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«Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français...»
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«- Naturellement, vous savez ce que c'est, Rieux ? - J'attends le résultat des analyses. - Moi, je le sais. Et je n'ai pas besoin d'analyses. J'ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j'ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d'années. Seulement, on n'a pas osé leur donner un nom, sur le moment... Et puis, comme disait un confrère : "C'est impossible, tout le monde sait qu'elle a disparu de l'Occident." Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c'est... - Oui, Castel, dit-il, c'est à peine croyable. Mais il semble bien que ce soit la peste.»
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«En somme, je vais parler de ceux que j'aimais», écrit Albert Camus dans une note pour Le premier homme. Le projet de ce roman auquel il travaillait au moment de sa mort était ambitieux. Il avait dit un jour que les écrivains «gardent l'espoir de retrouver les secrets d'un art universel qui, à force d'humilité et de maîtrise, ressusciterait enfin les personnages dans leur chair et dans leur durée». Il avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l'enfance de son «premier homme». Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. Mais c'est justement ce côté autobiographique qui est précieux aujourd'hui. Après avoir lu ces pages, on voit apparaître les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement. Pourquoi, toute sa vie, il aura voulu parler au nom de ceux à qui la parole est refusée.
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«Je me révolte, donc nous sommes», affirme Albert Camus. La révolte est le seul moyen de dépasser l'absurde. Mais le véritable sujet de L'homme révolté est comment l'homme, au nom de la révolte, s'accommode du crime, comment la révolte a eu pour aboutissement les États policiers et concentrationnaires du XX? siècle. Comment l'orgueil humain a-t-il dévié ?De violentes polémiques ont accompagné la sortie de cet essai. Les contemporains de Camus n'étaient pas mûrs pour admettre des vérités qui s'imposent désormais et mettent L'homme révolté en pleine lumière de l'actualité.
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«Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve. De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation. [...] J'avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres à peu près, lorsque j'entendis le bruit, qui, malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d'un corps qui s'abat sur l'eau. Je m'arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j'entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s'éteignit brusquement.»
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«En février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au parti socialiste révolutionnaire, organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. Cet attentat et les circonstances singulières qui l'ont précédé et suivi font le sujet des Justes. Si extraordinaires que puissent paraître, en effet, certaines des situations de cette pièce, elles sont pourtant historiques. Ceci ne veut pas dire, on le verra d'ailleurs, que Les Justes soient une pièce historique. Mais tous les personnages ont réellement existé et se sont conduits comme je le dis. J'ai seulement tâché à rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai... La haine qui pesait sur ces âmes exceptionnelles comme une intolérable souffrance est devenue un système confortable. Raison de plus pour évoquer ces grandes ombres, leur juste révolte, leur fraternité difficile, les efforts démesurés qu'elles firent pour se mettre en accord avec le meurtre - et pour dire ainsi où est notre fidélité.» Albert Camus.
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Le mythe de sisyphe (essai sur l'absurde)
Albert Camus
- Folio
- Folio Essais
- 21 Février 1985
- 9782070322886
«Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide.» Avec cette formule foudroyante, qui semble rayer d'un trait toute la philosophie, un jeune homme de moins de trente ans commence son analyse de la sensibilité absurde. Il décrit le «mal de l'esprit» dont souffre l'époque actuelle : «L'absurde naît de la confrontation de l'appel humain avec le silence déraisonnable du monde.»
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«Je me souviens du moins d'une grande fille magnifique qui avait dansé tout l'après-midi. Elle portait un collier de jasmin sur sa robe bleue collante, que la sueur mouillait depuis les reins jusqu'aux jambes. Elle riait en dansant et renversait la tête. Quand elle passait près des tables, elle laissait après elle une odeur mêlée de fleurs et de chair.»
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«Caligula : C'est une vérité toute simple et toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter.Hélicon : Et qu'est-ce donc que cette vérité, Caïus ?Caligula : Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.Hélicon : Allons, Caïus, c'est une vérité dont on s'arrange très bien. Regarde autour de toi. Ce n'est pas cela qui les empêche de déjeuner.Caligula : Alors, c'est que tout, autour de moi, est mensonge, et moi, je veux qu'on vive dans la vérité !»
