L'Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, «délégué» de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l'amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions.
Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur l'existence d'un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion...
Boualem Sansal s'est imposé comme une des voix majeures de la littérature contemporaine. Au fil d'un récit débridé, plein d'innocence goguenarde, d'inventions cocasses ou inquiétantes, il s'inscrit dans la filiation d'Orwell pour brocarder les dérives et l'hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.
Les deux narrateurs sont deux frères, Malrich et Rachel, nés de mère algérienne et d'un père allemand, Hans Schiller. Tous deux ont été élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de la banlieue parisienne, tandis que leurs parents restaient dans leur village d'Aïn Deb, près de Sétif. En 1994,. le GIA massacre une partie de la population du bourg. Pour l'aîné, le deuil va se doubler d'une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père. En effet, Hans Schiller, chimiste de valeur avant la guerre, a rejoint le parti nazi puis la Waffen SS. Affecté à Auschwitz, il a participé activement à l'extermination de milliers de personnes. À la fin de la guerre, comme beaucoup d'officiers et de scientifiques nazis, il a pu s'échapper via la Turquie vers l'Égypte, où ses compétences ont été utilisées. Puis Nasser l'a « prêté » au FLN algérien naissant. Après l'indépendance, il s'est installé à Aïn Deb, où il a fondé une famille, et où il jouissait du prestigieux titre de moudjahid.
Basé sur une histoire authentique, le roman propose une réflexion véhémente et profonde, nourrie par la pensée de Primo Levi. Il relie trois épisodes à la fois dissemblables et proches : la Shoah, vue à travers le regard d'un jeune Arabe qui découvre avec horreur la réalité de l'extermination de masse ; la sale guerre des années 1990 en Algérie ; la situation des banlieues françaises, et en particulier la vie des Algériens qui s'y trouvent depuis deux générations dans un abandon croissant de la République. « À ce train, dit un personnage, parce que nos parents sont trop pieux et nos gamins trop naïfs, la cité sera bientôt une république islamique parfaitement constituée. Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses frontières actuelles. » En croisant les journaux des deux frères, dont les natures sont aussi divergentes qu'intimement liées, Boualem Sansal livre un dialogue posthume haletant, qui mêle le désespoir et l'humour, l'abattement et l'énergie, et parvient à faire entendre une voix d'une sincérité bouleversante.
Héritière d'un puissant empire industriel, Ute Von Ebert vit à Erlingen, une bourgade cossue du sud de l'Allemagne. Sa fille Hannah, vingt-six ans, habite à Londres. Dans des lettres au ton très libre et souvent sarcastique, Ute lui raconte la vie dans Erlingen tombée sous la coupe d'un ennemi fanatique : ceux qu'elle appelle « les Serviteurs » ont imposé comme loi unique la soumission à leur dieu. Fébriles, les habitants d'Erlingen espèrent l'arrivée d'un train par lequel fuir la ville assiégée. Mais le train du salut ne vient pas. Et si cette histoire était le fruit d'un esprit fantasque et inquiet, qui observe les ravages de la propagation d'une foi sectaire dans les démocraties fatiguées ? Comme dans 2084, Boualem Sansal décrit la mainmise de l'extrémisme religieux sur les zones fragiles de nos sociétés, favorisée par la lâcheté ou l'aveuglement des dirigeants.
'Je l'ai entendu comme un appel de l'au-delà : "Va, retourne à la rue Darwin." J'en ai eu la chair de poule.
Jamais, au grand jamais, je n'avais envisagé une seule seconde de retourner un jour dans cette pauvre ruelle où s'était déroulée mon enfance.' Après la mort de sa mère, Yazid, le narrateur, décide de retourner rue Darwin dans le quartier Belcourt, à Alger. 'Le temps de déterrer les morts et de les regarder en face' est venu.
Une figure domine cette histoire : celle de Lalla Sadia, dite Djéda, toute-puissante grand-mère installée dans son fief villageois, dont la fortune immense s'est bâtie à partir du florissant bordel jouxtant la maison familiale. C'est là que Yazid a été élevé, avant de partir pour Alger. L'histoire de cette famille hors norme traverse la grande histoire tourmentée de l'Algérie, des années cinquante à aujourd'hui.
Encore une fois, Boualem Sansal nous emporte dans un récit truculent et rageur dont les héros sont les Algériens, déchirés entre leur patrie et une France avec qui les comptes n'ont toujours pas été soldés. Il parvient à introduire tendresse et humour jusque dans la description de la corruption, du grouillement de la misère, de la tristesse qui s'étend... Rue Darwin est le récit d'une douleur identitaire, génératrice du chaos politique et social dont l'Algérie peine à sortir.
