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« Un piano ça pèse, des pianos encore plus. C'est l'une des conditions pour que ça sonne. Une mère aussi, ça pèse, peut-être pour la même raison. Mais quand la mère meurt, quel poids nouveau ? Et les passés, quel poids chacun ? Le mien, le sien, le nôtre, les Anciens, la langue et la musique survivante, les langues mortes. »
Emmanuel Lascoux propose un premier récit personnel, en forme de méditation poétique sur la langue et la perte. Texte non pas de deuil mais de constat : « perdu (sans) ma mère », écrit-il. Constat, de décès d'abord, celui de la mère. Mais en latin, constat, c'est ce qui consiste, ce dont c'est fait, l'instrument de musique comme la langue, ce que ça pèse, ce que ça vaut. Et chaque phrase vient mesurer ou peser ce qui reste, ce qui est. Sentir le poids toujours plus lourd, ou soupeser le toujours plus léger (vivre, écrire, jouer, dire). Le deuil pénètre la langue, bouleverse la narration : « Combien de jours nous reste-t-il après la mort ? » La musique, elle, persiste : « imaginez ce que ça fait de vivre avec. »
Le texte d'Emmanuel Lascoux est écrit sur l'arête entre prose et poésie. De multiples sons, langues et voix résonnent dans les phrases. On y entend autant Bach que Beckett : « Qu'elle, qu'on le veuille, un mot dit non, ou pas, et c'est comme ça que la phrase. Retour mortel, mieux. Comme on pense sans raison. Comme on vaut sans s'équivaloir. » -
L'Iliade des femmes ; récit homérique à deux voix
Daniel Mesguich, Emmanuel Lascoux
lu par Daniel Mesguich; Emmanuel Lascoux- Des Femmes
- Bibliotheque Des Voix
- 28 Novembre 2016
- 3328140021653
« Qu'est-ce qu'une femme ? Une déesse mortelle. Une déesse ? Une femme immortelle. Qui parle ? Le Poète (inutile, autrefois, de préciser "Homère"), dans l'Iliade, notre naissance en littérature.
Loin d'être la faiblesse des hommes et des dieux, la femme et la déesse sont la force du chant : tout part de la déesse invoquée ; tout remonte à Hélène, la femme désirée, selon le vouloir d'Aphrodite. Elles sont là, reines, mères et filles, soeurs et épouses, amantes ou solitaires. Inséparables des hommes et des dieux. Bien avant que Flaubert soit Emma Bovary, Homère est Andromaque, Hécube, Athéna, Chryséis, toutes ! La guerre de Troie, il fallait, mieux que de la lire, qu'on l'entende d'elles.
Car l'Iliade n'est pas un livre : elle est femme, donc chant. Doublement. Daniel Mesguich, fils aimé de la Muse française, déploie l'étoffe de notre langue tissée ici pour lui par Emmanuel Lascoux, helléniste rêveur à haute voix de grec ancien, et l'invite à y broder le fil antique. » E.L.