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"cher monsieur Germain,..." : lettres et extraits
Albert Camus
- Folio
- Folio 3 Euros
- 6 Avril 2023
- 9782073013446
19 novembre 1957 Cher Monsieur Germain, J'ai laissé s'éteindre un peu le bruit qui m'a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon coeur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n'ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j'ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. (...) Je vous embrasse, de toutes mes forces. Albert Camus Alors qu'il vient de recevoir le prix Nobel de littérature, Albert Camus écrit à son ancien instituteur à Alger, celui sans qui «rien de tout cela ne serait arrivé», toute sa reconnaissance. L'ensemble de la correspondance entre les deux hommes et un extrait du Premier homme où apparaît le personnage de l'instituteur M. Bernard sont ici réunis. Une édition en forme d'hommage à ce lien magnifique de gratitude et de tendresse.
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«Dans les épaisseurs de la nuit sèche et froide, des milliers d'étoiles se formaient sans trêve et leurs glaçons étincelants, aussitôt détachés, commençaient de glisser insensiblement vers l'horizon. Janine ne pouvait s'arracher à la contemplation de ces feux à la dérive. Elle tournait avec eux, et le même cheminement immobile la réunissait peu à peu à son être le plus profond, où le froid et le désir maintenant se combattaient.»
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Qu'il suive le fil d'Ariane sur les traces du Minotaure pour évoquer Oran et ses alentours, qu'il revisite le mythe de Prométhée à la lumière de la violence du monde moderne, ou qu'il rêve à la beauté d'Hélène et de la Grèce, Albert Camus nous entraîne tout autour de la Méditerranée et de ses légendes.
Un court recueil de textes lyriques et passionnés pour voyager de l'Algérie à la Grèce en passant par la Provence. -
'Je suis certain qu'on ne peut être heureux sans argent. Voilà tout. Je n'aime ni la facilité ni le romantisme. J'aime à me rendre compte. Eh bien, j'ai remarqué que chez certains êtres d'élite il y a une sorte de snobisme spirituel à croire que l'argent n'est pas nécessaire au bonheur. C'est bête, c'est faux, et dans une certaine mesure, c'est lâche.' En 1938, Albert Camus abandonne son premier roman, La mort heureuse, pour commencer à rédiger L'étranger. Ce premier projet romanesque, publié à titre posthume, est riche pourtant de descriptions lumineuses de la nature et de réflexions anticonformistes. Le héros, Meursault, recherche désespérément le bonheur, fût-ce au prix d'un crime. Son parcours est nourri de la jeunesse difficile et ardente de Camus ; ses choix et ses pensées annoncent les récits et les essais à venir.
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L'envers et l'endroit est le premier livre d'Albert Camus. Il paraît à Alger en 1937.À la fin de sa vie, Camus verra dans cette oeuvre de jeunesse la source secrète qui a alimenté ou aurait dû alimenter tout ce qu'il a écrit. L'envers et l'endroit livre l'expérience, déjà riche, d'un garçon de vingt-deux ans:le quartier algérois de Belcourt et le misérable foyer familial dominé par une terrible grand-mère; un voyage aux Baléares, et Prague, où le jeune homme se retrouve «la mort dans l'âme»; et surtout, ce thème essentiel:«l'admirable silence d'une mère et l'effort d'un homme pour retrouver une justice ou un amour qui équilibre ce silence».
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Les quatre Lettres à un ami allemand, écrites sous l'Occupation et destinées à des publications clandestines, expriment déjà la doctrine de La peste et de L'homme révolté. Elles se placent sous l'invocation de Senancour qui, en une formule saisissante, avait résumé la philosophie de la révolte : «L'homme est périssable. Il se peut ; mais périssons en résistant, et si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice !»
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Dans Folioplus classiques, le texte intégral, enrichi d'une lecture d'image, écho pictural de l'oeuvre, est suivi de sa mise en perspective organisée en six points :
- Mouvement littéraire : Camus et l'absurde.
- Genre et registre : Sous le signe du théâtre.
- L'écrivain à sa table de travail : Écrire et récrire.
- Groupement de textes : Théâtre et complots.
- Chronologie : Albert Camus et son temps.
- Éléments pour une fiche de lecture.
Recommandé pour les classes de lycée.
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Jonas ou l'artiste au travail ; la pierre qui pousse
Albert Camus
- Folio
- Folio 3 Euros
- 2 Février 2023
- 9782073007780
Nouvelles extraites de L'exil et le royaume
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Rêvant de faire fortune et d'aller vivre au soleil, Martha et sa mère assassinent pour les dépouiller les clients de leur auberge. Un jour, le frère de Martha, parti depuis vingt ans, revient incognito et prend une chambre chez les deux femmes... Déjà mise au jour par Le Mythe de Sisyphe, la réflexion sur la condition humaine donne au Malentendu les contours équivoques qui sont ceux du théâtre de l'absurde. D'un malentendu, Camus a fait le sujet d'une «tragédie moderne». Le malheur y vient moins de l'aveuglement, propre aux tragiques grecs, que d'une éperdue volonté de bonheur, soutenue par une énergie prête au crime.