«Tout est douteux à Rouiba, son opulence autant que sa prétention d'être le poumon économique de la capitale. L'agriculture est un vice qui n'a plus de troupes. L'industrie bricole dans le vacarme et la gabegie. Les rapports d'experts le proclament ; mais qui les lit ? Le commerce est mort de mort violente, les mercantis lui ont ôté jusqu'à la patente. À ceux qui s'en inquiètent, des nostalgiques de la mamelle socialiste ou des sans-le-sou, les bazaris jurent que c'est l'économie de marché et que ça a du bon. Leurs complices du gouvernement, qui ont fini de chanter la dictature du prolétariat, apportent de l'eau à leur moulin en discourant jusqu'à se ruiner le gosier. Et si le Coran, le règlement et la pommade sont de la conversation, ce n'est pour ces camelotiers ruisselant de bagou qu'artifices pour emmancher le pigeon et boire son jus. Soyons justes, on ne saurait être commerçant florissant et se tenir éloigné de l'infamie ; l'environnement est mafieux, le mal contagieux ; un saint troquerait son auréole pour un étal [...] Les rapports avaient prévu la dérive ; mais qui les a lus ? Ainsi était Rouiba ; il y a peu.» Une épopée rabelaisienne dans l'Algérie d'aujourd'hui.
«Nous les avons accueillis avec sympathie, un brin amusés par leur accoutrement folklorique, leur bigoterie empressée, leurs manières doucereuses et leurs discours pleins de magie et de tonnerre, ils faisaient spectacle dans l'Algérie de cette époque, socialiste, révolutionnaire, tiers-mondiste, matérialiste jusqu'au bout des ongles, que partout dans le monde progressiste on appelait avec admiration «la Mecque des révolutionnaires». Quelques années plus tard, nous découvrîmes presque à l'improviste que cet islamisme qui nous paraissait si pauvrement insignifiant s'était répandu dans tout le pays».
Après avoir brossé un tableau d'ensemble des courants musulmans, Boualem Sansal s'interroge sur les acteurs de la propagation de l'islamisme : les États prosélytes, les élites opportunistes, les intellectuels silencieux, les universités, les médias, «la rue arabe»... Il questionne aussi l'échec de l'intégration dans les pays d'accueil des émigrés.
Ainsi, l'islamisme arabe tend à s'imposer, mal évalué par les pouvoirs occidentaux qui lui opposent des réponses inappropriées, tandis que les femmes et les jeunes, ses principales victimes, sont de plus en plus à sa merci.
Boualem Sansal, devenu l'une des grandes voix de la littérature algérienne, propose une synthèse engagée, précise, documentée, sans pour autant abandonner les prises de position humanistes intransigeantes qui, au fil de ses romans, l'ont amené à dénoncer à la fois le pouvoir militaire algérien et le totalitarisme islamiste.
«Pourquoi les humains sont-ils si bêtes ? Pourquoi se laissent-ils traîner par le bout du nez ? Les ânes ont de longues oreilles ridicules par lesquelles ils se font bêtement attraper, mais quand ils ne veulent pas avancer, rien ne peut les forcer à obéir.»Boualem Sansal adresse aux peuples et aux nations de la terre un manifeste athée, plein d'un humour féroce et rageur, pour les appeler à sortir de l'âge des dieux et à entrer dans celui des hommes. L'humanité doit trouver le moyen de résister aux forces qui la détruisent : les religions et leurs sempiternelles pénitences, l'argent tout-puissant, les passions guerrières, ou encore la malbouffe omniprésente sur la planète, symptômes indubitables d'un effondrement des civilisations.Après un rappel des errements et des crimes du passé, le grand écrivain algérien propose une «Constitution universelle» censée servir de base à la République mondiale qu'il appelle de ses voeux, qui fédérerait les peuples et les nations enfin libres.Il est temps, nous dit-il, de choisir la vie.
"La parole de Dieu est une, elle tourne inlassablement dans l'univers, d'un infini Si l'autre, créant vie et mouvement, mais l'homme, cette glaise imparfaite, entend mal, il faut tout lui répéter, encore et encore. C'est la mission des prophètes et leur liste ne sera jamais close. C'est ce que je comprenais de mes précepteurs." En 1916, alors que le premier conflit mondial s'étend au Moyen-Orient, Terah, un vieux patriarche chaldéen, ayant compris que son fils Abram est la réincarnation d'Abraham, le charge de conduire la tribu vers la Terre promise, comme jadis son ancêtre de la Genèse.
