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Bénédicte Delorme Montini
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On s'en aperçoit de mieux en mieux, avec le recul : notre monde, dans ce qu'il a de nouveau, est né au cours des années 1970, avec le grand tournant des politiques économiques connu sous le nom de «tournant néolibéral» qui allait s'amplifier avec la mondialisation. Mais ce tournant a son équivalent dans le domaine culturel avec «le moment post-moderne» qui a changé de fond en comble la scène artistique et intellectuelle, de la philosophie à l'architecture. Surgi en France avec les théoriciens de la génération post-structuraliste des Foucault, Deleuze ou Derrida, le post-moderne a trouvé une formidable chambre d'écho aux États-Unis, d'où ses thèmes se sont diffusés mondialement. Il en est venu ainsi à inspirer les mouvements sociaux qui font notre actualité, au nom du genre ou des identités. C'est ce moment-tournant qu'éclaire l'analyse incisive de Bénédicte Delorme-Montini. Elle en démêle les composantes, entre esthétique, philosophie et sociologie critique. Elle en retrace la diffusion, de l'émergence du paradigme de la déconstruction aux revendications sociétales d'aujourd'hui. Une mise au point indispensable sur une des sources mal connues et mal comprises de l'esprit du temps.
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La gloire du rap : les derniers seront les premiers
Bénédicte Delorme-Montini
- GALLIMARD
- Le Debat
- 1 Juin 2023
- 9782073021700
Les raps américain et français sont le produit de la révolution politique des années 1970. Sur fond de désoccidentalisation et de déhiérarchisation culturelle, une réinterprétation du couple égalité-liberté met alors en crise toutes les formes de transcendance. Le hip-hop en a d'emblée cristallisé les symptômes sociopolitiques les plus révélateurs : la crise de l'identité soumise à l'injonction sociale de l'autoréalisation, la réévaluation de la concurrence dans notre conception de la justice sociale, les nouvelles revendications en matière de représentation et de reconnaissance. Mais le hip-hop était encore une manière de transition entre les deux époques : son opposition à la société établie visait une perspective commune. La rupture intervient à la fin du siècle avec le gangsta rap qui déplace l'entreprise de transformation sociale sur le terrain culturel désormais dominé par les surenchères transgressives et le second degré. Muni d'un code esthétique ambivalent qui piège l'esprit critique, il engage avec la société une bataille de normes qui n'a cessé de défrayer la chronique. L'aspiration démocratique n'en a pas pour autant déserté le rap du XXI? siècle. Par un nouveau déplacement, c'est au premier chef dans ses aspects formels qu'elle se déploie à présent : dans son irréductible éclectisme et la polysémie des mots, dans le recyclage des métaphores et les caprices rythmiques amarrés à l'imprévisibilité de l'expérience. Elle prend ainsi la forme d'une démocratie esthétique qui célèbre la virtuosité stylistique et l'innovation, mais qui, totalement désintellectualisée et délestée du poids historique, ressemble à un grand jeu d'énigmes sans réponse.