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« L'Étranger », « Le Mythe de Sisyphe », « Caligula » et « Le Malentendu » avaient formé ce que Camus appelle, dans ses « Carnets », le cycle de l'absurde. « Les Justes « succèdent à « La Pest »e et accompagnent la genèse de « L'Homme révolté » pour composer un second cycle, celui de la révolte. Il n'y a pas de rupture entre les deux cycles : le sentiment d'absurdité appelle la révolte. À l'instar d'Arthur Koestler, il va dénoncer plus systématiquement ce « sens de l'Histoire », au nom duquel la révolte a été confisquée au profit d'une révolution fondée sur la terreur. Nous voici engagés dans un débat d'idées. Il est au coeur des « Justes », pièce où Camus aspire une fois encore au génie tragique. Certains lui ont trouvé des accents cornéliens. La tragédie classique, après tout, était pour partie un affrontement d'idées. Le difficile pari de Camus est d'écrire, sinon une tragédie, du moins une pièce tragique sur son époque.
Dans « L'Homme révolté », Camus date du meurtre du général Trepov (1878) la naissance du terrorisme russe. Le terrorisme va gagner tout l'Occident. Après le meurtre d'Alexandre II en 1881, ce sera celui de Sadi Carnot en 1894, précédé par les « exploits » de Ravachol, de Vaillant et de Henry ; celui d'Elisabeth, impératrice d'Autriche, en 1898 ; celui de Mac Kinley, président des États-Unis, en 1901. Et l'histoire n'est pas finie...
« L'héroïsme est peu de chose, le bonheur plus difficile », écrivait Camus dans les « Lettres à un ami allemand ». « Dora et Kaliayev veulent vivre heureux en même temps qu'ils se sacrifient pour le peuple et, au contraire de Stepan, ils puisent dans leur amour la force de leur sacrifice. C'est qu'il faut être fort et heureux pour bien aider les gens dans le malheur. Celui qui traîne sa vie et succombe sous son propre poids ne peut aider personne. » L'affrontement se produit ici entre les « justes », comme Kaliayev, et les intégristes de l'Organisation, incarnés par le seul Stepan. Si tension il y a, elle est entre révolte et révolution. Mais tous les conjurés s'accordent sur l'objectif à atteindre. Le dilemme n'est pas : « Faut-il ou non s'opposer au Tsar ? », mais : « A-t-on le droit, pour le renverser, d'utiliser tous les moyens ? ».
On peut s'effaroucher que les « justes » se déterminent non par rapport à des apôtres de la non-violence, qui auraient eu leur mot à dire, mais par rapport aux intégristes de la révolution. Bref, c'est meurtriers contre meurtriers. Pour Camus, nous le savons, la tyrannie appelle la violence. Le sens de l'honneur et le souci de l'efficacité commandaient aux « justes » de tuer ; le « complément » rappelle qu'ils ont, en échange, accepté la mort. C'est dire qu'on ne trouve plus trace, ni dans « Les Justes » ni dans leur mode d'emploi, de la réserve que Camus avait inscrite dans l'ébauche : « Une vie est payée par une vie. Le raisonnement est faux, mais respectable. » Aurait-il, chemin faisant, trouvé de quoi fonder en raison le respectable sacrifice de Kaliayev ? Parions plutôt que l'action dramatique a imposé à l'écrivain une logique qui ne coïncidait plus avec celle du moraliste.
Édition présentée, établie et annotée par Pierre-Louis Rey, professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle.