Au terme de ce long périple, Abram parviendra-t-il à fonder la cinquième Alliance, susceptible de guider les hommes et d'apaiser leurs maux ? En ces temps de retour angoissé aux questionnements religieux, Boualem Sansal est de ces écrivains qui accompagnent les élans spirituels et illustrent leurs dérives. En actualisant l'histoire ancienne de la Genèse dans le but d'éclairer nos temps obscurs, il nous offre ici une parabole sur la puissance et les faiblesses de la pensée religieuse.
«C'est le plus lointain, celui que j'aime à explorer, qui me donne le plus de frissons. Écoutez-moi raconter mon pays, l'Égypte, la mère du monde. Remplissez bien votre clepsydre, le voyage compte quatre mille et une années et il n'y a pas de halte. Jadis, en ces temps fort lointains, avant la Malédiction, j'ai vécu en Égypte au temps de Pharaon. J'y suis né et c'est là que je suis mort, bien avancé en âge...»
«Dès son premier roman Boualem Sansal a imposé la puissance d'une littérature écrite à la lumière des Lumières, portée par le miracle d'une langue réinventée. En Algérie, nous sommes analphabètes trilingues : nous avons perdu le français à cause de l'arabisation forcée, l'arabe est peu ou mal enseigné, nous avons perdu le kabyle et nos langues ancestrales. Le seul langage qui reste à la plupart, c'est la violence. Le romancier, lui, dispose de la langue, cette langue exaltée, magnifiée par la solitude rougeoyante de la forge où se forment les phrases.» Jean-Marie Laclavetine.
Une maison que le temps ronge comme à regret. Des fantômes et de vieux souvenirs que l'on voit apparaître et disparaître. Une ville erratique qui se déglingue par ennui, par laisser-aller, par peur de la vie. Un quartier, Rampe Valée, qui semble ne plus avoir de raison d'être. Et partout dans les rues houleuses d'Alger des islamistes, des gouvernants prêts à tout, et des lâches qui les soutiennent au péril de leur âme. Des hommes surtout, les femmes n'ayant pas le droit d'avoir de sentiment ni de se promener. Des jeunes, absents jusqu'à l'insolence, qui rêvent, dos aux murs, de la Terre promise. C'est l'univers excessif et affreusement banal dans lequel vit Lamia, avec pour quotidien solitude et folie douce. Mais voilà qu'une jeune écervelée, arrivée d'un autre monde, vient frapper à sa porte. Elle dit s'appeler Chérifa, s'installe, sème la pagaille et bon gré mal gré va lui donner à penser, à se rebeller, à aimer, à croire en cette vie que Lamia avait fini par oublier et haïr.
Dans le sinistre bagne de Lambèse, en Algérie, de nos jours, deux détenus condamnés à mort dialoguent : un Français, Pierre Chaumet, et un Algérien, Farid.Pierre est né en 1957, à Vialar (aujourd'hui Tissemsilt). Revenu clandestinement en Algérie afin de retrouver sa mère, qui l'a abandonné à sa naissance, il a découvert un pays qui n'en finit pas de vivre avec des fantômes. Il a découvert, surtout, des vérités dangereuses sur certains aspects de la guerre d'Indépendance.Farid, lui, a participé aux atrocités commises par les islamistes ou par ceux qui les ont cyniquement utilisés.Pendant que Pierre et Farid discutent de la vie et de l'Algérie, une commission internationale des droits de l'homme s'apprête à visiter le pénitencier. L'administration de Lambèse est sur les dents...On retrouve ici la verve rabelaisienne, l'humour féroce, les morceaux de bravoure hilarants et caustiques qui faisaient le prix du Serment des barbares. À la fois réquisitoire et satire, le roman étonne et réjouit par sa truculence, sa verve iconoclaste et sa profondeur, loin des clichés larmoyants et des plaidoyers emphatiques sur les droits de l'homme et l'Algérie contemporaine.
«En France, où vivent beaucoup de nos compatriotes, les uns physiquement, les autres par le truchement de la parabole, rien ne va et tout le monde le crie à longueur de journée, à la face du monde, à commencer par la télé. Dieu, quelle misère ! Les banlieues retournées, les bagnoles incendiées, le chômage endémique, le racisme comme au bon vieux temps, le froid sibérien, les sans-abri, l'ETA, le FLNC, les islamistes, les inondations, l'article 4 et ses dégâts collatéraux, les réseaux pédophiles, le gouffre de la sécurité sociale, la dette publique, les délocalisations, les grèves à répétition, le tsunami des clandestins... Mon Dieu, mais dans quel pays vivent-ils, ces pauvres Français ? Un pays en guerre civile, une dictature obscure, une République bananière ou préislamique ? À leur place, j'émigrerais en Algérie, il y fait chaud, on rase gratis et on a des lunettes pour non-voyants.»
