europe, de sinistre mémoire, où nulle « ombre n'a su / séparer l'ombre ». La dernière section : Inquiétude fixe, renoue le dialogue avec les paysages immobiles et les figures ancestrales qui nourrissent depuis toujours la poésie d'Esther Tellermann : au confluent de l'Histoire et du mythe, de la louange et du deuil, du sacrifice et du chant.
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Chaque recueil d'Esther Tellermann est une étape, un chapitre isolé d'un récit plus ample, énigmatique, embrasé et voilé tour à tour - puis rendu à ses propres cendres. Encre plus rouge prolonge bien sûr cette narration obstinée, inaugurée voici bientôt vingt ans. Mais au-delà d'une évidente continuité, ce nouveau volume marque une inflexion sensible dans son déroulement : on y percevra l'intonation sinon réconciliée, du moins plus apaisée d'une voix toujours attentive au chant des morts enfoui sous la parole des vivants. Dans la troisième partie, notamment, la méditation s'avère d'une limpidité tendue, souveraine, tournée vers quels dieux absents ? - ou fugacement présents dans la béance de ces pages, comme autant d'éclairs, de fractures, de visions... Poème inscrit sur une terre inconcrète et sans nom.