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34 textes connus des prises de parole publiques de Camus, s'achevant sur la transcription inédite de son allocution au dîner de L'Algérienne, le 13 novembre 1958 à Paris. À l'exception de sa causerie sur « la nouvelle culture méditerranéenne » de 1937, la totalité de ces discours et conférences ont été prononcés après-guerre. La révolte camusienne se situe au coeur de l'absurde, dans la reconnaissance simultanée du sort commun et de la liberté individuelle. C'est là le socle de ces prises de parole. D'une conférence à l'autre, Camus explicite et manifeste son engagement d'homme, qui vise à redonner voix, figure et dignité à ceux qui en ont été privés par un demi-siècle de bruit et de fureur, où le mésusage des mots et la démesure des idées ont fait de l'homme un loup pour lui-même. Pour Camus, il y a un métier d'homme, qui consiste à s'opposer au malheur du monde afin d'en diminuer l'intensité, dans les limites propres à chaque individu. Son autorité d'intellectuel, son parcours singulier donnent à sa parole une audience particulière, dans un monde qui s'est déjà globalisé - en particulier sous l'effet des totalitarismes et des impérialismes. Camus ne limite pas ses engagements aux frontières nationales ; l'Europe est au coeur de ses préoccupations, voire de son indignation lorsqu'elle est celle de Franco et que l'on ne s'en offusque pas. Et Camus monte à la tribune quand ses frères d'Europe de l'Est sont soumis à l'oppression d'un totalitarisme fou, brisant toutes libertés dans le plus total irrespect de la personne humaine. Plus que de culture, c'est de civilisation qu'il s'agit et du sentiment fraternel qui unit les hommes en lutte contre leur destin. Il se dessine par là une morale pour soi-même : ce métier d'homme est un apprentissage, une discipline, qui se joue au quotidien et toute la vie durant : « J'aime mieux les hommes engagés aux littératures engagées, écrivait-il dans ses Carnets. Du courage dans sa vie et du talent dans ses oeuvres, ce n'est déjà pas si mal. »
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«On trouvera dans ce recueil un choix d'articles et de textes qui tous concernent l'Algérie. Ils s'échelonnent sur une période de vingt ans, depuis l'année 1939, où presque personne en France ne s'intéressait à ce pays, jusqu'à 1958, où tout le monde en parle. [...] Tels quels, ces textes résument la position d'un homme qui, placé très jeune devant la misère algérienne, a multiplié vainement les avertissements et qui, conscient depuis longtemps des responsabilités de son pays, ne peut approuver une politique de conservation ou d'oppression en Algérie. Mais, averti depuis longtemps des réalités algériennes, je ne puis non plus approuver une politique de démission qui abandonnerait le peuple arabe à une plus grande misère, arracherait de ses racines séculaires le peuple français d'Algérie et favoriserait seulement, sans profit pour personne, le nouvel impérialisme qui menace la liberté de la France et de l'Occident. Une telle position ne satisfait personne, aujourd'hui, et je sais d'avance l'accueil qui lui sera fait des deux côtés.»
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'C'est les jambes flageolantes que je reçois le premier coup de New York. Au premier regard, hideuse ville inhumaine. Mais je sais qu'on change d'avis. Ce sont des détails qui me frappent : que les ramasseurs d'ordures portent des gants, que la circulation est disciplinée, sans intervention d'agents aux carrefours, etc., que personne n'a jamais de monnaie dans ce pays et que tout le monde a l'air de sortir d'un film de série. Le soir, traversant Broadway en taxi, fatigué et fiévreux, je suis littéralement abasourdi par la foire lumineuse.' Ce volume comprend les journaux de voyage d'Albert Camus aux États-Unis de mars à mai 1946, puis en Amérique du Sud de juin à août 1949.
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«On aura peut-être été un peu surpris de voir dans ces discours l'accent porté par Camus sur la défense de l'art et la liberté de l'artiste - en même temps que sur la solidarité qui s'impose à lui. Cela faisait certes partie de ce que lui dictaient les circonstances et le milieu où il devait les prononcer, mais il est certain que Camus se sentait accablé par une situation où, selon ses propres paroles, "le silence même prend un sens redoutable. À partir du moment où l'abstention elle-même est considérée comme un choix, puni ou loué comme tel, l'artiste, qu'il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu'engagé." Et malgré une certaine éloquence - qu'on lui reprochait également - il se sentait profondément concerné et douloureusement atteint par un conflit qui le touchait jusque dans sa chair et dans ses affections les plus enracinées».
Carl Gustav Bjurström.
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Dans la moins connue de ses pièces, Camus raconte l'apparition de la peste dans une ville maritime, mais les protagonistes ne ressemblent guère à ceux du roman. «Notre XX? siècle est le siècle de la peur», écrivait Camus en 1946. C'est le fil directeur de l'oeuvre. Qu'est-ce qui peut vaincre la peur, sinon l'amour ? C'est-à-dire, dans un contexte politique, la solidarité. Car la pièce est une allégorie de l'Occupation, de la dictature, des totalitarismes. Par là, elle n'a rien perdu de son actualité. Elle montre en effet comment une collectivité (et non un individu, comme dans Caligula) réagit face au malheur. Elle est écrite dans un style lyrique, qui chante l'amour, la solitude de l'homme face à son destin, la communion d'une cité.