Au Bar des Amis, sur les hauteurs de Bab el-Oued, on discute beaucoup. On y refait le monde en général, et l'Algérie en particulier. Le patron, Ammi Salah, ancien fellagha revenu de tout, accepte que son établissement se transforme chaque jour en agora tapageuse. Chacun a son histoire à raconter, sa vision de l'avenir ou du passé à faire valoir ou à inventer. De ces tonitruantes controverses émerge plus particulièrement l'histoire de Tarik, l'un des habitués, médecin dans un hôpital d'Alger. Tarik raconte comment il a récemment traversé l'Algérie en compagnie de deux de ses cousines, revenues de l'étranger pour aller voir leur mère mourante dans le sud du pays. Un personnage mystérieux incarne le désarroi du peuple algérien:c'est un enfant mutique recueilli en route par Tarik, qui garde les yeux grands ouverts sur un passé indicible. Le voyage permet à Tarik de dresser un inventaire de l'Algérie contemporaine, entre farce et cauchemar, et son récit autorise les ivrognes volubiles du Bar des Amis à déployer leurs précieux commentaires. On retrouve ici la verve rabelaisienne de Boualem Sansal, ses critiques cinglantes ou cocasses, son exceptionnelle vitalité littéraire.
«La parole de Dieu est une, elle tourne inlassablement dans l'univers, d'un infini à l'autre, créant vie et mouvement, mais l'homme, cette glaise imparfaite, entend mal, il faut tout lui répéter, encore et encore. C'est la mission des prophètes et leur liste ne sera jamais close. C'est ce que je comprenais de mes précepteurs.» En 1916, alors que le premier conflit mondial s'étend au Moyen-Orient, Terah, un vieux patriarche chaldéen, ayant compris que son fils Abram est la réincarnation d'Abraham, le charge de conduire la tribu vers la Terre promise, comme jadis son ancêtre de la Genèse. Au terme de ce long périple, Abram parviendra-t-il à fonder la cinquième Alliance, susceptible de guider les hommes et d'apaiser leurs maux ? En ces temps de retour angoissé aux questionnements religieux, Boualem Sansal est de ces écrivains qui accompagnent les élans spirituels et illustrent leurs dérives. En actualisant l'histoire ancienne de la Genèse dans le but d'éclairer nos temps obscurs, il nous offre ici une parabole sur la puissance et les faiblesses de la pensée religieuse.
Qui mieux que Boris Cyrulnik et Boualem Sansal aurait pu écrire ce livre à deux voix, où l'histoire de l'Algérie est dépeinte comme une de ces entreprises humaines qu'on ne comprend qu'en mesurant le rôle structurel de la violence dans les sociétés ? Loin des discours officiels, parfois sans ménagement, ils invitent à redécouvrir l'Algérie et les Algériens, la manière dont ils ont mené ou subi leur histoire, fabriqué leurs héros, conquis leur indépendance - pour le meilleur et pour le pire, entre terrorisme et résistance, fanatisme et corruption, violence et soumission.
Un livre nécessaire pour sortir des mensonges et des hypocrisies, et penser à bras-le-corps une situation complexe, pour les Algériens comme pour les Français. Et imaginer peut-être, une fois éclaircis les vieux différends, d'oublier l'amertume et les ressentiments pour rendre possible une amitié entre peuples capables de se reconnaître pour ce qu'ils sont, ayant cessé de se leurrer sur le passé.
Un livre salutaire.
«?À huit cents kilomètres de distance, l'écrivain algérien et le psychiatre français s'interrogent sur les racines des guerres en Méditerranée et sur le devenir de la région.?» Alexandre Devecchio, Le Figaro «?Les deux penseurs revisitent l'histoire et les fractures de cet espace à la frontière entre islam et chrétienté. Un dialogue est-il possible???» Laurent Goumarre, France Inter «?Les deux hommes évoquent les guerres, le terrorisme, les migrations, les religions, les intégrismes et les divers périls menaçant toujours et encore cette région du monde «à la mémoire longue et lente» et «aux pulsions mystérieuses». Au final, une vision partagée, qui ne laisse guère de place à l'optimisme.?» Sud Ouest Boris Cyrulnik est un psychiatre et psychanalyste français. Boualem Sansal est un écrivain algérien.
Ce dialogue a été animé par le journaliste José Lenzini.
Boris Cyrulnik et Boualem Sansal revisitent les périodes de fracture qui s'étendent de l'hégémonie ottomane sur la Méditerranée orientale à la conquête du Royaume arabe de Grenade par les Espagnols, de la découverte des routes océaniques vers les Amériques à l'époque moderne et aux ambitions coloniales. Ils abordent les antagonismes entre une chrétienté défendue par l'Espagne et l'Islam ottoman expansionniste qui perdurent jusqu'à nos jours avec les nombreuses falsifications de l'histoire qui ne favorisent pas les rapprochements.
Quant au terrorisme, il continuera même si la paix est là, au besoin il inventera une cause de rechange, concluent les deux interlocuteurs. Et pourtant... ! Comme ce livre en témoigne un dialogue reste possible entre les deux rives au milieu du fracas des armes.
Un meurtrier s'introduit par le balcon chez une dame qu'il connaît, parce qu'elle est juive s'acharne sur elle avec une violence inouïe, la torture, la défigure, la frappe sauvagement à mort en récitant des sourates du Coran, et la défenestre. Circulez, il n'y a rien à voir ! Les instances, dans une posture répétitive, font d'un attentat islamiste un simple fait divers. La Justice s'empresse de psychiatriser l'assassin, qui, hospitalisé depuis, et sans traitement, devrait sortir en pleine liberté prochainement. Des intellectuels, chercheurs, universitaires, auteurs, praticiens de re´fe´rence, issus de champs de réflexion différents, ambitionnent ici, construisant une clinique du contemporain, de décrypter les signes, les symptômes, et les problématiques qui affleurent sous l'expression de la défaillance des instances censées être garantes du Symbolique et de la démocratie, et partant de la responsabilité du Sujet. Il s'agit ici de faire de cette tragédie un événement historique et de se demander, soixante-quinze ans après la destruction des Juifs d'Europe, mis « hors-monde », d'un Halimi à l'autre, d'Ilan à Sarah, et des enfants abattus à bout portant à l'entrée de leur école, à quel moment de l'évolution de notre culture, et de notre psyché collective, en France, nous en sommes.
En leurs divers agencements esthétiques, narratifs et imaginaires, avec aussi leurs frontières formelles ou en déplacement, la littérature et la poésie expriment - pour le dire beaucoup trop simplement - le bonheur, le malheur ou parfois l'indifférence de la présence humaine dans le monde. En ce sens, la fiction peut être l'alliée cognitive des sciences humaines et sociales qui espèrent donner du sens à l'Histoire, sans céder trop au présentisme qui écrase le temps long de la pensée. Alliées, elles constituent les perfectibles pivots humanistes de l'éducation scolaire, ainsi que de l'enseignement et de la recherche universitaires, cet irremplaçable patrimoine inscrit dans l'héritage humaniste des deux modernités de la Renaissance et des Lumières.
Les textes de ce recueil sont issus des 49e Rencontres Internationales de Genève.
Www.rencontres-int-geneve.ch/
NAPPES-MONDES est une formidable aventure artistique qui revendique haut et fort la suprématie de l'échange, de l'écoute et de la compréhension interculturelle. Et si au départ, son projet « ne reposait » que sur de fragiles nappes en papier, bien vite, l'idée et l'envie d'en faire un livre « mémoire » s'est vite imposée à Joëlle Naïm. « La nappe de bistro, ce fragile carré de papier est devenu le support de mon côté entremetteuse nomade, de mon fantasme d'ubiquité, de mes rêves d'échanges, de paix et de création », écrit-elle. Et elle poursuit : dans un bistro parisien, l'artiste algérien peut rencontrer la poétesse de Tel Aviv, l'écrivain né à Cuba présenter son ile à la peintre née en Tunisie, le Palestinien de St Jean d'Acre raconter ses souvenirs douloureux à l'italienne juive qui connaît très bien Ramallah, Gaza . Il lui aura fallu beaucoup d'énergie et une impressionnante ténacité pour que NAPPES-MONDES voit le jour et que ces nappes-témoignages prennent ainsi un nouvel envol, vers le plus grand nombre / vers le plus grand Monde. Denis Fizelier - éditeur Ce qui frappe d'emblée devant l'ensemble, c'est la vivacité des formes et la justesse des associations. Pour les écritures, il faut évidemment prendre le temps de lire avant de remarquer que l'invention poétique est là tout aussi consistante et la pensée rapide ou saisissante. L'imbrication du texte épouse le mouvement de chaque nappe et, souvent, le fortifie... Bernard Noël, extrait de la préface Une nappe de bistrot en papier... Avec ce fragile carré de papier, peu précieux, dont elle n'a pas voulu faire son pré carré, Joëlle Naïm a rêvé «d'inviter le monde à sa table». Hubert Haddad ... un livre « dont la réussite n'est pas seulement esthétique » se réjouit Bernard Noël